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Moyen Orient et Monde - Par Christopher R. Hill

Les clés de la stabilité du royaume saoudien

L’émergence du prince héritier Salmane comme successeur de feu le roi Abdallah survient à un moment d’instabilité jamais connue dans la région. HO/AFP

De même que toute succession politique, celle qui vient d'avoir lieu en Arabie saoudite était inévitable. Mais il n'était pas inévitable que le décès du roi Abdallah – et l'émergence du prince héritier Salmane comme successeur – advienne à un moment d'instabilité jamais connue dans une région déjà secouée par des changements très inopportuns pour la maison des Saoud.


Considérons les problèmes de sécurité auxquels est confrontée l'Arabie saoudite aujourd'hui. Les effets des 12 ans d'instabilité quasi permanente dans l'Irak voisin commencent à se faire sentir dans le royaume. Les causes de ressentiment des Saoud à l'égard des USA sont nombreuses (leur soutien à Israël, les négociations avec l'Iran, la pression qu'ils exercent en matière de droits humains), mais aucune n'est aussi importante que l'invasion de l'Irak en 2003. Du point de vue saoudien, les USA ont créé le premier État chiite du monde arabe directement à leur frontière nord – un cauchemar en matière de sécurité pour eux. Quoi qu'il advienne finalement dans le Nord et dans l'Ouest irakiens, dont une très grande partie est maintenant sous le contrôle de l'État islamique (EI – sunnite), le sud et l'est du pays resteront sous contrôle chiite. Aussi, ce succès chiite (un concept très relatif) pourrait inciter ailleurs les chiites à se mobiliser politiquement, notamment ceux de la province orientale à majorité chiite d'Arabie saoudite qui recèle la plus grande partie de la richesse pétrolière du pays. Il faut aussi compter avec l'EI qui essaye d'établir un califat – un objectif qui suppose non seulement de ramener le monde arabe au XVIIe siècle, mais aussi de redessiner les frontières modernes de la région. Celle qui sépare la Syrie de l'Irak est un héritage des accords secrets Sykes-
Picot de 1916 entre Français et Britanniques. Mais la création d'un califat en Syrie et en Irak n'est probablement pas le premier objectif de l'EI. Quoi qu'il en soit, l'un des objectifs ultimes du groupe est de mettre la main sur les villes saintes de La Mecque et de Médine. C'est sans doute un objectif hors de leur portée, mais qui ne rassure en rien les Saoud quant à l'EI.

 

(Lire aussi : Les trois défis diplomatiques de Salmane : I – Les relations entre Riyad et Téhéran)


À sa frontière sud, l'Arabie saoudite est confrontée à une situation dangereuse et très incertaine au Yémen, le maillon faible de la région qui appelle l'attention de la communauté internationale en raison de la présence d'éléments d'el-Qaëda. La gouvernance du Yémen repose essentiellement sur des affiliations et des alliances tribales, avec un minimum de consensus pour maintenir la cohésion du pays. Or depuis la tentative de renversement du gouvernement du président Mansour Hadi par les rebelles houthis du Nord qui occupent maintenant la capitale, Sanaa, ce consensus n'existe plus. En Occident on qualifie souvent les houthis et leur leader, Abdul-Malik al-Houthi, de groupe « soutenu par l'Iran », du fait de leur caractéristique politique la plus visible : leur adhésion au zaïdisme, une branche de l'islam chiite. En réalité, les houthis avait rejoint dans le passé les tribus sunnites du sud du pays pour participer au déclenchement du printemps arabe au Yémen (une description étrange et pas tout à fait exacte de la rébellion qui a conduit à la chute du régime du président Ali Abdullah Saleh en 2011). Même si les tentatives des houthis pour consolider leur contrôle politique sont bien plus complexes que ce que suggère une explication sectaire, ils représentent pour les Saoud une autre apparition menaçante du pouvoir chiite à leur porte. La position géographique du Yémen, le long des routes maritimes importantes du golfe d'Aden, fait du pays une priorité stratégique pour tous les acteurs, en particulier pour les Saoud.

 

(Lire aussi : Les trois défis diplomatiques de Salmane : II et III – Le leadership dans le monde sunnite et la lutte contre l'islamisme jihadiste)


La question est maintenant de savoir si les nouveaux dirigeants saoudiens pourront faire face à tous les problèmes urgents dans leur voisinage immédiat. Les structures institutionnelles de leur pays vont sans doute assurer une forte continuité, mais cette stabilité apparente pourrait aussi être qualifiée de stagnation. Quel que soit le désaccord de nombreux Américains au sujet des relations de leur pays avec l'Arabie saoudite, ce n'est le moment ni de les réexaminer ni même de faire pression sur le royaume pour un « changement », aussi nécessaire cela soit-il. Nous sommes dans une période où les USA doivent travailler en collaboration étroite avec les Saoud, faire preuve de prudence quant à ce qu'ils leur demandent et veiller à ne pas saturer les circuits stratégiques de la région par leur attitude.

 

(Lire aussi: Le nouveau roi Salmane va chercher à impliquer davantage Obama au P-O)


Alors que les USA sont engagés dans les négociations les plus sensibles avec l'Iran depuis la révolution islamique de 1979, les Saoud considèrent Téhéran comme la principale source de la crise régionale. Aussi la réussite des négociations sur le programme nucléaire iranien pourrait-elle être une victoire à la Pyrrhus pour les USA si cela décuplait l'inquiétude des dirigeants saoudiens. Les USA ont tout à fait raison de faire de la limitation des ambitions nucléaires de l'Iran un objectif prioritaire. Mais ils doivent aussi maintenir la plus grande proximité avec les Saoud – ce qu'a semblé faire Obama avec sa récente visite dans le royaume (à laquelle il a à juste titre associé nombre de républicains) pour rencontrer le roi Salmane. De la même manière, vaincre l'État islamique – autre objectif important et pleinement justifié des USA – nécessite beaucoup de doigté diplomatique à l'égard de l'Arabie saoudite. La politique saoudienne des USA doit être soigneusement pensée et fixer des objectifs réalistes. Si ce n'était pas le cas, les USA ne feraient que mettre de l'huile sur le feu dans la région.

Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz.
© Project Syndicate, 2015.

Christopher R. Hill, ex-secrétaire d'État adjoint pour l'Asie de l'Est, est doyen de l'école Korbel d'études internationales à l'Université de Denver. Il est l'auteur d'un livre intitulé « Outpost ».

 

 

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De même que toute succession politique, celle qui vient d'avoir lieu en Arabie saoudite était inévitable. Mais il n'était pas inévitable que le décès du roi Abdallah – et l'émergence du prince héritier Salmane comme successeur – advienne à un moment d'instabilité jamais connue dans une région déjà secouée par des changements très inopportuns pour la maison des...

commentaires (2)

QUI A CRÉÉ LA PREMIÈRE HYDRE POUR COMBATTRE LES BOLCHOS... EST RESPONSABLE DE SES PROGÉNITURES...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 10, le 03 février 2015

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Commentaires (2)

  • QUI A CRÉÉ LA PREMIÈRE HYDRE POUR COMBATTRE LES BOLCHOS... EST RESPONSABLE DE SES PROGÉNITURES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 10, le 03 février 2015

  • Si a cet article qui explique comment prendre la binsaoudie avec des pincettes on associait les declarations de mme Christine lagarde lors de ses condoleances au defunt roi binsaoud , on a exactement le film de la complicite des occicons et des salafowahabites binsaoudiques malgre le desert democratique de ce pays ou la cervelle du chameau ne trouve aucune concurrence .

    FRIK-A-FRAK

    16 h 59, le 03 février 2015

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