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Liban - Social

Skoun, onze années de service dans le traitement des toxicomanes

En 2003, Skoun ouvrait à Beyrouth la première clinique de traitement externe pour les usagers de drogue. Onze ans plus tard, l'association fait le bilan des avancées pour la guérison des toxicomanes.

En 2013, il y a eu 2 381 demandes de traitement contre la dépendance aux drogues, dont 407 ont été satisfaites par Skoun.

« Le nombre de personnes qui frappent à la porte de Skoun pour demander de l'aide est impressionnant », déclare Nadya Mikdashi, l'une des quatre fondateurs de cette association qui offre un soutien gratuit aux personnes droguées ou alcooliques. « Lorsque nous avons débuté en 2003 avec l'ouverture d'un centre de traitement externe à Achrafieh, la drogue était encore un sujet tabou. Personne n'osait demander de l'aide pour s'en sortir. On prenait alors en charge 12 patients. » Une situation qui a bien changé, selon Nadya Mikdashi, pour qui l'augmentation exponentielle des demandes de traitement au cours des 10 dernières années reflète un bien meilleur accès au traitement pour les usagers de drogue. « Les personnes souffrant d'addiction à la drogue ou à l'alcool ont reçu notre message. Elles savent que nous pouvons les aider à se soigner », explique-t-elle.


Les traitements contre la dépendance aux drogues ont fait l'objet de 2 381 demandes en 2013, dont 407 satisfaites par Skoun, selon des chiffres du ministère de la Santé. C'est de manière externe que Skoun a traité ses patients, leur permettant ainsi de continuer à vivre chez eux tout en suivant leur traitement. Le traitement externe dure, en général, d'un à trois ans, mais son intensité et sa durée varient selon les patients.
Nadya Mikdashi se rappelle de la détresse de certains malades il y a dix ans, lorsque les cures de désintoxication étaient, avec les centres de réhabilitation, les deux seuls traitements proposés : « Il y avait de nombreuses rechutes à la fin de la cure. Nous avons donc souhaité proposer un autre type de traitement, qui permet d'aider un nombre plus grand de personnes. » Psychologue de formation, Nadya Mikdashi décide alors avec trois de ses confrères, Sarah Trad, Mayssa Dimeskieh et le Dr Ramzi Haddal, de fonder Skoun en 2003.
Onze ans plus tard, le succès des centres de Skoun d'Achrafieh et de Ain el-Remmané, inauguré en 2012, ne fait aucun doute. Ayant dispensé gratuitement 2 000 consultations de conseil et 900 consultations psychiatriques l'an passé, l'association se voit dépassée par l'explosion des demandes et compte s'agrandir pour continuer de pouvoir y répondre.
83 % de ses patients, interrogés par Skoun après un an de traitement, déclarent être satisfaits de leur abstinence vis-à-vis des drogues, ce qui pousse l'association à vouloir ouvrir d'autres centres. « La réussite du centre de Ain el-Remmané prouve que ce modèle de traitement externe peut être répliqué au sein de communautés très différentes. Nous pouvons donc envisager la multiplication de ces centres, de manière à ne laisser aucune communauté de côté », ajoute Nadya Mikdashi. D'autres centres ont effectivement ouvert leurs portes sur le modèle de la clinique externe d'Achrafieh après 2003, notamment à Saïda.

 

(Dossier : Avec la crise syrienne, le Liban devient un passage pour le trafic du Captagon)

 

Des avancées sur tous les fronts
Pionnière, Skoun a réussi à se faire connaître du public comme des autorités libanaises. Celles-ci subventionnent, depuis 2012 et à la suite des pressions exercées par Skoun et d'autres associations, le centre de désintoxication de l'hôpital de Dahr el-Bachek, permettant ainsi à des personnes plus défavorisées de se faire soigner. « Longtemps, les toxicomanes ont été perçus comme des criminels, alors qu'un grand nombre d'entre eux n'aspirent qu'à se faire soigner et à retourner à une vie normale. Nous avons exercé des pressions pour que le gouvernement comprenne que le traitement des usagers de drogue doit être une priorité au Liban, où 2 672 personnes ont été arrêtées l'an passé pour usage de stupéfiants, selon les chiffres du Bureau de lutte contre la drogue. » « Dans 45 % des cas, il s'agissait de jeunes âgés de 18 à 25 ans », poursuit la cofondatrice de Skoun, qui a fait de ce public le cœur de son action en sensibilisant 3 500 jeunes l'an passé. « Nous formons aussi des jeunes dans les universités, qui sauront sensibiliser leurs pairs aux risques présentés par la drogue. »
« Skoun a pour priorité le traitement des patients, mais travaille aussi à améliorer le cadre global dans lequel elle agit. Pour cela, nous sensibilisons les juges et les policiers aux droits des personnes poursuivies pour usage de drogue », explique Nadya Mikdashi, qui estime toujours beaucoup trop élevé le nombre de violations des droits de ces derniers, dénoncées dans le rapport de Human Rights Watch « It's part of the job » (« Ça fait partie du boulot »), publié en 2013. Skoun fournit aussi une assistance légale aux usagers de drogue poursuivis en justice, « qui bien souvent ne peuvent pas se payer d'avocats car ils viennent de classes défavorisées ».


Nadya Mikdashi sait que le changement d'attitude de la société envers les usagers de drogue prendra du temps, les toxicomanes étant toujours perçus comme des criminels et non comme des personnes qui veulent retourner à une vie normale. Mais elle souligne les avancées énormes qui ont eu lieu au niveau étatique, au cours des 10 dernières années. « Les autorités libanaises sont en train de changer leur position vis-à-vis des usagers de drogue », assure-t-elle.
« L'an dernier, la Cour de cassation a notamment rappelé aux juges leur obligation de respecter l'article 1.27 de la loi libanaise sur les stupéfiants, selon lequel les usagers ont le droit au traitement, comme alternative aux poursuites judiciaires », poursuit-elle. « Dans le même ordre d'idées, les autorités ont réactivé en 2013 le Comité pour combattre les addictions à la drogue, créé il y a plus de 15 ans dans le but de référer les personnes persécutées pour usage de drogues vers des centres de traitement. »
« Les lois évoluent plus vite que les mentalités », soupire Nadya Mikdashi, dont l'association Skoun a sensiblement contribué à atténuer le tabou autour de la question des drogues, durant la décennie passée. Pour celle à venir, l'enjeu sera surtout de rendre effectives les décisions prises au niveau des autorités, mais ce n'est qu'une partie des activités de Skoun. « Nous visons à nous étendre, rappelle Nadya Mikdashi, pour permettre à toujours plus de patients l'accès à un traitement. »

 

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