Le cyberterrorisme au cœur de l’audiovisuel

Lorsque Laurent Fabius a lancé mercredi soir en grande pompe la chaîne thématique Style HD de TV5, il était loin de se douter qu'il reviendrait le lendemain au 131 de l'avenue Wagram pour y tenir un conseil de guerre en vue de contrer la plus grande cyberattaque visant l'audiovisuel français et probablement du monde.
De fait, quelques heures après que le ministre français des Affaires étrangères a appuyé, devant les caméras, sur le bouton qui a lancé le signal de la nouvelle chaîne thématique de l'art de vivre à la française, les onze canaux du groupe francophone mondial ont été la cible d'une attaque sans précédent, perpétrée par l'État islamique qui a montré ses sinistres drapeaux noirs sur un fond sonore approprié, avec lecture de textes coraniques et d'un communiqué truffé de fautes durant plusieurs heures. Et ce n'est qu'hier, à 16 heures, que les onze chaînes de TV5 ont repris leurs programmes normaux laissant les responsables politiques en « vigipirate » informatique optimale et le monde de la communication dans le plus grand embarras.

Le ministre français des Affaires étrangères, accompagné de ses pairs de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et de la Communication, Fleur Pellerin, ont décrété l'état de guerre alors que des déclarations de solidarité avec la France et de condamnation de cette nouvelle forme de terrorisme fusaient des quatre coins du monde. Le gouvernement français a appelé les médias du pays à la « vigilance » face à la menace d'une répétition d'offensives similaires. « Beaucoup d'éléments convergent », permettant de présumer qu' « un acte terroriste est bien la cause de cette attaque », a déclaré le ministre de l'Intérieur, à l'issue d'une réunion avec les dirigeants des médias audiovisuels français. « L'enquête est lancée, nous sommes déterminés à la faire aboutir rapidement », a déclaré M. Cazeneuve, avant d'ajouter : « Nous sommes face à des terroristes déterminés et nous sommes déterminés à les combattre. »

(Lire aussi : Les cyberjihadistes, une menace à relativiser)

Fautes d'orthographe
Toutefois, après la consternation, les supputations et des propos officiels visant à rassurer l'opinion, des spécialistes en matière de terrorisme et des experts techniques ont fait valoir que ce n'est pas l'EI ou quelque autre groupe terroriste qui a commis cette attaque, mais des individus proches de cette mouvance qui ont réussi ce coup d'éclat inédit. Ce qui ne change rien au niveau des risques de nouveaux raids informatiques qui pourraient viser des sites sensibles tels que des aéroports ou des centrales nucléaires à travers le monde.
On a beau relever des fautes d'orthographe dans les textes français, anglais et même arabes (non conformes à l'étymologie coranique), il n'en reste pas moins qu'un ou plusieurs hackers peuvent maintenant agir de n'importe quel point du globe, ces derniers pouvant n'être que des sympathisants et non des membres des groupes terroristes.
Durant toute la journée d'hier, avant et après la reprise des programmes de TV5, on a publiquement et à huis clos réfléchi, préconisé et proposé des parades qui s'avèrent à priorité coûteuses et complexes, sans compter qu'elles nécessiteraient des mois pour leur mise en place.

Pour en revenir au ministre Fabius, il a été le premier à réagir par le geste et la parole, déclarant en même temps qu'il se rendait à l'avenue Wagram avec ses deux autres collègues : « Nous sommes venus exprimer notre solidarité à l'équipe de TV5 Monde. Tout sera mis en œuvre pour identifier les auteurs de cette attaque et les traduire en justice. Une fois de plus, les terroristes prennent pour cible la liberté d'expression et d'information. Notre détermination pour combattre le terrorisme est totale. »

« La laïcité n'est pas l'arme qu'il faut »
De son côté, Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie, a également condamné la cyberattaque, estimant que ce crime touche l'ensemble de la communauté francophone et a exprimé sa solidarité avec la direction et la rédaction du groupe TV5.

En soirée, les déclarations ne se comptaient plus, et l'inquiétude gagnait l'ensemble de l'opinion publique qui estime qu'aujourd'hui la guerre des terroristes est en passe de prendre de nouvelles formes dont l'informatique n'est qu'une facette.
Autres avis et commentaires : le terroriste n'est plus cette caricature de fou de Dieu qui passe au fil du sabre les mécréants, mais un phénomène inquiétant qui porte dans ses rangs des ingénieurs et autres experts de haut niveau ou des sympathisants offrant bénévolement leur savoir-faire au service du mal.
Un sénateur de droite, qui n'a pas voulu être cité, a sévèrement critiqué les autorités de son pays, affirmant qu'au moment où « la troisième guerre mondiale commence, mettant aux prises l'islam et l'Occident chrétien, la laïcité n'est pas l'arme qu'il faut ».
« Ces gens-là ne s'en prennent pas uniquement à la liberté d'opinion, mais au modèle occidental dans son ensemble qu'ils considèrent comme l'ennemi principal », a renchéri un ambassadeur européen qui était en poste en France. Il a ajouté qu'il faudra une mobilisation à l'échelon mondial pour mettre en place des systèmes de prévention coordonnés car les précautions actuelles ne sont plus suffisantes.

Lire aussi
Cyberdéfense : la guerre de demain a déjà commencé

Une propagande hypersophistiquée pour appâter les Occidentaux

"La guerre virtuelle que vous nous livrez va vous en valoir une vraie"

Au service de l’art de vivre français