Tout a commencé avec le message positif transmis par le leader druze Walid Joumblatt au secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. Joumblatt, dont les inquiétudes pour la communauté druze prise en étau entre les combattants d'al-Nosra et les forces du régime dans certaines régions syriennes sont à leur apogée, a estimé que la plus grande garantie de sécurité interne actuelle résiderait dans un dialogue entre les sunnites et les chiites et plus particulièrement entre le Hezbollah et le courant du Futur. Au cours de son dernier entretien avec Nasrallah, il aurait donc évoqué ce thème et précisé que, selon ses impressions, ce serait le bon timing pour amorcer un tel dialogue dont les objectifs seraient d'apaiser l'intérieur libanais et de faire baisser d'un cran la tension entre sunnites et chiites. Le président de la Chambre Nabih Berry, qui est aussi partisan d'un tel dialogue, a ensuite pris le relais, invitant le Hezbollah à tendre la main au courant du Futur car, selon lui, un tel dialogue est nécessaire dans un pays soumis à une crise structurelle, économique et sécuritaire comme le Liban actuellement. C'est ainsi que dans son discours du 3 novembre, du dernier jour de la commémoration de Achoura, Hassan Nasrallah a tendu la main au courant du Futur, créant ainsi la surprise chez ses partisans qui d'habitude s'attendent à un autre ton pendant la commémoration d'un événement aussi douloureux et triste pour la communauté chiite. En 2005, il avait d'ailleurs fait la même chose, pendant les commémorations de Achoura en consacrant un de ses discours à la relation étroite qui le liait avec l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, dans une tentative de faire baisser la tension entre les sunnites et les chiites après l'assassinat de ce dernier. Ce discours avait d'ailleurs abouti à la conclusion à l'époque du fameux accord quadripartite (entre le courant du Futur, le Hezbollah, Amal et le PSP de Joumblatt) qui avait permis la tenue des élections législatives de 2005 et la victoire du 14 Mars... laissant le général Michel Aoun se battre seul et remporter une grande victoire électorale.
Toutefois, aujourd'hui, un tel scénario ne semble pas envisageable. Et pour couper court à d'éventuelles spéculations politiques sur la résurrection de l'accord quadripartite en vue d'aboutir à un accord sur l'élection d'un président dit consensuel, Hassan Nasrallah a, dans ce même discours, affirmé clairement – et pour la première fois – que son parti (et probablement son camp) appuyait la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République. Autrement dit, il a d''emblée fixé les limites du dialogue en préparation avec le courant du Futur, en affirmant qu'il ne peut pas aboutir à un compromis au détriment de l'alliance avec le général Aoun sur le dossier présidentiel. C'était une façon claire de dire à ceux qui misent sur ce dialogue pour créer un fossé entre le CPL et le Hezbollah et pour en finir avec la candidature de Aoun de ne pas se faire trop d'illusions. Le Hezbollah a donc tendu la main au courant du Futur pour évoquer les questions internes et faire baisser la tension entre les sunnites et les chiites, mais il n'est pas question de mettre le dossier présidentiel sur l'agenda de ce dialogue, indépendamment du CPL. D'autant que, même s'il ne le dit pas clairement, le Hezbollah considère la candidature du « général » comme une affaire sérieuse et son éventuelle élection à la tête de la République comme une victoire stratégique pour son camp et pour ses choix.
Dans ce contexte, que faut-il attendre d'un tel dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur ? Le chef de ce courant Saad Hariri l'a clairement dit, dans son entretien télévisé sur la LBCI jeudi soir : il ne s'attend pas à des miracles, ni à ce que le dossier des armes du Hezbollah ou encore celui de sa participation aux combats en Syrie, ainsi que la présidentielle soient réglés d'un coup de baguette magique. Tout en condamnant vivement la participation du Hezbollah aux combats en Syrie au point de la qualifier « de folle aventure », Saad Hariri a bien expliqué qu'il ne s'attend pas à ce que le parti chiite retire ses troupes juste parce qu'il le lui demande...
Si les deux camps ne vont donc apparemment pas parler des grands dossiers conflictuels, de quoi vont-ils discuter ?
Les deux parties laissent entendre qu'il ne faut pas pour l'instant avoir de grandes attentes ni mettre la barre trop haut. Comme l'a si bien dit Walid Joumblatt, les armes du Hezbollah et sa participation aux combats en Syrie sont devenues des dossiers régionaux, et il ne servira donc à rien d'en parler, si ce n'est pour constater les divergences dans les points de vue. Mais il reste la dynamisation de l'action gouvernementale et l'apaisement de la rue, ainsi que les négociations pour la libération des militaires pris en otage. Pour l'instant, ces thèmes devraient suffire à permettre aux deux camps de reprendre contact, sous la houlette du président de la Chambre et dans le cadre accueillant du Parlement. D'ailleurs, la seule annonce de l'imminence d'un tel dialogue et les bonnes dispositions des deux camps ont déjà contribué à apaiser la rue dans les deux camps. Pour l'heure, et en l'absence de compromis régionaux ou de grandes solutions internationales, c'est la seule démarche positive possible, surtout qu'aucune partie n'est prête à faire d'importantes concessions, les deux camps croient donc que s'ils peuvent pas gagner, au moins ils ne perdront pas.
commentaires (6)
Seul le dialogue du Hezbollah avec le courant du Futur pourra en effet faire sortir le pays de sa crise actuelle . Courage .
Sabbagha Antoine
17 h 19, le 01 décembre 2014