Voici venu le temps de la gangrène. Après le blocage de l'élection présidentielle, à travers le boycott des séances électorales à la Chambre par les députés du tandem Courant patriotique libre (CPL)-Hezbollah, et l'entrée de la Chambre au mandat autoprorogé dans le coma législatif, en raison de l'incapacité des parties à s'entendre sur la « législation de nécessité », c'est au tour du Conseil des ministres de découvrir les joies de la paralysie, en raison de l'insistance du CPL à placer la question des nominations militaires à l'ordre du jour.
Dans un climat général plombé par la paralysie du gouvernement, les ministres eux-mêmes – du moins certains d'entre eux – n'hésitent pas à tirer la sonnette d'alarme. Nabil de Freige a ainsi évoqué hier la perspective du blocage de certains organismes de contrôle, comme l'Inspection centrale, en raison du bourbier gouvernemental. Rachid Derbas a indiqué que si les choses restent en l'état, le ministère des Affaires sociales, entre autres, ne pourra plus payer les salaires en septembre. Ali Hassan Khalil, l'homme-lige du président de la Chambre, exprimait lui-même son inquiétude hier, estimant que le pays s'engageait dans une situation de sclérose à tous les niveaux.
En dépit des contacts tous azimuts menés par le Premier ministre Tammam Salam et le président de la Chambre, la crise gouvernementale fait du surplace. Il n'y aura pas de séance du Conseil des ministres cette semaine. Le président du Conseil s'est pourtant concerté hier avec les ministres Gebran Bassil et Mohammad Fneich, mais sans résultats, selon des sources bien informées. Le Hezbollah serait solidaire du CPL. Or le général Aoun et son camp estiment avoir été dupés par le courant du Futur, qui, selon eux, n'aurait pas tenu ses promesses concernant la nomination au poste de commandant en chef de l'armée du général Chamel Roukoz.
Tammam Salam a également rencontré hier au Sérail les ministres Nouhad Machnouk, Boutros Harb et Ramzi Jreige. Le ministre Jreige a affirmé qu'il avait appelé M. Salam à « exercer ses prérogatives constitutionnelles, à convoquer à une séance et à y fixer un ordre du jour ». « L'on pourra toujours débattre éventuellement d'un problème qui ne figure pas à l'ordre du jour. Mais on ne peut fixer un seul point à l'ordre du jour en Conseil des ministres. (...) La question des nominations ne justifie pas le blocage du Conseil des ministres », a souligné le ministre de l'Information. Selon lui, il sera toujours possible ultérieurement de régler ce dossier, dont la date butoir n'est qu'en septembre, d'autant que, d'ici là, une élection présidentielle aura peut-être contribué quelque peu à débloquer la situation. « Celui qui demande une chose avant son échéance s'en retrouve privé », a noté Ramzi Jreige, citant un principe juridique en forme de mise en garde à l'adresse du CPL et de ses responsables.
Le ministre de la Défense, Samir Mokbel, serait lui aussi à la recherche, en coordination avec M. Salam, d'un moyen d'arrondir les angles et de mettre fin à la paralysie. Cependant, dans un entretien accordé hier à l'agence al-Markaziya, M. Mokbel a insisté sur la nécessité d'assurer l'unanimité au sein du Conseil des ministres, sans quoi il ne fera rien avant la fin du mandat de Jean Kahwagi. Le camp aouniste, soutenu par le Hezbollah, les Marada et le Tachnag, est entièrement focalisé sur le dossier des nominations comme étant la priorité absolue. Sinon, rien.
Partant, Tammam Salam hésite à convoquer à une réunion et des sources bien informées estiment que la crise pourrait durer longtemps. « Jusqu'après le mois de ramadan », selon des sources du 8 Mars citées par notre correspondante Hoda Chédid. Le 8 Mars relève en effet que le blocage gouvernemental coïncide avec l'amorce d'une nouvelle donne régionale, à la veille de l'accord sur le nucléaire iranien à Genève. Un climat d'apaisement régional serait de nature à ouvrir la voie à un déblocage global au plan local, estiment ainsi des sources proches du Hezbollah.
Pour le ministre de la Justice, Achraf Rifi, en revanche, cette crise gouvernementale devrait durer une ou deux semaines tout au plus. Une éclaircie serait même possible au début de la semaine prochaine, estime-t-il. En fait, selon une source bien informée, Tammam Salam attendrait les résultats de l'initiative menée de pair par Walid Joumblatt et Nabih Berry pour débloquer la situation et trouver une solution à la question des nominations. Cependant, le chef du législatif n'aurait pas encore donné suffisamment de signaux positifs au Premier ministre pour que ce dernier prenne l'initiative de convoquer le Conseil des ministres.
C'est dans ce contexte global de pourrissement institutionnel, auquel est venu s'ajouter le diktat du secrétaire général adjoint du Hezbollah – « Aoun à la présidence ou personne » – et ses attaques fulgurantes contre le 14 Mars, que s'est déroulée hier le 13e round du dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah à Aïn el-Tiné, en présence de MM. Hussein Khalil, Hussein Hajj Hassan, Hassan Fadlallah, Nader Hariri, Nouhad Machnouk et Samir el-Jisr. Dans un communiqué aussi succinct que d'habitude, les deux parties se sont engagées à « poursuivre le dialogue et l'application du plan de sécurité, et à trouver des climats opportuns à l'action des institutions constitutionnelles ».
Une source du Futur fait état, dans ce cadre, d'un paradoxe entre l'escalade verbale du cheikh Kassem et l'attitude conciliatrice de Nabih Berry sur toutes les questions. Ce message paradoxal du 8 Mars n'est pas sans laisser le 14 Mars perplexe, affirme cette source, qui n'exclut cependant pas une répartition de rôles au sein du même camp entre prétendus « faucons » et « colombes ».
Selon cette source du Futur, c'est en perçant cette énigme – et le dialogue avec le Hezbollah peut contribuer à cela – qu'il serait possible de savoir pour combien de temps le parti chiite est disposé à soutenir le jusqu'au-boutisme aouniste. Sans perdre de vue que, jusqu'à présent, le Hezbollah donne l'impression qu'il souhaite préserver un cabinet sous poumon artificiel, de sorte que la fonction primordiale de cet exécutif sans cesse vampirisé soit exclusivement de lui accorder la couverture légale dont il a besoin, aussi longtemps que son équipée syrienne se poursuit.
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commentaires (5)
meme bachir fut un temps n'a pas menager les armeniens du liban (car c'est comme cela qu'il se definie eux meme: demandez et vous entendrez), au liban ne le disent pas mais venir a l'etranger c'est une tout autre chose !! il leur a dit en gros: ASSEZ DE VOTRE NEUTRALITE IL EST TEMPS DE MONTRER QUE VOUS APPARTENEZ AU LIBAN !! bon il a dit autre chose que je prefere garder ... mais apres cela nous avons vue certains armeniens etre plus libanais que libanais mais ceux la sont en perte de vitesse a cause justement de leur alliances contre-nature !! il n y a qu'a relire l'histoire du tachnag, ramgavar et un autre que j'ai oublie son nom ..
Bery tus
21 h 11, le 16 juin 2015