Plus rien dans ce pays ne paraît désormais pouvoir échapper à la logique de l'affrontement confessionnel ou sectaire. Tous les thèmes ou presque, les événements sur le terrain, les revendications sociales ou autres, les querelles politiques et institutionnelles finissent tôt ou tard par être revêtus des habits les plus repoussants du communautarisme. Au point d'être souvent faussés ou dénaturés.
Les ratés d'une course-poursuite entre des forces de l'ordre et des bandits des grands chemins, comme cela s'est produit dernièrement dans la Békaa-Nord, du côté du village de Btedii, ont mis en état d'ébullition cette localité et les autres bourgades maronites de la région. La cause en est que les fugitifs, de confession chiite, ont tué dans leur fuite un couple d'habitants de Btedii et blessé un de leurs fils.
Mais la colère sectaire est montée d'un cran hier après que le clan familial auquel appartiennent deux des fugitifs, les Jaafar, eut jeté de l'huile sur le feu en publiant lundi un communiqué obscur aux termes duquel il ressort, si l'on comprend bien, que les victimes seraient fautives de s'être trouvées sur le chemin des fuyards...
Ployant déjà sous le poids des événements qui s'y déroulent depuis des mois, et notamment des graves retombées de la crise syrienne au niveau des rapports entre chiites et sunnites, du face-à-face entre l'armée et les extrémistes, et de l'insécurité en général, cette région n'avait vraiment pas besoin de ce nouvel incident.
Plus près du centre, un énième épisode de la colère des journaliers laissés-pour-compte d'EDL, qui a une fois de plus pris la forme d'une opération fermeture de routes – en l'occurrence l'autoroute périphérique La Quarantaine-Hazmieh – a pratiquement explosé hier, confessionnellement parlant.
On savait déjà que ce dossier, reliquat du passage de l'actuel chef de la diplomatie, Gebran Bassil, au ministère de l'Énergie, sous le gouvernement Mikati, fait partie du contentieux qui oppose, pour des raisons tant clientélistes que confessionnelles le camp aouniste au président de la Chambre et chef du mouvement Amal, Nabih Berry. Excédé, l'un des meneurs est allé hier jusqu'à assimiler, en hurlant, l'attitude de M. Bassil à une « guerre déclarée contre 800 familles chiites »... Et ce meneur d'en rajouter en interpellant le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour lui reprocher à mots couverts de ne pas venir au secours de ces familles.
L'apparition au beau milieu des protestataires du ministre du Travail, Sejaan Azzi, qui, tout en refusant d'avaliser la pratique du blocage des routes, a promis d'agir pour aider la cause des journaliers, a heureusement fait l'effet d'une diversion politique : M. Azzi, peut-être parce qu'il est membre du camp adverse de celui de M. Bassil, a été copieusement applaudi...
Mais les dérives sectaires sont tout aussi fortes dans les arcanes de la vie institutionnelle, si pauvre qu'elle soit à l'heure actuelle. Lundi, une vraie bombe à retardement a été lancée en pleine réunion de la commission ad hoc chargée d'élaborer une nouvelle loi électorale, sous la forme d'un message adressé par le chef du CPL, le général Michel Aoun, à M. Berry, qui présidait la réunion. M. Aoun y réclame la convocation d'une séance plénière de la Chambre pour expliquer l'article 24 de la Constitution, qui parle de la parité islamo-chrétienne et de la représentation proportionnelle des diverses communautés à l'intérieur des ensembles chrétien et musulman.
On sait en effet qu'au Liban, c'est le Parlement qui est seul habilité à fournir une telle explication, et non le Conseil constitutionnel qui ne peut, lui, que statuer, sur saisine, à propos de la conformité d'une loi à la Constitution.
Point n'est besoin d'être devin pour imaginer dans quelle ambiance se déroulerait une telle séance et à quels déchirements elle conduirait à l'ombre du climat prévalant actuellement dans le pays. Cela pousse d'ailleurs à s'interroger sur les motivations du chef du CPL, sa démarche ne laissant aucune chance à la commission ad hoc de pouvoir finir son travail en un mois, comme promis lundi.
De ce tableau peu engageant, ne se détache finalement ces jours-ci que le cours tranquille de la relation donnée par Marwan Hamadé devant le Tribunal spécial pour le Liban de l'histoire des rapports entre Damas et Rafic Hariri.
Un droit d'inventaire à l'œuvre, c'est si rare dans un pays arabe – c'est même une première – que c'en est un régal !
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commentaires (5)
Le comble des combles est le colportage de certains que le Liban devait servire de modele pour la region..... Une blague n'est-ce pas?C est surtout un modele qu'il ne faut surtout pas suivre.....
IMB a SPO
13 h 28, le 19 novembre 2014