Iris Apfel : délicieuse, irrévérencieuse et perchée

Iris Apfel, son nom n'est peut-être pas connu d'un grand nombre de personnes mais son visage, inoubliable, a été magnifiquement bien capté par les photographes. Cette femme ne passe certainement pas inaperçue. Arborant des vêtements et des accessoires qui, en principe, ne devraient pas s'accorder, mais qu'elle a le don de parfaitement harmoniser, le regard serti d'immenses lunettes rondes noires ou rouges, Iris Apfel n'est pas seulement une excentrique perchée tout là-haut, mais une véritable icône de l'univers new-yorkais du design, indétrônable du haut de ses 93 ans. Un documentaire, déjà en salle et signé par un grand expert en la matière, Albert Maysles, la raconte, telle qu'en elle-même, faiseuse de sa mode qu'elle a si bien imposée. Au point que même le Metropolitan Museum of Art, n'ayant pu ignorer la particularité d'une telle emblématique, l'avait évoquée, en 2005, à travers une exposition intitulée Rara Avis (ou oiseau rare), l'irrévérencieuse Iris Apfel. Ce fut un tabac. Les visiteurs ont tous été captivés par cette femme qui, en traversant les décades avec une infaillible griffe hors du commun, a créé et conservé sa place unique et insolite dans l'univers de la mode.

Associer l'inassociable
Un vrai oiseau rare, un oiseau du paradis qui se pose avec aisance là où il faut être vu, aussi bien dans les Big Events de Big Apple que dans le glamour de Californie. Iris Apfel a été l'égérie de plusieurs marques, dont M.A.C. et Coach. Le style d'Iris? Avec une créativité très personnelle, elle mixe des éléments multicolores, puisés de différentes sources : pantalons de designers célèbres, robes ecclésiastiques, en passant par une veste western ou un tailleur classique. Elle ne s'arrête pas là et continue en «habillant» le tout de sa marque déposée, c'est-à-dire d'énormes accessoires, toujours disparates mais savamment agencés: file de larges bracelets, superposition de colliers, dont les pierres peuvent atteindre la dimension d'une balle de golf, broches-pavés, etc. Le tout arboré avec confiance et nonchalance. Son fort : avoir réussi la rencontre entre l'artificiel et l'authentique dans une inspiration de son cru.

Conseillère en design pour la Maison-Blanche
Ce talent naturellement stylish, elle dit le tenir de sa mère «qui se sacrifiait sur l'autel des accessoires». Iris, née Barrel dans le Queens, a entrepris des études d'histoire de l'art avant de travailler avec de célèbres architectes d'intérieur, puis avec son mari Carl Apfel (qui vient d'ailleurs de fêter son 100e anniversaire!). Elle fonde la compagnie Old World Weavers (les tisserands du vieux monde), spécialisée dans la reproduction haut de gamme de tissus devenus rares. On a fait appel à Iris pour participer à des travaux de rénovation à la Maison-Blanche durant les mandats de neuf présidents: Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan et Clinton. C'est au cours de ses nombreux voyages à la recherche de textiles anciens qu'elle a acquis des bijoux portés avec un talent, une manière nouvelle et audacieuse qui est la sienne. Et qui est devenue sa signature.

93 ans et shootée aux puces
Au-delà de l'image et de l'allure à la fois unique et insolite, Iris possède de nombreux dons. Styliste, décoratrice, femme d'affaires, consultante et enseignante, en 2012 elle devient visiting professor à l'Université du Texas. L'année suivante, elle fait partie de la liste dressée par le très respectable journal britannique The Guardian des cinquante femmes les mieux habillées. Son avis, clair et direct, sur la nouvelle génération de designers : «Ils ne savent pas coudre, ils ne savent pas faire des drapés, ce sont des bêtes de médias.» Ou encore : «La mode a aussi cette manie de jeunisme, mais les femmes de 70 ans n'ont pas le corps des jeunes filles de 18 ans, lesquelles ne possèdent pas les dollars des femmes de 70 ans. »
Qu'est-ce qui fait que Iris Apfel se sent si bien dans sa peau, sans déceler aucune trace de bistouri rectificatif, au seuil de son centième anniversaire? «Ma fréquentation des marchés aux puces. On n'est jamais aussi bien shooté que par leur tourbillonnante animation.»

Pour mémoire
Jimmy Choo rend hommage à Iris Apfel