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Moyen Orient et Monde - Irak

La dernière princesse kurde

Cigarette en main, la princesse affirme que le soutien que manifeste l’Occident aux Kurdes sera éphémère comme en 1919.

Nevine Badrakhan est la dernière descendante des princes kurdes Badrakhan en ligne directe. Elle habite une maison à deux étages dans le quartier chrétien d'Erbil, la capitale du Kurdistan, qui ressemble plus à un musée qu'à un domicile. Y sont entassés une multitude de photos, d'objets, de textes, qui racontent l'histoire du Kurdistan qui se confond avec celle de sa famille qui a longtemps régné sur la presqu'île de Botan, à proximité de l'extrême nord-est du Kurdistan irakien, avant d'en être dépossédée par les Turcs. Elle montre fièrement le « château » familial, qui ressemble à une forteresse de grandes pierres.


L'accueil de la princesse n'est au départ pas très courtois. Elle refuse absolument de s'exprimer en arabe, qu'elle parle pourtant couramment, ayant fait ses études de droit à Damas. « Vous comprenez, dit-elle, tirant sur sa cigarette. Vous, les Arabes, nous avez tellement opprimés, massacrés, bombardés au napalm, aux armes chimiques, déplacés, détruit nos villages, que le seul fait d'entendre votre langue me crispe. Vous êtes ici au Kurdistan, alors soit vous parlez notre langue, soit nous parlons en anglais. » J'ai beau lui affirmer que je n'ai rien contre les Kurdes, que, bien au contraire, j'ai de la famille kurde par alliance chez précisément les Badrakhan, elle n'en a cure et poursuit son monologue. « Nous en avons assez de vous les Arabes, qui constituez aujourd'hui le principal soutien aux daechistes. Vous nous avez opprimés année après année. Voici venu le temps de nous rendre justice », dit-elle.


La soixantaine, se dressant sur son 1,62 en tirant sur sa cigarette, la princesse croit que le soutien que manifeste l'Occident aux Kurdes sera éphémère, comme cela s'est passé en 1919, et que la promesse de l'établissement d'un État kurde est partie en fumée. « Nous sommes aujourd'hui le dernier rempart contre les forces obscures venues du fond des âges. Nous sommes plus de 25 millions répartis sur l'Irak, la Turquie, la Syrie, l'Iran, l'Occident. Nous sommes le plus grand peuple apatride », dit-elle.


Entre un homme fin, d'une grande distinction, qui s'incline et se penche sur la main de la princesse pour l'effleurer d'un baiser. C'est le Dr Jalabet, professeur d'histoire, qu'elle a convoqué pour participer à l'entretien. D'emblée, le Dr Jalabet entre dans le vif du sujet, la création du Grand Kurdistan. Il estime qu'il est très possible aujourd'hui de créer de nouveaux États en modifiant les frontières établies au sortir de la Première Guerre mondiale par les accords Sykes-Picot. Il en veut pour preuve que lors de leurs créations, les Nations unies comptaient 60 à 70 États, alors qu'ils sont 185 aujourd'hui. Il reconnaît que, par une malice de l'histoire, les objectifs des daechistes et des Kurdes sont semblables à ce sujet. « Mais nous, nous voulons changer le statu quo au nom du progrès et de la justice », précise-t-il. Le Dr Jalabet affirme qu'il n'a pas de haine pour les Arabes. « J'ai même manifesté quand j'étais étudiant pour la cause palestinienne. Mais aujourd'hui, je le regrette car les Arabes ne nous ont pas payé en retour. Ils ont appuyé Saddam Hussein et ont même participé à l'opération Anfal, au cours de laquelle la ville kurde de Halabjah a été bombardée à l'arme chimique », explique-t-il. « Mais j'estime toujours que la cause palestinienne est juste, mais en même temps nous n'avons aucun problème à avoir des relations cordiales avec Israël », ajoute-t-il. Il affirme que, personnellement, il serait pour la reconnaissance d'un État palestinien, car cela va dans le sens de l'histoire. Mais il ajoute : « Ce sera une décision très impopulaire pour le peuple kurde. »

 

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