Les yeux ont beau être tournés vers Djeddah où doit se tenir aujourd'hui une réunion sécuritaire arabo-américaine, en présence de la Turquie, pour lutter contre « l'État islamique », le sentiment général chez le 8 Mars est qu'il ne faut pas s'attendre à des changements importants. Le fait que les États-Unis et leurs alliés arabes continuent d'exclure l'Iran, la Syrie de Bachar el-Assad et la Russie de cette réunion montre, selon le 8 Mars, qu'il n'y a pas de volonté sérieuse d'en finir avec l'EI. Il s'agit simplement de limiter son expansion et ses effets négatifs, d'autant qu'il a commencé à provoquer un certain chaos non seulement à la porte d'Erbil, en Irak, mais aussi en Arabie saoudite même, affirment les sources du 8 Mars. Celles-ci sont ainsi convaincues que les États-Unis continuent de vouloir jouer la carte des groupes terroristes pour affaiblir l'axe dit de la résistance, l'expérience de Mossoul ayant été concluante, puisque, selon eux, elle a poussé l'Iran à lâcher Nouri al-Maliki.
De plus, toujours selon les sources du 8 Mars, on ne peut pas prétendre combattre l'EI en Irak, tout en le laissant se propager en Syrie, sachant que ce groupe a ouvertement un projet expansionniste qui ne tient pas compte des frontières. Mais, en même temps, ajoutent les mêmes sources, il faut savoir sur qui s'appuyer pour lutter contre ce groupe. Les récentes tentatives saoudiennes et qataries de redorer le blason de certaines factions islamistes en Syrie apparaissent, pour les sources du 8 Mars, comme une manœuvre grossière dont l'objectif n'échappe à personne. Il s'agit d'échanger la casquette de l'EI pour la remplacer par celle du Front al-Nosra ou encore celle du Front islamique, etc. Mais quelle que soit l'appellation, le contenu et l'origine sont les mêmes : il s'agit d'islamistes extrémistes venus du monde entier et financés par les réseaux saoudiens, qataris et turcs, soulignent également les sources précitées.
Les milieux du 8 Mars sont convaincus qu'aujourd'hui encore, l'EI dérange les États-Unis et leurs alliés en Irak, mais pas en Syrie, où l'Arabie saoudite en particulier pense qu'il est possible de renverser le régime d'Assad avec ces groupes islamistes, après avoir changé leur nom. La Jordanie est ainsi appelée à ouvrir ses terrains d'entraînement pour de nouveaux combattants qui n'agiraient pas sous le label de l'EI, tout en ayant les mêmes convictions, puisqu'il est apparu tout au long des trois dernières années que le seul moyen de mobiliser les combattants contre le régime syrien est l'utilisation de la fibre extrémiste.
Même Israël est arrivé à cette conclusion puisqu'il aide sans vergogne les combattants islamistes dans la région de Quneitra dans l'espoir qu'ils puissent instaurer une sorte de zone tampon entre le Golan occupé et le territoire contrôlé par le régime et permettre ainsi aux Israéliens d'influer directement sur la situation en Syrie.
Avec cette approche, les sources du 8 Mars balaient le vent d'optimisme qui avait soufflé sur la région depuis le départ de Nouri al-Maliki et la désignation de Haïdar Abadi à sa place. Ce changement à la tête du gouvernement en Irak avait en effet été perçu comme le début d'un déblocage régional et la concrétisation d'une reprise de contact entre l'Arabie saoudite et l'Iran. La visite du ministre adjoint des Affaires étrangères iranien Hussein Amir Abdel Lahyan à Riyad s'était inscrite dans ce sens, mais le déblocage entre les deux pays n'a pas été aussi rapide que prévu et le coup de frein est venu de Téhéran qui a annoncé par la voix de son ministre des Affaires étrangères que le plus facile serait de tenir une réunion bilatérale entre lui et son homologue saoudien en marge de la session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies.
Depuis, les États-Unis et leurs alliés se préparent à créer une vaste alliance contre le terrorisme de l'EI en ignorant totalement l'Iran, le régime syrien et même la Russie. Les États-Unis qui prennent dans le courant de ce mois la présidence du Conseil de sécurité chercheraient même à faire adopter une nouvelle résolution placée sous le chapitre VII autorisant des frappes aériennes de l'alliance en gestation contre des positions de l'EI en Syrie. Ce qui sera considéré comme une agression contre la Syrie, selon le ministre syrien des AE Walid Moallem si une telle initiative n'est pas coordonnée avec le régime syrien. Même le ministre russe des AE Serguei Lavrov laisse entendre que son pays pourrait opposer un veto à une telle résolution si la Syrie n'est pas d'accord.
Autrement dit, le bras de fer se poursuit, cette fois sous couvert de lutte contre le terrorisme et la partie qui se joue dans la région avec des acteurs régionaux et internationaux est loin d'être terminée.
Liban - Décryptage
Méfiance du 8 Mars à l’égard de la coalition en gestation pour frapper l’EI
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 11 septembre 2014 à 00h00
C'EST COMME SI LE LOUP DEVAIT EN GÉNÉRAL, SE MÉFIER DE L'AGNEAU !
05 h 24, le 12 septembre 2014