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Culture

Joseph Safieddine et Kyungeun Park, interview croisée

Safieddine. Photo Nicolas Guerin

Comment avez-vous fait pour recréer les scènes qui se sont déroulées pendant la guerre à Tyr sans y avoir assisté ?
J.S. : Plusieurs années se sont écoulées entre les faits et la publication de la bande dessinée. J'ai donc eu le temps de m'intéresser à cette histoire que j'ai vécue de France. J'ai fait beaucoup de recherches et j'ai interrogé ma famille. Nous sommes également allés au Liban avec Kyungeun pour interroger des personnes qui étaient présentes à Tyr en juillet 2006.
K.P. : Au début, j'avais trouvé pas mal de photos sur Internet, mais ce n'était pas suffisant. Le voyage sur place m'a beaucoup aidé. Nous sommes allés sur les pas de la famille de Joseph et je prenais énormément de photographies partout où je passais. J'ai pu ressentir l'atmosphère de Tyr et observer la lumière. Après le voyage, je me sentais plus à l'aise dans le cadrage et le choix de l'angle de vue. J'ai aussi rencontré plusieurs fois la famille de Joseph pour écouter ses récits dans les moindres détails.

Quelles libertés avez-vous prises avec l'histoire ?
J.S. : L'ossature de la BD, c'est la réalité d'un événement bouleversant qu'on ne voulait pas trahir. On a également utilisé beaucoup d'anecdotes racontées par la famille. Mais il y a aussi un travail d'écriture fictionnelle, notamment avec le personnage du père sur lequel le récit est centré. Mon père, contrairement au personnage dans la BD, ne vivait pas dans le déni de ce qui se passait autour de lui. Par contre, Moustapha, dans l'histoire, éprouve ce besoin de banaliser les événements en cours. Mais je suis sûr que mon père a dû ressentir ce besoin. Comme beaucoup de Libanais. Exilé forcé, il se trouve entre deux mondes, sans jamais vraiment trouver sa place. On a donc travaillé ce sentiment et fabriqué un personnage d'après mon père, qui retrouve un peu de son identité dans ce chaos.
K.P. : Même si la BD est basée sur l'expérience vécue par Joseph et sa famille, il n'a pas beaucoup interféré dans ma propre interprétation de l'histoire. J'avais des idées assez précises sur la façon de saisir les scènes et j'ai choisi un cadrage à ma manière. Pour ce qui est du script, Joseph était soutenu par sa mère lors de la réécriture pour vérification. Du coup, je crois que nous avons pu nous débarrasser des quelques clichés présents dans le script original et rendre l'histoire plus crédible.

Comment en êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?
J.S. : Kyungeun a été le lauréat du prix Jeune talent du célèbre Festival d'Angoulême. Son travail « circulait » pas mal dans le milieu de la BD. On s'est rencontrés et on s'est découvert plein de similitudes, et lui s'est reconnu totalement dans cette histoire.
K.P. : L'histoire de Joseph me rappelle ma propre expérience. En 2010, la Corée du Nord a bombardé une île sud-coréenne. J'étais extrêmement inquiet pour ma famille et mon pays. J'ai appelé ma mère en regardant mon pays en flammes dans un journal français. Cette expérience m'a aidé à bien comprendre l'angoisse qu'a vécue Joseph. Et puis, je suis un immigré de première génération et père d'un enfant comme Moustapha dans la BD. Je me suis assez vite identifié à ce personnage. Je crois que même si l'histoire se déroule au Liban, Yallah Bye traite d'un thème universel : la question de l'identité. C'est pour cela que j'ai décidé de travailler sur cet album et de le présenter aux Coréens à travers une revue de BD coréenne.

W. F.

Comment avez-vous fait pour recréer les scènes qui se sont déroulées pendant la guerre à Tyr sans y avoir assisté ?J.S. : Plusieurs années se sont écoulées entre les faits et la publication de la bande dessinée. J'ai donc eu le temps de m'intéresser à cette histoire que j'ai vécue de France. J'ai fait beaucoup de recherches et j'ai interrogé ma famille. Nous sommes...

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