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Liban - 10e anniversaire du retrait syrien

Quand le destin d’un pays se jouait rue Huvelin...

À l'époque de la tutelle, les universités étaient devenues le seul espace où l'on pouvait mijoter la révolution.

Rassemblement estudiantin contre la tutelle syrienne, devant le Musée national en 2000. Photo d'archives.

Il serait pratiquement impossible de revenir sur le retrait des troupes syriennes sans s'arrêter un bref instant sur un parcours difficile qui a accompagné le combat contre la tutelle de Damas, celui du mouvement estudiantin de la fin des années 90 et du début des années 2000. À bien des égards, c'est bien ce mouvement-là, animé et créé spontanément par des étudiants aspirant à voir leur pays délivré d'un joug on ne peut plus étouffant, qui a jeté les bases de la révolution du cèdre de 2005 et préparé le terrain à l'indépendance. À une époque où l'emprise du régime syrien forçait au silence toute voix dissidente, les enceintes des universités, elles, étaient en effet devenues le seul espace où, tranquillement, l'on pouvait mijoter la révolte. Aujourd'hui, force est de constater que cet esprit qui animait autrefois les campus a été perdu depuis déjà quelques années et que les universités ont été réduites à leur plus simple rôle d'« institution académique ». La politique parmi les jeunes a perdu du terrain, dix ans plus tard, et même les élections estudiantines, quand il y en a, peinent à fédérer les hommes de demain autour de causes patriotiques.


L'épopée de ce mouvement étudiant reste cependant un précieux souvenir qui fait la fierté de ces hommes qui, hier encore, n'étaient que des jeunes pousses ayant réussi à changer le destin de leur pays. Dans de nombreux campus, mais surtout à l'Université libanaise et au campus de l'Université Saint-Joseph de la rue Huvelin, ces jeunes étudiants, majoritairement d'appartenance chrétienne et aidés souvent par des camarades musulmans, ont été « les premiers à élever la voix », comme l'indique l'ancien président de la faculté de droit et des sciences politiques de l'USJ, Anthony Féghali. Si le jeune avocat de 24 ans n'a pas vécu « les beaux jours rue Huvelin », il n'en a pas été moins inspiré. Interrogé sur l'asthénie politique dans laquelle ont sombré les étudiants de nos jours, M. Féghali, qui achève actuellement un ouvrage sur l'épopée des étudiants de l'USJ sous la tutelle syrienne qui sera publié bientôt, ne peut s'empêcher de s'arrêter sur les différentes étapes de ce courageux combat qu'il résume dans son récit et qui ne paraissait pas toujours voué à la victoire.

 

Quand les amicales bouillonnent...
« Il faut savoir qu'à l'époque, à la fin des années 90, les étudiants affichaient de manière très feutrée leur tendance politique, raconte le jeune homme. Au sein des campus, les élections estudiantines n'existaient pas encore et les partis politiques se faisaient discrets. Même si les jeunes, en particulier ceux du Courant patriotique libre, des Kataëb, du Parti national libéral et des Forces libanaises, étaient nourris par ce sentiment de révolte contre l'occupant et étaient animés par une cause commune, partagée également par des courants indépendants plus favorables à l'idée d'une union islamo-chrétienne pour avancer. Mais ce n'est qu'en décembre de l'année 1997 que les choses ont pris une ampleur différente, lorsque le général Michel Aoun a été interdit de passer à la MTV pour une entrevue depuis Paris avec la journaliste Maguy Farah ». En ce 16 décembre 1997, l'interdiction de l'entrevue de Michel Aoun sur la chaîne télévisée, qui connaîtra par la suite une étonnante communion de destin avec le mouvement estudiantin et sera plus tard fermée sous la pression de la Syrie, embrase le pays. « Des centaines d'étudiants se sont regroupés devant les locaux de la MTV à Achrafieh pour manifester, poursuit Anthony Féghali. Ils ont été violemment réprimés et battus par des forces de l'ordre. Beaucoup ont été arrêtés et certains déférés devant le Tribunal militaire. L'affaire a alors pris une plus grande envergure et de nombreux syndicats ont proclamé la grève... ».


À partir de ce jour-là, les événements iront crescendo. Février 2000, la rencontre du Premier ministre Rafic Hariri avec les étudiants du campus d'Huvelin se transforme en un véritable déversement de haine contre celui qui tentait tant bien que mal de se rapprocher de l'opposition. Entre 1996 et 2003, le père Salim Abou, recteur de l'USJ, ne manque pas l'occasion de la Saint-Joseph pour appeler, chaque année, au retrait des forces de la tutelle. Au prix même de recevoir des menaces de mort à maintes reprises de la part de généraux proches de Damas. À partir des années 2000, les amicales bouillonnent, et des clubs-débats sont organisés pour discuter de politique.

 

Un état des lieux consternant ?
« Cela culminera en 2001, poursuit Anthony Féghali, par la réconciliation de la Montagne le 4 août. Durant la messe célébrée par le patriarche Nasrallah Sfeir au Chouf le 7 août, le président Émile Lahoud est hué. Les protestataires seront arrêtés sur le chemin du retour et sauvagement battus par les services de renseignements qui justifient alors leurs agissements par un prétendu "complot qui se préparait". Deux jours plus tard, 300 étudiants observent un sit-in pacifique devant le Palais de justice, précédés par Pierre Amine Gemayel et Gebran Tuéni. Quand ces derniers entrent au Palais pour négocier avec certains cadres prosyriens la libération de leurs camarades, les manifestants sont violemment pris à partie par des policiers en civil. Les images sont très violentes. »


Quand le jeune avocat tente d'établir un état des lieux concernant la situation des étudiants sur la scène politique aujourd'hui, il dénonce immédiatement « un désistement du rôle d'étudiant ». « Cela est peut-être dû au fait qu'à l'époque, la cause était commune et l'ennemi commun, dit-il. Aujourd'hui, les rivaux sont des parties internes et cela est beaucoup plus délicat, sans oublier le clivage dans les quartiers chrétiens ». « Les étudiants manquent par ailleurs de sensibilisation et d'éveil politique », ajoute-t-il aussi. Des causes probables qui ont malheureusement eu raison d'un réseau estudiantin qui n'avait pas servi qu'à des fins politiques, mais avaient également animé d'autres initiatives académiques et culturelles au sein des campus. « Les universités assument la majeure partie de la responsabilité sur ce plan, conclut M. Féghali. Les élections ont été annulées dans de nombreuses universités, comme à l'USJ, où même les conférences politiques sont aujourd'hui interdites. Cela affaiblit les amicales et renforce le rôle des partis politiques, sans que les étudiants ne trouvent nécessairement des plateformes pour se former au rôle de citoyens. »


Du côté de Julien Courson, ancien président de la cellule des forces libanaises à l'USJ, « les universités n'ont pas nécessairement adopté la bonne approche ». « Nous comprenons les craintes de ces institutions, surtout que les dangers existent bel et bien, mais les étudiants doivent être initiés à la citoyenneté au sein de leurs universités d'abord », assure-t-il. L'ancien militant, qui a parfois payé au prix fort son combat, n'est pas pour autant pessimiste. « Le nombre d'étudiants enrôlés dans des partis et amicales politiques a augmenté considérablement depuis dix ans, explique M. Courson. L'enthousiasme parmi les étudiants existe par ailleurs toujours, mais il a pris une autre forme. Il est aujourd'hui renforcé par le dialogue établi entre les différentes parties, et même entre le CPL et les FL qui assurent qu'ils vont s'entendre sur certaines questions et sur d'autres non. Nous sommes en pleine démocratie. »


Et de conclure : « Je ne m'inquiète pas en ce qui concerne les étudiants. Quand nous avions commencé le mouvement antisyrien, nous avions créé une dynamique qui était en quelque sorte contre-nature car la scène étudiante était le seul moyen politique de résister. Et quand je me rappelle toutes ces années-là, je ne peux que me souvenir de tout cet enthousiasme qui m'animait, qui nous animait tous, et qui a fait en sorte que le flambeau est resté allumé jusqu'à la fin, jusqu'au jour du retrait des forces étrangères du Liban. »

 

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commentaires (2)

C'ÉTAIENT : LES BEAUX JOURS ! AUJOURD'HUI ON VIOLENTE ET RÉPRIME LES ÉTUDIANTS... ET ON "PRIME" CEUX QUI ENTRAÎNENT LE PAYS DANS DES AVENTURES... ET LE DÉTRUISENT PAR LÀ...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 37, le 28 avril 2015

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Commentaires (2)

  • C'ÉTAIENT : LES BEAUX JOURS ! AUJOURD'HUI ON VIOLENTE ET RÉPRIME LES ÉTUDIANTS... ET ON "PRIME" CEUX QUI ENTRAÎNENT LE PAYS DANS DES AVENTURES... ET LE DÉTRUISENT PAR LÀ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 37, le 28 avril 2015

  • « Des centaines d'étudiants se sont regroupés devant les locaux de la MTV à Achrafieh pour manifester, poursuit Anthony Féghali. Ils ont été violemment réprimés et battus par des forces de l'ordre. Beaucoup ont été arrêtés et certains déférés devant le Tribunal militaire. L'affaire a alors pris une plus grande envergure et de nombreux syndicats ont proclamé la grève... ». effectivement j'etais present aux coter de Salman samaha et tony harb bien sur il y avait nadim et sami nous etions au premier rang ils avaient mis des barricade comme des barrières en fer, d'abord y avait les darrak ensuite l'armee et d'autre en uniforme sans rien dessus, mais je peux vous assurer que certain des darrack etaient avec nous car ils savaient qu'on allait etre reprimer et ils nous on dit pour certains d'entre eux ou aller pour l'eviter, nous avions indiquer une journee de greve et de marche vers justement la place des martyrs mais bizarement un autre groupe soutenant la syrie a pris la decision de faire une marche en soutien a la syrie ... il y a plein d'anecdotes sur ces journées la !! mais a le refaire je le referais 100 fois !!

    Bery tus

    03 h 27, le 27 avril 2015

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