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Liban - Liban

Le poliovirus dans la ligne de mire du ministère de la Santé

Le ministère de la Santé entamera demain une campagne nationale de vaccination préventive contre la poliomyélite. Celle-ci doit cibler près de 650 000 enfants présents sur le territoire libanais.

Le vaccin antipoliomyélitique oral, vecteur des campagnes de vaccination préventive. Photo Reuters

Cela fait treize ans que le Liban est exempt de poliomyélite. Pour préserver cet acquis et face à la menace que représente l'afflux massif de réfugiés syriens, auquel s'ajoute la détection, au cours du premier trimestre de l'année en cours, d'un cas de poliomyélite en Syrie et de deux autres en Irak, une campagne nationale de vaccination préventive contre la poliomyélite sera entamée demain et se poursuivra jusqu'au 21 octobre. Menée en coopération avec l'Unicef et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et en collaboration avec la Société libanaise de pédiatrie, elle cible quelque 650 000 enfants, âgés de 0 à 5 ans, présents sur le territoire, toutes nationalités confondues.
Cette campagne n'est pas la première du genre, du moins depuis le début de l'afflux syrien vers le Liban. C'est la première fois toutefois qu'elle est accompagnée d'une campagne médiatique. « Son importance réside dans le fait qu'elle est organisée en synchronisation avec tous les pays de l'est de la Méditerranée », explique Randa Hamadé, chef du département de soins de santé primaires et directrice du Programme national de vaccination au ministère de la Santé. « Ainsi, nous sommes sûrs que le virus ne franchira pas les frontières et ne trouvera pas de réservoir humain où il pourra se multiplier, déclenchant, par conséquent, une éventuelle épidémie de poliomyélite, poursuit-elle. Cela est d'autant plus important que trois cas ont été reportés au cours du premier trimestre de l'année en Irak et en Syrie. »
Les virus ne connaissant pas de frontières, le Liban doit donc s'immuniser, notamment en présence de cette épidémiologie régionale. « Selon les recommandations de l'OMS, il est conseillé de mener deux campagnes successives de vaccination préventive, six mois après la déclaration du dernier cas régional, ciblant les enfants de 0 à 5 ans, précise Randa Hamadé. La seconde campagne se déroulera du 15 au 21 novembre. »
Cette campagne est d'autant plus importante que la poliomyélite est « une maladie très contagieuse », affirme le Dr Bernard Gerbaka, vice-président de la commission de certification pour les maladies transmissibles et du Programme élargi de vaccination relevant du ministère de la Santé. « Elle se traduit par un symptôme grippal avec une fièvre, une fatigue, des maux de tête, des vomissements, une raideur de la nuque et des douleurs dans les membres du corps, ajoute-t-il. La maladie est due au poliovirus. Celui-ci se multiplie dans l'intestin et se transmet principalement par voie oro-fécale. Il peut également se transmettre par une eau contaminée par des matières fécales. Tout le monde ne développe pas la maladie. Néanmoins, lorsqu'on parle d'un cas déclaré de poliomyélite, c'est-à-dire d'un cas de paralysie due au virus, cela signifie que 200 personnes sont déjà porteuses du virus. »

Immunité individuelle vs immunité collective
Le vaccin vise donc à créer cette immunité intestinale. Il existe deux genres de vaccin : le vaccin antipoliomyélitique injectable et le vaccin oral. « Le vaccin injectable assure une protection individuelle à l'enfant, mais ne l'empêche pas d'être porteur du virus, constate le pédiatre. De plus, il ne présente aucun risque, puisqu'il est composé de virus inactivés. Le vaccin oral, par contre, assure une protection collective et empêche que l'enfant ne soit porteur du virus puisqu'il permet de créer cette immunité intestinale, empêchant le virus de s'y multiplier. Le vaccin oral ne présente aucun risque d'overdose. Toutefois, il peut représenter un risque pour les personnes souffrant d'une déficience immunitaire sévère (cancer, sida...), puisqu'il est constitué de souches virales atténuées. S'ils reçoivent le vaccin, ces enfants pourront développer une poliomyélite vaccinale, c'est-à-dire qu'ils développeront la maladie en réaction au vaccin. Il s'agit toutefois de cas extrêmement rares. »
Or ces enfants ne sont pas ciblés par la campagne. Randa Hamadé assure : « Une semaine avant que nos équipes ne se dirigent dans les écoles ou les garderies, nous envoyons des brochures explicatives aux parents sur la campagne. S'ils sont consentants, ils signent le verso de la brochure. Dans le cas contraire, ils mettent la raison pour laquelle ils s'opposent à la vaccination. Aucun enfant ne reçoit donc le vaccin sans le consentement parental. De plus, durant la campagne, nos équipes sont accompagnées du médecin de l'école ou de la garderie. Il faut noter en outre que les enfants qui souffrent d'une déficience immunitaire sévère se trouvent rarement dans les écoles ou les garderies, mais dans des centres où ils reçoivent leur traitement. En ce qui nous concerne, ces centres sont exclus de la campagne. »

Atteindre 95 % des enfants
Randa Hamadé indique que la campagne médiatique qui accompagne la campagne de vaccination a pour principal objectif de pouvoir atteindre le plus grand nombre d'enfants, dans les hôpitaux « parce qu'il faut vacciner les nouveau-nés », les dispensaires, les camps des réfugiés, etc. « Nous espérons pouvoir atteindre au moins 95 % des enfants présents sur le territoire libanais », confie-t-elle. Qu'en est-il des 5 % restants ? « C'est tout l'objectif du principe de l'immunité collective, répond-elle. En vaccinant le plus grand nombre possible d'enfants contre la poliomyélite, le virus finira par disparaître, parce qu'il ne pourra plus trouver un réservoir pour se multiplier. Donc les 5 % des enfants que nous n'aurions pas pu atteindre pour une raison ou pour une autre seront protégés parce que leur entourage l'est. »
Quid des réfugiés qui s'introduisent d'une manière illégale et des régions inaccessibles, comme Ersal ? « Le ministère de la Santé a établi, en coordination avec la Sûreté générale, des points de vaccination sur les postes-frontières de Masnaa, Arida, Abboudiyé et Békaiaa, affirme Randa Hamadé. Nous avons également quatre points de vaccination dans les centres relevant du HCR. En ce qui concerne les postes-frontières illégaux, comme celui de Kaa, nous avons confié à deux personnes la mission de le surveiller, toujours en coordination avec la Sûreté générale. Ainsi, dès qu'une famille le traverse, elle est conduite au centre médicosocial de Kaa où les enfants reçoivent le vaccin. Idem pour Chebaa. Évidemment, nous ne sommes pas des surhommes. Il y a des régions tout au long de l'Anti-Liban que nous ne pouvons pas couvrir, en raison notamment de la situation sécuritaire. Mais je ne pense pas que de nombreuses personnes s'introduisent au Liban à travers ces régions. Pour ce qui est enfin de Ersal et de Toufail, nous coopérons avec les moukhtars des régions pour faire parvenir les vaccins à nos agents de santé qui sont originaires de ces villages. »
Qu'en est-il des médecins du secteur privé réticents qui avaient, lors des campagnes précédentes, déconseillé le vaccin aux parents ? « La Société libanaise de pédiatrie est partenaire de la campagne, insiste Randa Hamadé. Elle est en train de contacter tous les médecins réticents et leur explique les circonstances et les objectifs de la campagne. De plus, en tant que ministère de la Santé, nous sommes disposés à assurer le vaccin gratuitement au médecin. Il décidera s'il veut ou non percevoir les frais de l'acte médical. »

Cela fait treize ans que le Liban est exempt de poliomyélite. Pour préserver cet acquis et face à la menace que représente l'afflux massif de réfugiés syriens, auquel s'ajoute la détection, au cours du premier trimestre de l'année en cours, d'un cas de poliomyélite en Syrie et de deux autres en Irak, une campagne nationale de vaccination préventive contre la poliomyélite...

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