Lorsque tout bloque, que les initiatives des uns et des autres mènent invariablement à des impasses, que l'immobilisme fige la vie publique et que, par-dessus tout, la région alentour ne cesse de s'embraser, il est normal qu'on s'accroche à n'importe quoi pour tenter de s'en sortir.
Le dialogue annoncé pour la semaine prochaine entre le courant du Futur et le Hezbollah, c'est en quelque sorte ce n'importe quoi. Mais c'est aussi, à ce stade, une petite fenêtre qui permet d'entrevoir ne serait-ce qu'une ébauche d'une possible relance de la vie politique dans ce pays.
S'il faut entendre des échos en provenance même de certains milieux haririens, comme par exemple le député Ahmad Fatfat, celui-ci répète chaque jour ou presque que l'expérience, en matière de dialogue avec le parti de Dieu, n'est guère encourageante, que ce dernier n'a jamais respecté les engagements pris et qu'il ne convient donc pas de s'attendre à des miracles de sitôt.
De fait, les thèmes majeurs, stratégiques, qui font toute la différence entre le Futur et le Hezbollah, entre 14 et 8 Mars, sont d'emblée mis de côté : les armes non légales, la stratégie défensive, l'attitude vis-à-vis de la crise syrienne et la participation directe des combattants du Hezb au conflit, tout cela est exclu de l'ordre du jour du dialogue, mis au point par les bons soins du président de la Chambre, Nabih Berry.
De quoi va-t-on discuter alors? Pour l'instant, l'entrée en matière sur laquelle les deux parties s'accordent, officiellement, c'est la nécessité d'une détente sunnito-chiite au Liban : noble thème, en vérité, au milieu des désordres confessionnels et sectaires du Proche et du Moyen-Orient. Sauf que pour ce qui est de notre pays, l'essentiel dans ce domaine a déjà été fait. Voilà un moment que le Hezbollah a manifestement abandonné le rêve qu'il caressait de trouver des alternatives au haririsme chez les sunnites. Quant au Futur, on sait le sort qu'il a réservé dernièrement aux quelques voix jugées trop « islamisantes » en son sein, après avoir soutenu sans états d'âme l'action de l'armée contre les cellules jihadistes. D'ailleurs, si celles-ci ont été aussi rapidement maîtrisées, c'est bien parce que la digue sunnite libanaise n'a pas cédé.
Il y a donc autre chose qui aura persuadé les deux camps de renouer le dialogue entre eux. Pour le Futur, il s'agit clairement, en attendant mieux, de travailler à un déblocage de l'élection présidentielle et aussi de paver la voie à l'adoption d'une loi électorale pour les législatives. Sur ce dernier point, les Haririens espèrent récolter les dividendes de leur position contre la mouvance jihadiste en dissuadant les autres protagonistes d'opter pour une législation pouvant affaiblir le Courant du Futur en milieu sunnite.
Dans ce cadre, on peut ainsi s'attendre à ce que la proposition de loi dite « orthodoxe », qui prévoit des élections fermées à l'intérieur de chaque communauté, et qui, de ce fait, serait une menace pour le Futur dans la mesure où cette formule le contraindrait à un face-à-face avec la mouvance islamiste, reçoive un bel enterrement définitif avec oraison funèbre du Hezbollah lui-même.
Reste la présidentielle. Pour le moment, le parti de Dieu évite de s'engager là-dessus et continue d'afficher officiellement une position constante : pour la présidence de la République, s'adresser à Rabieh ! Il est vrai que dans les milieux proches du général Michel Aoun, on a l'intention de surveiller de très près le Hezbollah pendant la durée du dialogue avec le Futur. La moindre infidélité au chef du CPL équivaudrait pratiquement à un casus belli, avertit-on dans ces milieux.
Le Hezb craint donc à l'heure actuelle de faire un faux pas sur ce terrain-là, même s'il lui est permis de questionner la capacité (et la volonté) du général Aoun d'aller jusqu'à une rupture avec lui.
Cependant, la dynamique du dialogue pourrait elle-même favoriser au final un déblocage au niveau de la crise présidentielle, surtout si cette dynamique est accompagnée d'une action de Bkerké en ce sens et si le contexte régional – le rapprochement américano-iranien qui s'amorce – s'y prête.
En attendant, le Liban se prépare ces jours-ci à une relance de l'activité diplomatique. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, doit avoir ce vendredi des entretiens avec les responsables du cru. Mardi prochain, la nouvelle chef de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini, qui a succédé en novembre à Catherine Ashton, est attendue à Beyrouth. Et quelques jours plus tard, ce sera le tour d'un haut responsable du Quai d'Orsay.
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CHIMERES LIBANAISES
FAKHOURI
00 h 04, le 06 décembre 2014