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Économie - Imposition

Fini le secret bancaire ?

La lutte contre l'évasion fiscale fait un grand bond. Plus de quatre-vingt-dix pays se sont engagés mercredi 29 octobre à Berlin à mettre en place un échange automatique d'informations financières d'ici à 2017-2018, une initiative qui sonne la fin du secret bancaire.

Plus de 5 800 milliards d’euros seraient dissimulés dans les paradis fiscaux. Soit un manque à gagner de 130 milliards par an pour les administrations fiscales du monde entier. Archives/AFP

Le simple objectif de l'accord signé dans la capitale allemande pendant le Forum de la transparence et l'échange d'informations est la connaissance de tous les avoirs financiers placés à l'étranger des contribuables de chaque administration fiscale.
Parmi les pays signataires, on retrouve les membres de l'Union européenne, ainsi que les principautés attachées au secret bancaire comme le Liechtenstein, ou les paradis fiscaux comme les îles Caïmans ou les îles Vierges britanniques.
D'autres pays se sont engagés dans un accord séparé à être prêts dès 2018, comme l'Autriche et même la Suisse qui, depuis plusieurs années, est dans le collimateur de la communauté internationale pour la pratique jugée abusive de son secret bancaire.


Les pays ont donc accepté de passer directement de l'échange automatique d'informations (seulement sur les comptes d'épargne) au standard de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui couvre tous les revenus financiers : dividendes, gains en capitaux, plus-values...
Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a salué « un moment très important » dans la lutte contre l'évasion fiscale. Il ajoute qu'« il est insupportable pour nos contribuables, que nous avons mis à contribution (lors de la crise financière), d'avoir le sentiment que certains peuvent échapper à l'impôt ».


Interrogé par L'Orient-Le Jour, Gabriel Zucman, économiste à la London School of Economics et spécialiste de la fraude fiscale, estime que plus de 5 800 milliards d'euros seraient « dissimulés » dans les paradis fiscaux. « Soit un manque à gagner de 130 milliards par an pour les administrations fiscales du monde entier », ajoute-t-il. L'expert précise que cet accord constitue « un progrès important pour plus de transparence et pour davantage de règles équitables dans le domaine fiscal ». « Dès 2016, les banques européennes doivent collecter les informations bancaires, afin d'être ensuite en mesure d'envoyer le solde des comptes étrangers aux administrations fiscales des pays concernés », explique M. Zucman.

 

Les États-Unis non signataires
En votant unilatéralement la loi « Fatca », qui oblige les banques étrangères à déclarer systématiquement au fisc américain les comptes et dépôts des clients américains, les États-Unis avaient déjà servi de déclencheur en 2010.
« La Fatca devient juste aujourd'hui une adaptation au niveau mondial. Mais à la différence de l'OCDE et du G20, les États-Unis ont su mettre des sanctions précises dès le début avec ceux qui refusent de coopérer », précise l'expert. « Il y a souvent un écart entre les principes votés et les actes dans ce domaine. Sans réelles sanctions et pénalités il n'y aura aucun progrès. On ne peut certainement pas demander gentiment aux paradis fiscaux d'arrêter, c'est naïf », explique M. Zucman.
Mais, certaines places financières restent « sources d'inquiétudes » comme le Panama ou le Singapour, qui ne fait pas partie du processus.


L'accord signé à Berlin est certainement une première étape importante mais ne signe pas définitivement la fin du secret bancaire : malgré l'accord multilatéral, les pays seront toujours capables de choisir au cas par cas avec qui ils échangent automatiquement des informations.
La Suisse par exemple a déjà annoncé qu'elle ne livrerait ses informations qu'aux pays « considérés comme importants pour l'industrie financière helvétique ».

 

Défi colossal pour la Suisse et le Luxembourg ?
De grandes banques suisses comme UBS ont été condamnées à de lourdes amendes aux États-Unis pour avoir aidé des clients américains à frauder le fisc. Et selon les détracteurs de la place financière suisse, une grande partie des fonds que gèrent les banques suisses (environ un tiers de la fortune mondiale) sont non déclarés. « Certes, le secteur financier suisse représente 7 à 8 % du PIB, mais le pays a une économie très diversifiée. Il n'aura aucun problème suite à cet accord », précise M. Zucman.


Mais pour le Luxembourg c'est une autre affaire. « Comme le secteur financier représente environ 40 % du PIB, la reconversion doit commencer dès maintenant dans l'enseignement supérieur ou dans la technologie... La fin du secret bancaire pourrait détruire 2 300 à 3 000 emplois sur les 44 000 que compte le secteur financier. » Un défi colossal pour ce petit État, mais le pays se targue d'avoir une certaine expérience en la matière.
Le Luxembourg a en effet déjà réussi une reconversion dans les années 70 avec l'industrie de la sidérurgie qui représentait une grande part de son PIB et qui représente aujourd'hui quasiment 0 %. « Le scénario se répète mais avec d'autres enjeux », estime l'expert.


À l'époque, le pays comptait bien quelques centres de recherche privés, mais à part cela rien ou presque : ni université ni grand laboratoire public, pas même un ministère de la Recherche... Un vide qui s'explique en partie par la tradition du Luxembourg, très ouvert à l'international. Aujourd'hui, le pays a ciblé quelques secteurs-clés pour sa reconversion : la sécurité informatique, la biomédecine ou encore la science des métaux, enseignées au sein de trois facultés à la nouvelle université.
Reste à savoir si cette diversification portera ses fruits assez tôt pour compenser le manque à gagner de la fin du secret bancaire.


M. Zucman conclut en rappelant que dans le domaine de la fiscalité, la coopération peut certes devenir un sujet délicat (et dans la plupart des cas une barrière pour l'aboutissement du projet), mais peut être dépassée avec « la combinaison de pressions économiques et de pressions politiques » envers les pays concernés.

 

Pour mémoire

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Le simple objectif de l'accord signé dans la capitale allemande pendant le Forum de la transparence et l'échange d'informations est la connaissance de tous les avoirs financiers placés à l'étranger des contribuables de chaque administration fiscale.Parmi les pays signataires, on retrouve les membres de l'Union européenne, ainsi que les principautés attachées au secret bancaire comme le...

commentaires (1)

Le plus gros cauchemar des banquiers suisses c'est d'avoir des clients français et européens . Un casse tête qui vient pourtant de trouver sa solution par des cartes de débit anonymes . Renseignez vous , chers compatriotes à double nationalité !

FRIK-A-FRAK

13 h 22, le 31 octobre 2014

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Commentaires (1)

  • Le plus gros cauchemar des banquiers suisses c'est d'avoir des clients français et européens . Un casse tête qui vient pourtant de trouver sa solution par des cartes de débit anonymes . Renseignez vous , chers compatriotes à double nationalité !

    FRIK-A-FRAK

    13 h 22, le 31 octobre 2014

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