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Moyen Orient et Monde

Le test de crédibilité du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité des Nations unies. AFP/Eskinder Debebe.

La composition du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies sera modifiée en 2015, mais elle ne sera pas si différente de ses versions précédentes. Les victorieux de la Seconde Guerre mondiale – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie, et la Chine – préserveront les premières loges associées au pouvoir. Cinq membres non permanents – la Nouvelle-Zélande, l'Espagne, l'Angola, la Malaisie et le Venezuela – intégreront le Conseil pour un mandat de deux ans, en remplacement respectivement de l'Australie, du Luxembourg, du Rwanda, de la Corée du Sud, et de l'Argentine. Les strapontins restants seront occupés pour un an de plus par le Tchad, le Chili, la Jordanie, la Lituanie, et le Nigeria.
À l'exception du Nigeria, aucun des principaux acteurs du vingt et unième siècle – le Brésil, l'Allemagne, l'Inde, le Japon ou l'Afrique du Sud – n'y occuperont un siège. Tous les efforts produits pour réformer la structure du Conseil de sécurité – y compris mettre un terme à l'impossibilité pour un membre non permanent d'être réélu pour un deuxième mandat consécutif, ce qui permettrait pourtant un engagement pérenne, ou même une adhésion permanente officielle – ont abouti à une impasse.
Reconstruire le Conseil de sécurité pour faire en sorte que toutes les puissances influentes aient toujours un siège à la table n'est pas à l'ordre du jour de la réforme, mais cette proposition est pourtant l'une des plus importantes. La légitimité institutionnelle du Conseil en tant que premier organe décisionnaire du monde en matière de paix et de sécurité n'est pas acquise. Si le Conseil préserve son profil actuel, il ne faudra pas s'étonner que sa crédibilité et son autorité soient avant peu, peut-être même moins d'une quinzaine d'années, menacées.
La priorité est de trouver d'autres moyens pour dynamiser le statut global du Conseil de sécurité. Les enjeux auxquels il est confronté n'ont jamais été aussi délicats. Il se trouve aujourd'hui un nombre croissant de crises dans un nombre croissant de régions ; le nombre des violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme n'a jamais été aussi élevé ; et le nombre de personnes contraintes à se déplacer du fait de ces conflits atteint un niveau inégalé depuis des décennies.
Le Conseil de sécurité a jusqu'à présent plutôt bien géré la situation pour répondre à ces défis. Il a obligé la Syrie à abandonner ses armes chimiques et à accepter le principe d'un couloir humanitaire sans le consentement du régime en place. Il a autorisé la présence d'un plus grand nombre de Casques bleus sur le terrain, avec des mandats renforcés de protection des civils. Il a aussi maintenu certaines sanctions efficaces envers certains régimes et a transmis certains cas à la Cour pénale internationale.
Il a mis fin à un massacre imminent en Libye en 2011 en acceptant (du moins au début) que la notion internationalement validée de « responsabilité de protéger » justifie une intervention militaire. Il a répondu de manière décisive à la crise Ebola et a voté d'importantes résolutions antiterroristes. Il s'améliore aussi en matière de consultation globale et débat plus ouvertement des questions à l'ordre du jour.
Mais les problèmes de sécurité des individus gangrènent toujours une large part du territoire africain et de l'Asie occidentale. Trop souvent, le Conseil de sécurité continue d'ignorer les problèmes les plus sérieux relatifs aux droits de l'homme et à la sécurité, empêtré dans le carcan de la vieille rhétorique datée de la Realpolitik, ou freiné par sa prudence, les limitations institutionnelles, ou des ressources inadéquates. Il s'est retrouvé presque totalement paralysé dans les crises récentes parmi les plus critiques – l'Ukraine, Gaza, la Syrie et l'Irak.
Pour restaurer et améliorer la crédibilité du Conseil de sécurité, il faudrait désormais se concentrer sur des changements qui ne nécessitent pas d'amendement à la Charte des Nations unies. Un bon point de départ serait d'appliquer plus souvent les meilleures pratiques déjà existantes, faisant de l'exception la norme. Ainsi que l'a démontré le cas de l'arsenal chimique de la Syrie, le Conseil peut obtenir des résultats lorsqu'il établit un cadre clair, un calendrier explicite, des mécanismes de vigilance actifs, des processus de rapports réguliers, et lorsqu'il explicite clairement les conséquences en cas de non-respect des règles.
Le Conseil doit moins se consacrer à la rhétorique qu'aux processus formels de prévention des crises et des conflits, avec de meilleurs mécanismes de veilles et de synthèse. Il doit comprendre qu'anticiper et répondre aux principales violations des droits humains fait partie de ses principales prérogatives. Il devrait encourager le secrétaire général de l'Onu à utiliser la formidable autorité que lui confère l'article 99 de la Charte qui l'autorise à porter lui-même les questions importantes à l'attention du Conseil.
Il est impératif de rétablir un consensus sur la manière de répondre au mieux aux situations de crimes si atroces qu'elles requièrent une réponse militaire. Des efforts doivent être consentis pour surmonter l'amertume encore ressentie vis-à-vis des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France – et qui explique pour une grande part la paralysie concernant la Syrie ; leur attitude a été perçue comme expansionniste lorsque, sans repasser par le Conseil de sécurité, le simple mandat de protection civile octroyé pour la Libye s'est transformé en une volonté de modifier entièrement le régime. La solution semble reposer sur une forme de variation du principe de « responsabilité de protéger » initialement proposé par le Brésil (et accueilli positivement mais officieusement par la Chine et la Russie), qui nécessiterait une forme de surveillance et de révision constante des mandats militaires.
La France a proposé un changement réellement transformatif : les membres permanents du Conseil de sécurité renonceraient à l'usage de leur droit de veto dans les cas d'atrocités de crimes de masse avérés soit par le secrétaire général, soit par tout autre processus acceptable, du moins si aucun intérêt national vital n'est en jeu. Mais ce ne sera pas chose facile. Si le Royaume-Uni accepte d'en étudier le principe, la Russie s'y est ouvertement opposée. Les États-Unis sont discrètement dans l'embarras et la Chine est restée muette sur ce point.
Ces diverses réactions nous rappellent que ce dont a le plus besoin le Conseil de sécurité est de faire évoluer les mentalités de ses membres permanents. Ils doivent se souvenir que leurs responsabilités globales sont formidables ; que leur obligation première est de trouver un terrain de coopération commun ; et qu'il n'y aura qu'une tolérance limitée pour toute forme de poursuite aveugle d'étroits intérêts personnels. S'ils ne réagissent pas, l'autorité globale du Conseil en sera affaiblie, et il sera alors confronté au risque d'un retour à la paralysie marginalisée des années de la guerre froide.

Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats.
© Project Syndicate, 2014.

La composition du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies sera modifiée en 2015, mais elle ne sera pas si différente de ses versions précédentes. Les victorieux de la Seconde Guerre mondiale – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie, et la Chine – préserveront les premières loges associées au pouvoir. Cinq membres non permanents – la Nouvelle-Zélande,...

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