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Nos Lecteurs ont la Parole

Ilik ya Baalback... suite

Pour Orphée, c'était le « songe d'une nuit d'été ». Pour nous, de même, ce soir du 31 juillet était l'événement musical, en hommage rendu par les compositeurs libanais à l'intemporelle Baalbeck. Nagi Hakim, Béchara el-Khoury, Ibrahim Maalouf, Gabriel Yared, Zad Moultaka, Ghadi Rahbani et Marcel Khalifé ont écrit des partitions originales.
Nagi Hakim a pris pour thème une mélodie populaire et simple (Alaïki el-salam) qu'il a développée en variations multiples dans un ensemble complexe et monumental. Les groupes d'instruments, isolés en registres distincts, se succédaient en crescendo, comme pour transmettre l'écho des temples, puis se rejoignaient en une fusion organique, projetant ainsi un son ample et majestueux, autant que le serait celui d'un buffet d'orgue conçu à l'échelle du site de Baalbeck.
La trompette au quart de ton d'Ibrahim Maalouf charriait un son venu de loin, du fond de l'histoire. Il s'infiltrait à travers les colonnes en s'attardant sur les moulures, comme pour mieux les caresser.
Dans son Clair-Obscur, œuvre composée pour Baalbeck, Béchara el-Khoury s'est exprimé dans toute sa maturité de maître symphoniste, s'adressant au site par ses variations de tonalités sous la clarté d'une lune opaline. La dimension musicale, ébauche d'un monde parallèle où fusionnent les nuances d'une ondulation sonore, façonnait dans la forme un bas-relief, tandis que le fond insondable miroitait de couleurs, celles de ses sentiments nostalgiques entrecroisés avec les songes que les ruines continuent à évoquer. À la pleine lune de ce 31 juillet, riche de sa polysémie de mystères, Béchara el-Khoury a réveillé le « génie du lieu ».
Gabriel Yared a composé sa création sous l'inspiration de deux muses. La première ravivait l'âme du poème que Nadia Tueini avait écrit pour Baalbeck, la seconde s'insinuait dans les modulations subtiles de la voix de contre-alto de Fadia el-Hage. La veine nostalgique du poème drainait la voix dans un phrasé en decrescendo, tandis que le registre vocal s'élevait dans l'emphase de l'émotion. L'union du texte à la voix, si chère aux classiques, prit forme dans la musique, une partition pour piano interprétée avec brio par Simon Ghraichy.
Zad Moultaka ne cesse de nous étonner par ses créations originales chargées de culture et de poésie, s'adressant au site à travers une vision personnelle du mythe de Baal. Vision qu'il raconte en images tissées en entrelacs mathématiques où le schème se développe en se retournant sur lui-même, établissant ainsi le rythme. On aurait dit que l'ensemble du chantier romain était encore en marche dans un mode opératoire implacable et rigoureux où le chantier sonore de l'orchestre philharmonique produisait une sonorité qui valait autant que vaudrait l'esthétique d'une grande architecture. Puis, coup de théâtre, les soixante-dix musiciens de l'orchestre se lèvent et clament à l'unisson « Ana Baal... », alliant l'archaïsme des rites cananéens à cette œuvre orchestrale d'avant-garde.
Le patrimoine musical libanais, notamment celui du Festival de Baalbeck, était à l'honneur dans l'œuvre de Ghadi Rahbani qui a donné la preuve encore une fois que l'héritage des frères Rahbani n'est pas une relique du passé, qu'il est en marche et qu'il s'inscrit dans les rangs des compositions symphoniques contemporaines. Quant à l'œuvre de Marcel Khalifé, tirée de son répertoire, elle a enflammé l'auditoire, surtout par la présence vocale de l'artiste sur scène.
L'Orchestre philharmonique du Liban dirigé par le maestro Harout Fazlian a réussi le pari d'interpréter ces œuvres en « première », produisant des phrasés musicaux parfaitement maîtrisés dont la sonorité se distinguait par la dynamique et la clarté, exprimant le caractère spécifique de chaque œuvre, compte tenu de leur diversité, une diversité de styles qui a dû surprendre Orphée dans son songe où il n'aurait pas manqué de les accompagner sur sa lyre.

Alexis MOUKARZEL
Président de l'Association des amis de l'Orchestre philharmonique du Liban

Pour Orphée, c'était le « songe d'une nuit d'été ». Pour nous, de même, ce soir du 31 juillet était l'événement musical, en hommage rendu par les compositeurs libanais à l'intemporelle Baalbeck. Nagi Hakim, Béchara el-Khoury, Ibrahim Maalouf, Gabriel Yared, Zad Moultaka, Ghadi Rahbani et Marcel Khalifé ont écrit des partitions originales.Nagi Hakim a pris pour thème une mélodie...
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