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À La Une - russie

A Moscou, la multiplication de nouvelles églises se heurte à une certaine résistance

Des centaines d'habitants ont pris à cœur de défendre les parcs publics face à ce qu'ils considèrent comme une réquisition illégale de terrains par l'Eglise orthodoxe.

A Moscou, les tensions sont montées d'un cran début juillet après une manifestation d'opposants au projet de construction d'une nouvelle église, qui a poussé des activistes pro-église à monter la garde devant le chantier, où se rassemblent périodiquement devant une croix en bois des femmes en foulard et des Cosaques en uniforme. AFP PHOTO / KIRILL KUDRYAVTSEV

A Moscou, ville tentaculaire aux espaces verts très prisés, des centaines d'habitants ont pris à cœur de défendre les parcs publics face à ce qu'ils considèrent comme une réquisition illégale de terrains par la puissante Eglise orthodoxe.

Dmitri Fedotov, un ingénieur habitant près du parc Torfianka, dans le nord de Moscou, a rejoint la semaine dernière un groupe de manifestants qui proteste depuis la mi-juin contre le projet d'y construire une chapelle.
"La loi interdit de construire dans les parcs publics. Mais l'Eglise passe outre et accapare des espaces verts sans aucune consultation. Tout ça parce que les autorités considèrent que ce qu'elle fait ne peut pas être mauvais", s'indigne ce jeune homme de 28 ans.

Les tensions sont montées d'un cran début juillet après une manifestation des opposants au projet, qui a poussé des activistes pro-église à monter la garde devant le chantier, où se rassemblent périodiquement devant une croix en bois des femmes en foulard et des Cosaques en uniforme.
Les travaux avaient déjà été interrompus le mois dernier, après que les deux camps en soient venus aux mains.
"La chapelle rendra le parc plus propre parce que les gens se comporteront de manière plus civilisée", estime le meneur des partisans de la construction de la chapelle, Andreï Kormoukhine, qui considère les opposants au projet comme des agents d'un complot préparant un soulèvement orchestré par l'Occident.

L'Eglise orthodoxe russe est ressortie traumatisée de l'époque soviétique, après plus de soixante-dix ans de persécutions. Pendant cette période, de nombreux édifices religieux ont été détruits ou transformés en bâtiments administratifs. Mais selon les chiffres avancés par le clergé, plus de 23.000 églises qui avaient été démolies ou abandonnées sous l'Union soviétique ont été reconstruites au cours des deux dernières décennies.
Et l'influence de l'Eglise, notamment dans les sphères de l'Etat, a connu une remontée spectaculaire sous la présidence de Vladimir Poutine, qui a approuvé pendant son premier mandat la restitution au clergé orthodoxe de ses biens confisqués par les communistes.

Une influence grandissante
L'Eglise orthodoxe a désormais une place proéminente dans le débat public et son chef, le patriarche Kiril, n'hésite plus à s'exprimer régulièrement sur la politique du gouvernement, brouillant encore davantage les lignes entre l'Eglise et l'Etat.

En 2013, les députés russes sont allés jusqu'à adopter une loi controversée qui punit "l'insulte aux sentiments religieux des croyants". "Seul les croyants peuvent désormais se sentir offensés avec cette loi. Qu'en est-il des sentiments des autres personnes? Ont-il le droit de se sentir offensés?", s'étouffe Dmitri Fedotov.

Le patriarche Kirill, qui a déclaré un jour que l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine était "un miracle divin", affirme que Moscou a besoin de 571 églises supplémentaires pour accompagner la renaissance du sentiment religieux au sein de la population. Le clergé a d'ores et déjà programmé la construction de 200 nouveaux édifices dans la capitale.
Mais selon le militant Oleg Larine, des protestations ont déjà eu lieu pour près de la moitié des 20 nouvelles églises sorties de terre dans le cadre de ce grand projet.

En juin, plus de 60.000 personnes ont signé une pétition en ligne contre l'érection sur une colline de Moscou d'une statue de 24 mètres de haut du prince Vladimir, saint orthodoxe qui a converti la Russie médiévale au christianisme au Xe siècle. Les autorités municipales ont fini par se plier à la volonté populaire et cherchent un nouveau lieu d'accueil pour cette statue monumentale. Mais les différends ne s'arrêtent pas à la question des églises ou des statues.

Renaissance de la religion
"L'Eglise n'occupe pas seulement un rôle spirituel dans la vie des gens. C'est devenu une institution politique et économique puissante dans la Russie d'aujourd'hui", estime l'avocat Anatoli Ptchelintsev, également membre du comité parlementaire sur les organisations religieuses.

Selon un sondage de 2013 du centre indépendant Levada, seul un quart des Russes estiment que l'Eglise orthodoxe joue un rôle trop important dans la société, contre 48% qui jugent que son rôle n'est pas excessif.
Mais un autre sondage a révélé que malgré une renaissance générale du sentiment religieux parmi la population, seul 14% des Russes se rendent à l'église au moins une fois par mois.

"Les églises de Moscou ne sont jamais remplies, même lors des fêtes religieuses. L'intelligentsia et une partie de la population ne comprennent pas pourquoi plus d'églises doivent être construites", affirme M. Ptchelintsev.
En ce qui concerne la chapelle du parc Torfianka, un tribunal doit décider de son sort dans le courant du mois de juillet.

 

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