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Liban - Rencontres

« C’est l’imprévu qui fait l’espace public »...

Trois jours de débats sur un thème fondamental : « Espaces publics à Beyrouth : vie, mort, renaissance ? » Petit compte-rendu de la séance inaugurale qui s'est tenue mercredi soir...

Lors de la séance inaugurale de ces rencontres organisées par l'Institut français du Liban et l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo), avec la coopération de l'observatoire urbain de l'Ifpo, Bilal Hamad, président du conseil municipal de Beyrouth, a tenu des propos en principe fort intéressants : « Nous avons été élus pour défendre les droits de la société civile. »
En principe. Parce que Bilal Hamad a omis de soulever le besoin urgent de parkings, l'impératif de s'approprier certains bâtiments anciens pour les sauver de la destruction, le droit des citoyens d'avoir un libre accès à la mer ou l'avenir du site archéologique de Dalieh à Raouché où des investisseurs privés ont prévu un projet de grande envergure. Sans oublier sa responsabilité partagée avec les autres instances de la ville du chaos urbanistique devenu la caractéristique du pays...
« Quelque 18 millions de dollars ont été dépensés pour l'aménagement d'un nombre d'espaces verts dans Beyrouth, dont les jardins Mgr Audi, Saint-Nicolas, Sioufi et celui de La Quarantaine », a déclaré M. Hamad, rappelant que différents projets sont en cours de réalisation, comme Beit Beirut, ou encore le projet-pilote, en partenariat avec la région Île-de-France, d'un axe vert reliant la rue de Damas au bois des Pins, où zone verte, parcs, terrasses et pistes cyclables doivent fleurir autour de l'ancienne ligne de démarcation qui deviendrait ainsi un véritable espace public.
Quant au bois des Pins, il a annoncé qu'il ne sera pas ouvert au public avant l'installation d'un système anti-incendie. Et comme « les transactions sont longues et la bureaucratie est lourde, l'offre ne sera pas lancée avant août ».
Prenant à son tour la parole, l'ambassadeur de France Patrice Paoli a fait référence à l'ouvrage de Samir Frangié, Voyage au bout de la violence, dans lequel l'auteur signale qu' « en détruisant le centre-ville, les milices ont enlevé aux Libanais un lieu privilégié de rencontre où les activités de la vie quotidienne parvenaient toujours à tempérer les passions communautaires, permettant à chacun d'observer à loisir l'autre, de le découvrir et, souvent, de l'apprécier dans sa différence (...) ». Mettant l'accent sur l'importance pour la ville de Beyrouth, marquée par 15 années de guerre et remodelée par des initiatives majoritairement privées, de pouvoir offrir à ses habitants des espaces publics, l'ambassadeur a souhaité que ces jours d'échanges puissent permettre au plus grand nombre de mesurer les enjeux liés aux espaces publics. Il fait remarquer que « l'urbanité du XXIe siècle, l'inscription d'une ville dans une perspective de développement durable tant économique qu'écologique, repose sur sa capacité à susciter le dialogue, le mélange, la rencontre , c'est-à-dire réunir les conditions de sa viabilité en tant que cité productrice de culture et d'initiatives ».

Aucun projet-nation
La séance inaugurale avait pour invités deux architectes engagés dans une réflexion sur l'architecture contextuelle : Bernard Khoury et Youssef Tohmé. Et un modérateur, Mazen Haïdar, architecte également, et directeur adjoint de l'école d'architecture de l'Alba, qui a défini l'espace public comme un « espace de mise en commun des différences ». Ou encore, un « lien entre l'intimité et la société », mais aussi « un dispositif de rectification des déviances urbaines, comme la concentration, la ségrégation ou la violence ». Et d'ajouter que « Beyrouth, qui porte toujours le poids de la longue guerre, où l'urbanité et les interactions évoluent de manière rapide et où toute sorte d'intimité avec les lieux publics semble restreinte (le simple geste de prendre une photo ou l'observation d'un bâtiment peut susciter une réaction suspicieuse), est la ville propice pour nourrir ces réflexions et enclencher un dialogue constructif...
Bernard Khoury a mis le doigt sur la mémoire de Beyrouth, en racontant son projet baptisé BO18, construit à l'aube de la période postguerre et aménagé comme une vaste tombe sur un terrain laissé vide par le conflit, pour rappeler les blessures infligées à la ville et sa population. Bernard Khoury a souligné qu' « il n'y a pas d'espace public comme on l'entend dans le vieux monde. Chez nous, les paramètres sont différents. Les idées de l'espace sont intégrées dans des projets privés. Il n'y a pas de projet-nation, et la profession d'architecte n'a absolument plus rien à voir avec ce qu'on nous a enseigné. Le pouvoir de l'architecte n'est plus ce qu'il était, a-t-il déploré. Il fut un temps où Beyrouth produisait du sens et de la culture. Aujourd'hui, pour y survivre, il n'y a pas de recette magique : il faut construire du sens et travailler avec le privé. »
Enfin, à travers la projection de deux petits films, l'un sur Beyrouth et l'autre sur Bordeaux (dont il reconstruit l'un des quartiers), Youssef Tohmé s'est penché sur la problématique de l'appropriation de l'espace par les habitants. Il s'est arrêté sur les paysages chaotiques, typiques de Beyrouth, insistant notamment sur les trottoirs investis par les chaises des cafés, les voitures et les scooters.
Youssef Tohmé a dénoncé l'absence de zones d'aménagement concertées. « Il n'y a aucune décision d'organisation urbanistique. C'est l'imprévu qui fait l'espace public », a-t-il asséné, dénonçant lui aussi le peu de cas que font les politiques de l'espace public, pourtant concept politique par excellence. « Il n'y a aucune vision, aucun projet-nation », a-t-il conclu.

M. M.

Lors de la séance inaugurale de ces rencontres organisées par l'Institut français du Liban et l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo), avec la coopération de l'observatoire urbain de l'Ifpo, Bilal Hamad, président du conseil municipal de Beyrouth, a tenu des propos en principe fort intéressants : « Nous avons été élus pour défendre les droits de la société civile. »En...

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