Calme, impassible, voire insensible, sec, apathique, glacial... les adjectifs ne manquent pas pour décrire l'attitude de Bachar el-Assad durant les rares interviews qu'il a accordées depuis le début de la crise syrienne. Le discours est matraqué. Le regard est inexpressif. Le geste est étroit.
Difficile alors, en coupant le son, d'imaginer que l'homme qui est en train de s'exprimer est à la tête d'un régime qui lance quotidiennement des barils d'explosifs, sans parler de l'utilisation des armes chimiques, sur son peuple. Les rares personnes ayant pu le rencontrer depuis le début de la crise, comme le député français Jacques Myard, décrivent un homme d'une grande sérénité, qui semble conscient des réalités qu'il doit affronter. Poker face ou véritable nature d'un monstre froid ? Un peu des deux, sûrement, tant le masque du cynisme, s'il est trop longtemps gardé, devient quasiment impossible à enlever...
Plan B dans l'ordre de la succession, Bachar el-Assad se destinait à une carrière d'ophtalmologue et à une vie plutôt tranquille. Mais le décès accidentel de son frère, Bassel, le propulse sur le devant de la scène. Bachar, le (jeune) fils, vient alors compléter la trinité assadienne, placardée sur les murs des rues syriennes : le leader (Hafez), le modèle (Bassel), l'espoir (Bachar). L'espoir, d'une Syrie démocratisée et modernisée par l'action d'un jeune président qui prend le pouvoir à seulement 34 ans, dans un pays où un Syrien sur cinq est au chômage et où la moitié de la population est âgée de moins de 20 ans. Un espoir qui vivra, un temps. Le temps d'un printemps syrien, où la parole se libère, entre novembre 2000 et septembre 2001. Avant que la réalité politique, diront les uns, les instincts de survie du régime, diront les autres, reprennent le dessus.
En juillet 2008, quelques jours avant d'assister, au côté de l'ancien président français Nicolas Sarkozy, au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées, le président syrien revient, dans un entretien avec Alain Gresh, sur les raisons de l'échec du printemps de son pays : « C'est comme les jeunes gens qui veulent se marier et pensent que le mariage c'est magnifique. Ils ont de fortes émotions. Mais ensuite vient le choc de la réalité. Nous ne pouvons changer les choses en quelques semaines. » Et il ajoute : « Quand vous jouez aux échecs, vous ne pouvez changer les règles. Vous devez les respecter. » Il l'admet lui-même : il ne peut changer les règles. Il (n')est (que) l'héritier, pas le fondateur.
Dans cette même interview, il livre, probablement sans le savoir, l'une des clés de lecture les plus limpides de son comportement depuis sa prise de pouvoir : « En Syrie, les fils font ce que fait leur père. » Cette phrase, il l'a religieusement intégrée à son système de pensée. Comme si, pour survivre, Bachar devait faire comme Hafez. Comme si, pour survivre, Bachar devait être Hafez. Le fils veut être à l'image de Dieu son père : même méthode répressive, même discours paranoïaque, même déni de toute réalité. Mais n'est pas « Bismarck du Moyen-Orient », comme le surnommait jadis Henry Kissinger, qui veut. Le père avait réussi à stabiliser son pays et à en faire une puissance régionale, au même titre que l'Égypte, ayant une emprise sur le Liban, parlant d'égal à égal avec les Iraniens, et se rendant indispensable aux yeux des Russes et des Américains. Le fils a perdu une partie de son emprise au Liban, a fait de son pays un simple vassal de l'Iran et a été le principal acteur de la destruction et de l'implosion de la Syrie.
Le fils a détruit l'œuvre morbide du père. Et peu importe finalement que sa cruauté porte sa propre marque ou bien celle de son père. Victor Hugo l'avait écrit : « Un lion qui copie un autre lion devient... un singe. » Inévitablement ?
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commentaires (4)
La dynastie criminogène des Assad ,n'aura laissé que des bons souvenirs dans la région ...!
M.V.
14 h 27, le 03 juin 2015