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Liban - Reportage

Les Casques bleus français au Liban : une mission plus complexe qu’en Afghanistan et au Mali

La mort, le même jour, d'un soldat de la Finul et de deux militaires israéliens dans des affrontements entre l'armée israélienne et le Hezbollah, le 28 janvier dernier, avait ravivé dans les esprits le spectre de la guerre de juillet 2006. Dans un Liban-Sud imprévisible, le contingent français était récemment renouvelé pour un vingt-troisième mandat. Une mission en apparence paisible, mais qui est pourtant l'une des plus difficiles qu'il ait à servir.

En août, les Casques bleus français retourneront en France, remplacés par d’autres pour un nouveau mandat. Photos Sébastien Chatelier

Dans le reste du pays il est encore tôt, mais à Dayr Kifa, on se lève avant le soleil.
- Casques ?
- Oui !
- Armes ?
- Oui ! répondent-ils à nouveau en chœur.
- Bien, allons-y, ordonne le lieutenant Fabian R. à ses hommes.


Un par un, sept Casques bleus français grimpent à l'intérieur d'un véhicule blindé dont la couleur immaculée, indissociable de l'Onu, n'enlève rien à son caractère redoutable. Croisement entre un char d'assaut et une semi-remorque, ce « VBCI » de vingt-huit tonnes et de huit mètres de long semble plus adapté aux lignes de front syriennes qu'aux montagnes du Liban-Sud. « C'est notre joujou ! » lâche un de ces soldats de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.
Ils parcourent sans s'arrêter les cinquante kilomètres qui séparent la base de Dayr Kifa de Taibé, où une patrouille de marché est prévue avec l'armée. Arrivés à la périphérie du village, ils se garent en face du cimetière, où cinq soldats libanais les attendent déjà. Les gilets pare-balles restent dans le véhicule, ainsi que les casques d'un bleu ciel immuable, remplacés par des bérets de la même couleur. Quant aux fusils d'assaut, ils sont portés entre les omoplates, chargés mais pas armés. Le message à faire passer est clair : la Finul vient en paix.


Présente au Liban depuis 1978, la France, seul pays contributeur à être membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, est, avec plus de 800 soldats, l'un des principaux contingents de la Finul. Depuis mars 2011, les Casques bleus français ne sont plus confinés à un seul secteur, contrairement aux autres pays, mais sont en mesure d'agir sur l'ensemble de la zone d'action de la Finul, qui va des rives du Litani aux champs et prairies qui bordent la ligne bleue. « Ne vous fiez pas aux apparences paisibles du Liban- Sud, prévient la lieutenant Perrine P., c'est une mission qui semble être extrêmement simple mais qui est en fait particulièrement complexe. »
Selon le colonel Hasard, commandant du contingent français, leur mission au Liban est une opération « très sensible ». « Sa complexité réside dans le fait qu'ici nous n'avons pas d'adversaire direct », explique-t-il.
« Intellectuellement parlant, c'est plus facile d'avoir un ennemi désigné. En fait, il est plus difficile de maintenir la paix que de faire la guerre », ajoute le colonel.

 

(Pour mémoire : Madrid souligne « l'imprudence » d'Israël derrière la mort d'un Casque bleu au Liban)

 

Plus difficile que l'Afghanistan
« C'est plutôt écœurant », dit un Casque bleu en avalant lentement de petites bouchées d'un knéfé. Le lieutenant Fabian R. vient d'en acheter quatorze à un commerçant. Pour cette patrouille comme pour les autres, ils ont reçu 50 000 livres à dépenser sur le marché. Une façon de se faire accepter par les habitants de la région qui les accueillent parfois avec de larges sourires, souvent avec des regards indifférents.
« Au début, c'était plutôt difficile. Nous étions au sortir de la guerre, la population n'acceptait aucun soldat, se souvient Aly Marwa, interprète pour la Finul depuis 2006. Mais maintenant, les gens comprennent que c'est une mission de paix. »


La patrouille flâne entre les différents étalages d'un marché bondé en ce samedi radieux, à proximité d'une statue de plusieurs mètres de haut représentant Zulfikar, l'épée à deux pointes offerte par le prophète Mohammad à Ali. Juste à côté, sur un écran suspendu à un pylône où le drapeau d'Amal flotte au gré d'une brise, le mot « welcome » (bienvenue) défile inlassablement.
Dans cette mission de paix, cependant, les menaces sont d'autant prises au sérieux qu'elles sont imprévisibles. « La zone contrôlée par la Finul est fragile, l'attaque par le Hezbollah d'un véhicule militaire israélien le 28 janvier dernier, à la frontière entre les deux pays, l'a montré », déclarait en février, devant l'Assemblée nationale, le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées françaises.
Faisant deux victimes dans les rangs de l'armée israélienne, l'attaque dans la région des fermes de Chebaa a été suivie de bombardements de représailles qui ont tué un Casque bleu espagnol posté sur une tour d'observation « parfaitement connue des forces israéliennes », avait déclaré en février Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Onu.


En 2011, le chef d'état-major d'alors, l'amiral Édouard Guillaud, n'avait pas hésité à déclarer que « c'est en Afghanistan que notre engagement est le plus dur car nous y avons des blessés et des pertes, mais c'est au Liban qu'il est le plus difficile ». Alors que la France entamait un désengagement du bourbier afghan, où 89 soldats laisseront leur vie, le chef d'état-major estimait que l'espace réduit dans lequel évoluaient les Casques bleus au Liban-Sud limitait leur liberté d'action et les exposait régulièrement à des « humiliations » perpétrées par des civils armés. « Une telle situation est insupportable (...) Ces provocations mettent nos soldats sous pression réelle », avait-il conclu.
Et la liste d'attaques à l'encontre de Casques bleus, qui ne peuvent user de la force qu'en dernier recours, remplit chaque quadrimestre des pages entières de rapports de l'Onu. Le 30 décembre, à Ramyah, territoire couvert par les contingents français et ghanéen, une patrouille de la Finul a été agressée par une quinzaine d'hommes armés de pistolets et d'un fusil à pompe, bien que la résolution 1701 prévoie l'interdiction de tout arsenal n'appartenant pas à l'armée régulière ou aux gardiens de la paix. Alors que des renforts étaient en route, un autre groupe d'une vingtaine de miliciens leur ont bloqué le passage à moins de cent mètres de la première patrouille. Un homme a alors essayé de s'engouffrer dans un véhicule en glissant un couteau sous la gorge d'un Casque bleu, pendant que ses complices menaçaient le reste de la patrouille avec leurs fusils. Un coup de semonce finira par les disperser.
Moins d'un mois plus tard, à Marouahine, à quelques centaines de mètres de la ligne bleue, une attaque similaire contre un convoi de la Finul se reproduisit, mais cette fois les assaillants tirèrent à plusieurs reprises en direction des soldats, sans faire de victimes.

 

Une mission très longue
Logée sur une colline surplombant Dayr Kifa, la base française « 9-1 » appartenait auparavant au contingent finlandais. Le chalet en bois doté d'un sauna qu'ils ont laissé derrière eux le prouve. Confinés dans ce camp d'où ils ne peuvent sortir que pour mener des missions, les soldats enchaînent jour après jour pendant six mois les entraînements et les visites à la salle de sport, regardent la télévision, vont manger dans des restaurants français tenus par des Libanais et se réunissent chaque soir dans leurs « popotes », des salles communes munies d'un bar où ils sont autorisés à boire deux bières.
« C'est long, plus long qu'une mission en terrain de conflit. C'est plus répétitif, alors que lorsqu'on est dans un pays comme le Mali ou l'Afghanistan, les jours ne se ressemblent pas », estime le caporal-chef Julien A., qui a servi six mois en Afghanistan en 2011 avant de rejoindre le Liban-Sud en mars 2013 en tant que tireur de missiles antichars. De retour au pays du Cèdre pour une nouvelle mission, il a depuis troqué son fusil contre un appareil photo qui lui servira à documenter la vie quotidienne du contingent pendant six longs mois, dont le quatrième est connu pour être le plus dur.
« C'est une mission où les soldats ont du mal à comprendre le but (...). Ils réfléchissent constamment à leur présence ici, ils cherchent un sens. Au Mali, par exemple, tout est plus clair, ce n'est pas aussi complexe que le Liban, analyse le lieutenant Perrine P. Cela peut devenir dangereux. Les soldats doivent constamment se remettre en question et faire un travail sur eux-mêmes. »
Le contingent célébrait le 21 avril le premier mois de son déploiement au sein de la Finul. En août, les Casques bleus retourneront en France, remplacés par d'autres pour un nouveau mandat, le vingt-quatrième en trente-sept ans.

 

Pour mémoire

Plusieurs tirs israéliens ont visé la Finul le 28 janvier

Dans le reste du pays il est encore tôt, mais à Dayr Kifa, on se lève avant le soleil.- Casques ?- Oui !- Armes ?- Oui ! répondent-ils à nouveau en chœur.- Bien, allons-y, ordonne le lieutenant Fabian R. à ses hommes.
Un par un, sept Casques bleus français grimpent à l'intérieur d'un véhicule blindé dont la couleur immaculée, indissociable de l'Onu, n'enlève rien à son caractère...

commentaires (5)

Mission plus complexe, en effet !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

16 h 04, le 05 mai 2015

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Commentaires (5)

  • Mission plus complexe, en effet !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    16 h 04, le 05 mai 2015

  • la Finul vient en paix , une paix qui devient de plus en plus impossible .

    Sabbagha Antoine

    11 h 19, le 05 mai 2015

  • Les soldats de l'ONU, qu'ils soient Français ou Fidjiens, sont des soldats de paix. Il n'est pas acceptable que des voyous indigènes leur adressent des humiliations quelconques. Dans ce cas, il faudrait que le pays à laquelle ils appartiennent les rapatrient immédiatement avec toutes les conséquences. Tu demandes ma protection et tu m'insultent ?

    Un Libanais

    11 h 04, le 05 mai 2015

  • MISSION TRÈS COMPLEXE : WAIT AND SEE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 53, le 05 mai 2015

  • Elle est incompréhensible cette hostilité de miliciens aux soldats de la Finul, rapportée ci-dessus. La Finul est là pour préserver la paix et la tranquillité du Sud et de ses habitants, et ces miliciens l'agacent par un comportement scandaleux !! C'est exactement le dicton libanais "chahhad wmotcharret" !

    Halim Abou Chacra

    04 h 47, le 05 mai 2015

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