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Liban - Environnement

Des rues inondées de déchets après le 17 juillet ?

Le délai de la fermeture de la décharge de Naamé approche et il semble que le gouvernement n'aura d'autre choix que de jouer les prolongations.

La décharge de Naamé-Aïn Drafil, sursaturée depuis des années, doit en principe être fermée le 17 juillet.

Dans le dossier de la gestion des déchets ménagers, qui pourrait être discuté aujourd'hui en Conseil des ministres, une crise se profile à l'horizon.
Le nouveau plan national de gestion des déchets, adopté après maints pourparlers par le Conseil des ministres en janvier dernier, suppose une division du pays en six zones gérées par des sociétés privées. Il devait déboucher sur une adjudication pour le choix des sociétés. Lors de l'ouverture des plis le 26 mai dernier, il s'est avéré qu'aucune offre n'avait été faite pour deux des principales régions, Beyrouth et le Metn-Sud (seule la région du Metn-Kesrouan-Jbeil avait attiré trois offres), ce qui signifie qu'un nouvel appel d'offres devait être lancé.

Entre-temps, la date prévue de la fermeture de la principale décharge du pays à Naamé-Aïn Drafil, le 17 juillet, approche à grands pas. Le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk avait assuré à plus d'une reprise que « cette date serait respectée » et avait même avancé la possibilité d'un transport des déchets à l'étranger pour traitement. Nous n'avons pu contacter le ministre hier, mais il semble évident, selon des sources concordantes, qu'un nouveau report de la fermeture de la décharge sera quasi inévitable. Quant aux adjudications, une nouvelle ouverture des plis serait prévue pour le 15 juillet.
Le Liban, rappelons-le, produit quelque trois mille tonnes de déchets ménagers par jour et même près de quatre mille durant le mois de ramadan.

Selon les informations obtenues par L'Orient-Le Jour, le sujet des déchets ménagers se trouve à l'ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres aujourd'hui. Le sujet avait été soulevé lors de la réunion du 4 juin, il avait été discuté mais n'avait pas été tranché. Le Premier ministre Tammam Salam a inclus ce sujet à l'ordre du jour, ainsi que d'autres sujets intéressant le public à l'instar des aides à l'exportation de produits agricoles, en vue de mettre les ministres face à leurs responsabilités, toujours selon cette source.

Habib Maalouf, président du Comité libanais de l'environnement et du développement et notre confrère d'as-Safir, souligne que Tammam Salam a déjà pris la responsabilité de prolonger le délai des adjudications jusqu'au 15 juillet, conformément aux recommandations du ministre de l'Environnement. « Cette prolongation devait être obligatoirement entérinée par le Conseil des ministres, mais il n'y a pas eu de réunions depuis ce temps-là », dit-il.
Comme beaucoup d'autres environnementalistes, Habib Maalouf pense que ces adjudications ont tourné court en raison de l'inapplicabilité du cahier des charges. « Il est stipulé que l'entrepreneur doit trouver lui-même le site de décharge, rappelle-t-il. Or cela tient de l'impossible : si l'État a été incapable d'imposer des sites de décharges, les entrepreneurs privés sont-ils capables de le faire ? »

Qu'attend-il alors de l'ouverture des plis prévue pour le 15 juillet ? « À mon avis, ceux qui étaient intéressés par les appels d'offres se sont déjà présentés, rien de nouveau n'a eu lieu depuis, estime-t-il. S'il y a de nouvelles offres sur le tapis, ce serait, à mon avis, plutôt louche. Cela pourrait vouloir dire qu'un marché a été conclu avec l'une des entreprises, ce qui ne serait pas de très bon augure. D'ailleurs, même au cas où un tel deal est conclu, il faudrait non moins de huit à neuf mois pour l'appliquer sur le terrain. Cela veut dire que le prolongement de la crise est inéluctable. »


(Pour mémoire : Le 17 juillet, une date réaliste pour la fermeture de Naamé ?)

« Nous allons fermer la route aux camions »
Le prolongement de la crise, c'est également un nouveau délai de fermeture de la décharge de Naamé-Aïn Drafil, qui empoisonne la vie des habitants des villages alentour. D'aucuns craignent qu'un délai sans cesse repoussé n'incite de nouveau la société civile locale à fermer la route aux camions de la compagnie qui gère le site, provoquant par le fait même une nouvelle crise des déchets dans les rues comme en janvier 2014.
Certes, en janvier dernier, après un nouveau report de la fermeture de la décharge, un tel mouvement avait été avorté par le ralliement des municipalités à une volonté d'apaisement des leaders et des autorités, et par le paiement de compensations dues depuis longtemps. Toutefois, dans la configuration actuelle, Habib Maalouf ne pense pas « que les autorités ont d'autre choix que de reporter la fermeture de la décharge, sinon c'est la catastrophe assurée, une catastrophe dont personne ne peut supporter les conséquences à l'heure actuelle ».

Dans la société civile, tout le monde ne l'entend pas de cette oreille. Ajwad Ayache, porte-parole de la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé, indique à L'Orient-Le Jour que, suivant les informations dont il dispose, « il n'y a aucune volonté officielle de respecter le délai de fermeture de la décharge le 17 juillet, comme décidé précédemment en Conseil des ministres ». « Nous n'avons pas entendu parler d'une alternative, dit-il. Pour nous, ce n'est qu'une promesse non tenue de plus. Voilà pourquoi nous avons pris la décision de descendre sur le terrain le 17 juillet, pour fermer la route aux camions. »
La campagne peut-elle garantir que les manifestants répondront présent cette fois ?
« Nous ne pouvons rien garantir du tout, malheureusement, répond Ajwad Ayache. Je suis cependant confiant que les habitants de la région sont plus conscients des enjeux qu'avant, qu'ils se laisseront moins bercer par les promesses. »
Le militant affirme sur un autre plan que les contacts avec le ministère de l'Environnement sont coupés. « Notre seule inquiétude est que le Conseil des ministres ne revienne, dans sa réunion de demain (aujourd'hui jeudi) ou du 15 juillet, sur sa décision initiale de fermer la décharge le 17 », explique-t-il.


(Lire aussi : Fifi Kallab* sur les contrats de déchets : « Cherche-t-on à nous imposer l'incinération ? »)

L'incinération remise sur le tapis ?
Pour sa part, Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais (LEM, rassemblement d'une soixantaine d'ONG), dit soutenir les habitants de Naamé et des environs dans leur lutte pour la fermeture de la décharge. « Pour ce qui est de l'action sur le terrain, rien n'est décidé, nous avons programmé une réunion ce vendredi pour décider des étapes à suivre », dit-il.
Paul Abi Rached fustige « ce recours à des contrats avec des sociétés étrangères qui ne feront qu'imposer un prix de traitement de la tonne de déchets ménagers encore supérieur à celui imposé par la société privée actuellement en charge du dossier ». « Nous ne savons pas quelles sont leurs intentions, vu que le dialogue est rompu avec le ministère de l'Environnement, mais nous nous rendons bien compte qu'ils sont dans l'embarras dans tous les cas de figure : soit ils devront prolonger le contrat de la société actuelle, soit ils seront obligés de suivre un plan qui, jusque-là, n'a pas porté ses fruits », dit-il.
« Ma crainte absolue, poursuit-il, c'est qu'ils ne veuillent remettre sur le tapis le sujet des incinérateurs. Le lobby en faveur de l'incinération n'attend que de tels retards pour imposer cette solution comme la seule pouvant réduire significativement le volume des déchets. » Rappelons que la société civile dans sa grande majorité refuse l'installation d'incinérateurs, pour de multiples raisons, notamment pour son coût très élevé et pour son potentiel de pollution de l'air et de production de résidus toxiques. Or pour l'environnementaliste, ni la gestion privée ni l'incinération ne sont une fatalité, si on confie aux régions le soin de gérer leurs déchets sur base de la réduction, du compostage et du recyclage.

 


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