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Moyen Orient et Monde - Tribune

Quels défis pour les relations entre la France et le monde arabe ?

Lundi 16 février, au Caire, a été signé un accord sur la première vente de Rafale à l'exportation. Ce n'est pas uniquement un accord commercial qui a été signé ce jour-là, c'est aussi, et surtout, un vrai pacte de solidarité entre l'Égypte et la France. Nos deux pays ont pris conscience qu'ils doivent s'unir pour se défendre face aux périls de Daech. Nous devons combattre l'organisation terroriste qui tue aveuglément des Égyptiens en Libye et des Français à Paris. Face à cette menace d'une ampleur sans précédent, la France et ses amis arabes doivent mettre en œuvre une nouvelle coopération pour mieux promouvoir la paix.
Aujourd'hui, la première préoccupation de nos gouvernements doit être la fin de Daech. La communauté internationale s'est fortement mobilisée autour d'une coalition armée pour stopper le développement de l'hydre terroriste. Ce combat a vu naître une « union internationale » disparate, regroupant aussi bien les États-Unis, la Jordanie, l'Égypte, la France que l'Iran. A contrario, nos alliés dans la région semblent pour certains alimenter la menace terroriste : la France doit dire fermement à la Turquie qu'il n'est plus possible d'établir des liens commerciaux avec Daech tout en affirmant le combattre. Mais je pense que nous assistons à la fin du tragique épisode de Daech. En effet, la course aux assassinats de plus en plus brutaux, le non-paiement des jihadistes sur le terrain et la raréfaction des recrues illustrent la thèse que Daech pourrait déjà avoir perdu la guerre. Les gouvernements doivent, dès à présent, penser à l'après-Daech.
Les frontières du Moyen-Orient se sont rapidement effondrées. Nous devons accepter la mort de ces frontières issues des accords Sykes-Picot. Il est temps de remettre en cause ces accords, qui ont imposé unilatéralement des frontières scindant des tribus et des familles. Cent ans après (1915-2015), ces accords reviennent sur la table. Le moment est venu d'organiser un grand colloque international, sous l'égide de l'Onu, qui prendrait en compte les attentes nationales.
Depuis l'Antiquité, des liens forts entre la France et le monde arabe ont enrichi nos deux cultures. Mais depuis 50 ans, la question israélo-palestinienne était l'épicentre des affrontements au Moyen-Orient ; l'Égypte en a d'ailleurs payé un lourd tribut. J'ai toujours défendu la nécessité de l'existence de deux États. Aujourd'hui, c'est la lutte entre deux puissances qui revendiquent le leadership du Moyen-Orient : l'Arabie saoudite et l'Iran. La France, grâce à son rôle historique et ses liens privilégiés, se doit d'entretenir des rapports avec l'ensemble des parties prenantes. Elle doit sortir de sa vision manichéenne : les wahhabites de Riyad, apparus au XVIIIe siècle, ne représentent pas le sunnisme avec ses 1 300 ans d'histoire, ni l'ayatollah de Téhéran ne peut représenter, à lui tout seul, le chiisme, dont les rites et la théologie sont extrêmement variés.
Dans la lutte contre Daech, la France doit développer des liens d'abord avec des pays partenaires qui ont des convictions humanistes communes. Le sunnisme historique de la Grande Mosquée d'al-Azhar est un bon exemple, à l'opposé des thèses extrémistes récentes et nouvelles développées par les Frères musulmans au XXe siècle. C'est pourquoi je souhaiterais voir la France développer un partenariat privilégié avec al-Azhar sur les questions de l'islam. Nous devons aussi parler avec les chiites, qui représentent 30 % de la population au Moyen-Orient. Dans cette dynamique, je propose de nouer un lien stratégique avec le sultanat d'Oman, un pays de tradition culturelle et religieuse très ouverte.
La France et ses voisins méditerranéens doivent travailler ensemble pour répondre aux nouveaux défis de ce siècle : aujourd'hui, il s'agit de l'immigration massive qui transite par la Libye vers l'Europe. La France est, en partie, responsable de cette situation dramatique. En effet, l'intervention franco-britannique, qui a provoqué la chute de Kadhafi sans proposer de solution pour l'avenir libyen, a laissé la Libye livrée à des milices terroristes. Le pays est devenu un État failli, où tous les trafics prolifèrent, déstabilisant tout le bassin méditerranéen. La solution que je propose est de relancer l'Union pour la Méditerranée (UPM) initiée en 2008 par la France. Il y a un véritable enjeu à développer cette structure avec un cahier des charges clair. Dans ce dessein, l'Égypte pourra jouer un rôle capital et être une force politique motrice de l'UPM aux côtés de la France.
Il ne faut pas oublier, enfin, que Daech est, entre autres, produit par la déliquescence de l'Occident. Le nombre important de jeunes combattants issus de France ou de Belgique est un triste exemple... Un Occident sans boussole, reniant ses propres racines sous le vernis d'un athéisme exacerbé, est un vrai terreau pour les jihadistes. La France est à l'heure des choix nationaux : assumer son héritage et son histoire ; tout autant qu'internationaux : être un acteur de paix au sein de la région. C'est en créant de réels partenariats avec des pays voisins ayant des civilisations historiquement ouvertes et tolérantes, comme l'Égypte, que nous pourrons affronter sereinement toutes les tempêtes du siècle qui s'ouvre à nous.

Hervé MARITON
Député français et ancien ministre de l'Outre-Mer

Lundi 16 février, au Caire, a été signé un accord sur la première vente de Rafale à l'exportation. Ce n'est pas uniquement un accord commercial qui a été signé ce jour-là, c'est aussi, et surtout, un vrai pacte de solidarité entre l'Égypte et la France. Nos deux pays ont pris conscience qu'ils doivent s'unir pour se défendre face aux périls de Daech. Nous devons combattre...

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