Avoir l'air con peut être utile, mais l'être vraiment serait plus facile. Tellement. Surtout en ce moment. Surtout ici. Le monde est effroyablement con, les gens qui nous entourent sont terriblement cons. Quant à nous, coincés au milieu, avec le peu de neurones qui nous reste, on nous prend pour des cons. Et on l'accepte. Les députés s'autoprorogent, pas d'eau, ni de courant. D'ailleurs, la seule chose qu'on sait faire, c'est nager avec le courant. Comme des cons. Sans aucune forme de résistance. On regarde, on ne bronche pas. Ni face à la menace, ni face aux injustices, ni aux exactions. On ne nous a jamais autant pris pour des cons. Jamais. Et de surcroît par des cons. Ces gens qui divisent, dirigent, tyrannisent. Eh oui, parce que ce qui empêche les gens de vivre ensemble, ce ne sont pas leurs différences, c'est leur connerie. Il suffit de regarder autour de nous, là, à quelques kilomètres, pour réaliser que la connerie a pris le pouvoir. La connerie absolue, mêlée à l'horreur absolue, on n'aura jamais rien fait de pire. Nous sommes au-delà de tout raisonnement. De toute logique. On ne peut pas avoir une cervelle intacte pour vendre des balivernes comme la promesse d'un paradis, ou la mort au nom de Dieu. On a forcément pété une durite pour en être aussi convaincu. C'est ce qui rend la situation encore plus indigeste. On ne se fait pas avoir par des gens intelligents, sinon on avalerait plus facilement les couleuvres. Aussi cruelle soit l'intelligence, elle inspire un minimum de respect. La connerie, a contrario, insupporte. Donc, au lieu de ça, on ne gobe que des vers de terre. Élégant. Mais c'est toujours comme ça. Ce sont toujours les cons qui l'emportent. Ils sont plus nombreux.
Franchement, n'aurait-on pas mieux fait de faire partie de ce surnombre ? D'être vraiment con. Pas de faire semblant, ni d'y jouer. D'être un véritable imbécile. Une ravissante idiote. Au sens noble du terme. Un petit con, une grosse conne – même si ça ne s'accorde pas. On se sentirait moins seul(e). Bien moins seuls. Faut imaginer le concept. Un QI à la Forrest Gump. Un QI de limace, en un peu plus rapide. Déjà, on pourrait courir plus vite. Prendre nos jambes à notre cou. Un QI moins que moyen. Average quoi. Qui nous permettrait de bosser un peu. Sans prise de tête. Parce qu'il faut l'admettre, la dépression et autres crises existentielles, les cons n'en font pas. Non, ils ne se posent pas trois cent cinquante mille questions sur le pourquoi du comment. Sur la nature humaine, sur la liberté. Ils n'ont pas les velléités de changer le monde. Ces cons-là, pas ceux qui nous écrasent, ne font pas semblant. Ils ne savent pas qu'ils sont cons. Le royaume des cieux appartient aux simples d'esprit. Niyyelon. On ne peut que les envier. Honnêtement, on n'aurait pas été mieux si on avait été eux? Si on se levait le matin sans boule d'angoisse. Si on se levait le matin sans penser à rien. Sans avoir rien de grand à faire. Juste effectuer sa tâche quotidienne. Puis rentrer le soir. Se planter devant la télé et regarder un jeu à la con. Puis une émission, le Jerry Springer Show. La connerie dans toute sa splendeur. Des couples se déchirent, se trompent, se tapent dessus, le tout monté de toutes pièces. On n'y croit pas une seconde. Comme on ne croit pas à une partie de catch. Une partie de fausses bastons qu'on regarderait avec plaisir en gémissant des aïe et des ouilles. Rien de plus au programme. Peut-être un jeu de cartes. La bataille. Pas navale. Le As qui mange le Roi. L'égalité des huit de pique et de cœur. Avant de dormir, on se lirait un bon roman pourri, au style littéraire frôlant celui d'une blague Carambar. Un livre facile, une sorte d'ersatz de Oui-Oui mais pour adultes. Le journal télé, on l'aurait zappé parce que, de toutes les manières, on n'y comprend pas grand-chose. On préférerait Jarass et ses potins salaces, de loin plus intéressants. Nul besoin de le planquer derrière un numéro du Nouvel Obs, on n'aurait pas honte de nos goûts, parce qu'on ne saurait pas que c'est con. Tous les goûts sont dans la nature, les nôtres seraient logés ailleurs. Chanteurs commerciaux de bas étages, films de Steven Segal et séries B où tout le monde trahit tout le monde. Et on serait passé de jeune à vieux con, en avançant à reculons. Le pied!
CD, DVD - Un peu plus de...
L’art d’être con
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 11 octobre 2014 à 00h00
EST-CE PARFOIS... DON... D'ÊTRE CON ?
05 h 18, le 12 octobre 2014