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À La Une - France

A leur retour, les otages doivent renouer le fil d'une existence interrompue

"On passe de l'ombre perdue au fin fond du désert aux lumières, aux projecteurs, aux interviews... Personne n'est préparé à ça", confie un ex-otage.

Serge Lazarevic accueilli à la base aérienne de Villacoublay près de Paris le 10 décembre 2014. AFP PHOTO / BERTRAND GUAY

Serge Lazarevic, dernier otage français dans le monde arrivé à Paris mercredi matin, après plus de trois ans de captivité au Sahel aux mains d'el-Qaëda. L'ex-otage a été accueilli peu après 07H45 (06H45 GMT) à la base aérienne de Villacoublay, au sud de Paris, par le président François Hollande qui a demandé à ses compatriotes d'éviter les zones à risques: "Faites en sorte de ne pas aller où vous pouvez être enlevés (...) Nous sommes dans un monde dangereux". Le président s'est aussi félicité qu'il n'y ait plus "d'otage français" dans le monde. Aucune information n'a été donnée sur les conditions de cette libération. Officiellement, la France ne verse pas de rançon mais elle n'exclut pas, à l'instar d'autres pays européens, des remises d'argent par des tiers.

"La vie est belle de retrouver la liberté", a lancé Serge Lazarevic à son arrivée. La vie est belle, mais le retour à une vie "normale" pour les otages n'est pas toujours chose aisée.

A l'euphorie de la libération succèdent la culpabilité, l'incompréhension et le laborieux retour à la vie en société: l'ex-otage français va devoir renouer le fil d'une existence interrompue durant trois ans, soulignent d'anciens otages. De l'avis de tous, le seul remède, c'est le temps.

Dès son retour en France, Serge Lazarevic, a déclaré être "impatient de revivre un peu, retrouver la famille, sortir, aimer". "Dans un premier temps, on est en acier inoxydable... On marche sur l'eau. La priorité, c'est de serrer ses proches dans ses bras", explique à l'AFP Jean-Louis Normandin, pris en otage au Liban en 1986 et libéré après 21 mois de captivité.

"Mais en détention, l'otage est sur un ring de boxe où il n'a jamais le droit de baisser la garde. Il se construit un coffre-fort pour se préserver des affects. Moi, je m'empêchais de penser à mon fils. Et tout ça, il faut le déconstruire", dit le journaliste aujourd'hui à la tête de l'association Otages du monde. "On a été avec des êtres humains qui vous attachaient avec des chaînes, avec qui il faut lever le doigt pour aller pisser. On a perdu confiance en l'humanité, et ça, ça ne se résout qu'avec le temps."

Dès sa descente d'avion, l'otage est propulsé sur la scène publique. "On passe de l'ombre perdue au fin fond du désert aux lumières, aux projecteurs, aux interviews... Personne n'est préparé à ça. Je l'ai vécu avec beaucoup d'appréhension", confie également à l'AFP Pierre Camatte, détenu durant trois mois au Mali en 2009.

 

"Des longs moments de silence"
"On se retrouve personnage public. Les gens me reconnaissaient dans la rue, même s'ils ne savaient plus si j'étais joueur de football ou otage au Liban", ajoute Normandin. Les polémiques autour de la capture (imprudence) ou de la libération (rançon) "ajoutent à un sentiment de culpabilité", estime-t-il: "Un otage se dit toujours qu'il a fait souffrir sa famille et en plus, la société lui dit +tu as coûté de l'argent+".

Après des mois d'existence sans autre motivation que la survie, la réadaptation à une vie en liberté, en famille, est une autre épreuve. "On reste sous l'emprise de ce qu'on a vécu. On a l'impression que nos proches sont incapables de comprendre. Il y a des longs moments de silence qui s'installent parfois", raconte Pierre Camatte. "Quand on se sent débordé par les émotions, on a tendance à refermer les écoutilles, à s'isoler."

"Il y a plein de choses qu'on veut faire pour rattraper le temps perdu, il faut prioriser. Il faut d'abord se consacrer à retisser les relations d'amour avec les gens qui nous sont importants", a aussi estimé sur la radio RTL Ingrid Betancourt, otage en Colombie entre 2002 et 2008.

Les souvenirs ressurgissent parfois bien plus tard, comme lors des libérations ou exécutions d'autres otages. "On pense que ça va mieux et puis les événements nous replongent dedans", explique Camatte. "Il faut qu'il (Lazarevic) aille lentement", prévient Ingrid Betancourt, qui a raconté dans un livre, "Même le silence a une fin", l'épreuve de sa détention par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). "Et il faut avoir de la compassion pour soi-même, savoir que c'est un chemin sur lequel on marche et on tombe. Il faut se relever en se disant qu'on fera mieux la prochaine fois".

 

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