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Santé - Neurologie

AVC : agir rapidement pour sauver le cerveau

L'accident vasculaire cérébral (AVC) est une maladie fréquente, grave, mais très peu connue des populations. Pourtant, il est possible, dans beaucoup de cas, de sauver le patient à condition d'agir vite. L'entourage du malade a un rôle à jouer.

Le patient victime d’un AVC doit recevoir la thrombolyse (un traitement qui permet de dissoudre le caillot obstruant le vaisseau) dans un délai de trois heures à quatre heures et demie dans le meilleur des cas. Cette fenêtre thérapeutique est baptisée par les spécialistes « Golden Hour » ou « l’heure d’or ». Photo Universitätsklinikum Erlangen / www.horizonhealth.eu

« Mon père a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC), à l'âge de 63 ans. Il souffrait d'hypertension. Quand il avait 58 ans, il faisait encore des pompes et nous étions fiers de lui. L'AVC l'a emporté en l'espace de trois jours. »
D'une voix posée, qui laisse toutefois trahir une vive émotion, le Dr Suheil Abdallal al-Rukn, président de la Société émiratie de neurologie et chef du programme de lutte contre les AVC à l'hôpital Rashid, à Dubaï, revient sur ce triste épisode de sa vie. Fermement engagé dans la sensibilisation et la lutte contre cette pathologie, il ne tarit pas d'explications.
Il existe deux formes d'AVC, ischémique et hémorragique. L'AVC ischémique ou l'infarctus cérébral est la forme la plus fréquente de la maladie. Dans ce cas, l'AVC survient lorsqu'un caillot de sang bouche une artère cérébrale, privant de sang la partie du cerveau irriguée par cette artère. Moins fréquent, l'AVC hémorragique survient lorsqu'une artère cérébrale se rompt. Le sang se répand alors dans le cerveau.
Il n'existe généralement pas de signes précurseurs à la maladie, l'AVC survenant le plus souvent brusquement. Toutefois, dans 20 % à 30 % des cas, le patient a une attaque réversible, comme le fait de perdre la vision d'un œil pendant quelques minutes, à titre d'exemple, d'avoir une paralysie transitoire d'un membre ou encore un trouble réversible de la parole. Dans ces cas, l'urgence médicale s'impose pour prévenir l'AVC. Sinon, il est indispensable que les personnes à risque adoptent une bonne hygiène de vie. Celle-ci consiste à arrêter le tabac, à contrôler l'hypertension artérielle, à traiter le diabète de manière précoce et les dyslipidémies, comme à avoir une activité physique régulière et à manger sain.
Dans sa forme ischémique, l'AVC est causé par une hypertension artérielle qui rigidifie les artères, une hypercholestérolémie qui entraîne un dépôt de graisses dans les artères, un diabète qui rétrécit les artères, le tabagisme, une surcharge pondérale ou une obésité et la sédentarité.
L'AVC hémorragique est dû à l'hypertension artérielle dans 75 % des cas, à la prise de traitements anticoagulants, à un traumatisme crânien, à certaines malformations des vaisseaux du cerveau, à certaines maladies du sang et à la prise de toxiques.
« Tous les jours, je diagnostique deux patients avec un AVC », reprend le Dr Rukn, au cours d'une conférence sur la prise en charge optimale des AVC organisée récemment par les laboratoires Boehringer Ingelheim à Dubaï, aux Émirats arabes unis.
« La mortalité liée à l'AVC est importante, insiste encore le spécialiste. Les décès dus à cette pathologie sont deux fois supérieurs à ceux imputés à un cancer du sein. » En effet, selon des études parues dans le magazine Circulation de l'Association américaine du cœur (American Heart Association – AHA), en 2011 et dans la revue scientifique Lancet, en 2012, quelque 20 millions de personnes dans le monde souffrent d'un AVC par an. Près de cinq millions en meurent. D'après ces mêmes travaux, une personne sur six sera atteinte d'un AVC au cours de sa vie.
Les études ont également montré que seuls 25 % des patients se rétabliront parfaitement suite à un AVC. Près du tiers des patients souffrira d'un handicap majeur (15 %) ou modéré (15 %) et 30 % d'un handicap mineur. Quelque 15 % des patients succomberont à la maladie.

« Heure d'or » et FAST
« Malgré sa gravité, la maladie n'est pas très connue de la population, reprend le Dr Rukn. Pourtant, l'AVC représente un lourd fardeau pour la famille. Il constitue en fait la première cause de handicap physique chez les adultes et la troisième cause de décès dans le monde. La bonne nouvelle c'est qu'il est possible de sauver le patient, à condition d'intervenir à temps. »
C'est ce que les spécialistes appellent le « Golden Hour » ou « l'heure d'or ». C'est une fenêtre thérapeutique de trois heures, de quatre heures et demie dans les meilleurs des cas, au cours desquelles la thrombolyse, un traitement qui permet de dissoudre le caillot qui obstrue le vaisseau, doit être faite, sinon les dégâts vont être irréversibles. Cela est d'autant plus important que lorsqu'un infarctus cérébral survient, une partie des neurones sont détruites immédiatement. « Chaque minute, le patient va perdre près de 1,9 millions de neurones dans la région ischémique du cerveau », explique le Dr Hussam Salah Ahmed Murad, directeur de l'unité des AVC à l'hôpital international as-Salam, en Égypte. « Au bout de quelques heures, les neurones vont commencer à mourir progressivement, poursuit-il. D'où la nécessité d'agir rapidement durant cette période appelée "Golden Hour". »
Comment atteindre cet objectif ? « Le succès thérapeutique dépend d'une chaîne de partenaires », insiste le Dr Souheil Gebeily, chef du département de neurologie à la faculté des sciences médicales de l'Université libanaise. Celle-ci comprend notamment la famille du patient, le transport à l'hôpital et l'équipe médicale.
« Dans les pays les plus développés et les meilleurs hôpitaux du monde, la thrombolyse ne bénéficie qu'à 10 à 15 % des patients, constate le Dr Gebeily. L'objectif fixé pour 2020 est d'atteindre 20 % des patients. Un long chemin reste à faire pour atteindre la majorité des patients. Le problème se pose essentiellement au niveau de la mauvaise gestion du temps à la phase initiale de l'AVC. » La personne qui accompagne la victime d'un AVC a donc un important rôle à jouer à ce stade. Elle doit savoir reconnaître la pathologie. Le test FAST permet à tout un chacun de le faire.
« FAST est un acronyme de Face drooping (asymétrie du visage), Arm weakness (inertie des bras), Speech difficulties (troubles de langage) et Time (temps), explique le Dr Gebeily. Une personne victime d'un AVC va immédiatement avoir le visage déformé. La bouche va tomber d'un côté lorsqu'on lui demande de sourire, un œil va fermer moins bien... Lorsqu'on lui demande de maintenir les bras levés, le patient ne va pas pouvoir bouger un des deux bras ou il arrive à le lever légèrement. Il ne va pas non plus pouvoir parler ou alors il va émettre des phrases incohérentes et incompréhensibles. Tous ces signes doivent alerter son entourage et le pousser à agir rapidement. C'est le "T", un élément-clé, puisqu'il va conditionner la prise en charge immédiate de la thrombolyse. Il faut appeler rapidement les ambulanciers ou transporter soi-même le patient à l'hôpital. »

Un problème socioéconomique
Oui, mais quel centre hospitalier ? « Au Liban, il y a un travail à faire sur les hôpitaux qui ne disposent pas d'une unité spécialisée pour la gestion des AVC, explique à L'Orient-Le Jour le Dr Gebeily, en marge des travaux de la conférence. Il existe certes un savoir-faire, mais c'est surtout une question de gestion pour pouvoir répondre aux recommandations et aux conditions de sécurité et d'efficacité de cette thérapeutique. Or souvent, par manque de structures spécialisées ou à défaut d'une politique de santé orientée pour la prise en charge d'urgence des AVC à l'échelle nationale, le patient ne reçoit pas le traitement adéquat. Il n'a notamment pas le bénéfice d'accéder en urgence à la thrombolyse intraveineuse qui permet de désobstruer l'artère occluse responsable de l'AVC. Il faut noter que les services d'urgence dans les hôpitaux sont souvent efficaces. »
Le Dr Gebeily indique que le handicap est d'ordre socioéconomique. « Les procédures et les moyens de prise en charge existe dans la majorité des hôpitaux, notamment universitaires, mais il y a un manque de gestion et d'organisation managériale, souligne-t-il. Cela est toutefois facile à régler. L'unité des AVC est équivalente à l'unité coronarienne en cardiologie, mais dédiée aux accidents vasculaires cérébraux. Elle doit bénéficier d'une structure autonome pour que la thrombolyse et les autres procédures spécifiques d'urgence qui permettent de sauver le patient se fassent dans l'heure. »
Et de poursuivre : « Le problème c'est que la thrombolyse n'est toujours pas reconnue comme acte médical par les assurances et les tiers-payants notamment par la Caisse nationale de sécurité sociale où il n'existe pas de code dans ce sens. Pourtant, une thrombolyse est beaucoup plus efficace que le traitement classique qui va aboutir à un handicap important et permanent. Donc, sur le plan national, nous n'avons pas de structure ni de stratégie pour la prise en charge des AVC, auquel s'ajoute le problème du remboursement du patient et des médecins, d'autant que c'est un traitement coûteux. Les spécialistes, bien entendu, interviennent pour sauver le patient. C'est leur devoir. Il n'en reste pas moins qu'il faut développer une stratégie médicale, sociale et institutionnelle pour la prise en charge des AVC, mais aussi pour créer des unités spécialisées pour leur prise en charge d'urgence. »

Code national d'alerte
Nommé il y a deux ans coordinateur pour le Liban de l'initiative SITS (Safe Implementation for the Treatment of Stroke), le plus grand registre mondial sur les AVC impliquant près de 140 000 patients dans plusieurs pays du monde, le Dr Gebeily a pour mission, du moins dans les hôpitaux dans lesquels il exerce, d'implémenter les recommandations de bonne pratique médicale dans la prise en charge des AVC. « Cette mission implique la création d'une équipe multidisciplinaire, la formation et l'éducation du personnel médical et paramédical aux urgences », note le Dr Gebeily, qui souligne l'importance de « créer un code national d'alerte, à l'instar de celui de la Croix-Rouge libanaise, pour que les hôpitaux qui ont ces unités d'AVC puissent être informés des cas et se préparer à recevoir le patient ». L'équipe de prise en charge comprend les urgentistes, un(e) infirmier(ère) formé à cet effet, le neurologue spécialisé et le neuroradiologue interventionnel. « Toute la chaîne des procédures et des protocoles depuis le diagnostic à l'administration du traitement ne doit pas dépasser une heure du temps », précise-t-il.
Au Liban, la prise en charge de la pathologie se fait bien, assure le Dr Gebeily. Il explique qu'une étude effectuée dans ce sens a montré qu'à Beyrouth, le délai entre l'identification de l'AVC et la réalisation de la thrombolyse « est tout à fait acceptable, ne dépassant pas les deux heures, dès l'arrivée du patient aux urgences ».
« Donc, la prise en charge efficace est réalisable, affirme encore le Dr Gebeily. Les statistiques ont montré que si nous arrivions à traiter le patient dans les trois premières heures qui suivent l'AVC, il serait possible de réduire de 45 % le taux de mortalité et/ou d'infirmité. »
La conférence a été une occasion pour lancer un programme de coopération entre Boehringer Ingelheim d'une part, des neurologues et des hôpitaux au Liban, en Égypte et dans les pays du Conseil de coopération du Golfe. Ce programme vise à renforcer la mise en place d'unités de prise en charge des AVC, au même titre que celles des infarctus du myocarde, ce qui permettra de mieux gérer la pathologie. Ont pris part à cet événement également des spécialistes d'Arabie saoudite.

 

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commentaires (2)

çA DÉPEND ÉNORMÉMENT D'Où L'ON SE TROUVE À UN TEL MOMENT CRITIQUE...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 21, le 21 avril 2015

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Commentaires (2)

  • çA DÉPEND ÉNORMÉMENT D'Où L'ON SE TROUVE À UN TEL MOMENT CRITIQUE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 21, le 21 avril 2015

  • Merci pour cet article.

    Georges Zehil Daniele

    08 h 03, le 21 avril 2015

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