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Moyen Orient et Monde

« Je suis venu prier pour que les yazidis puissent retourner chez eux à Sinjar »

Dans le temple de Lalish, un garçon embrasse les tissus colorés qui recouvrent la sépulture de cheikh Badr, un saint yazidi. Ahmad al-Rubaye/AFP

Dans le temple de Lalish, centre spirituel de la minorité irakienne yazidie, Ezdan Omar jette un bout de tissu rouge sur un autel, dans l'accomplissement d'un rite visant à exaucer son vœu de retourner dans la ville d'où l'ont chassé les jihadistes.

L'étoffe doit retomber sur la plus haute pierre de l'édifice pour que la prière de ce jeune garçon soit entendue, selon les croyances des yazidis, une communauté kurdophone non musulmane violemment prise pour cible par le groupe sunnite ultraradical État islamique (EI) dans son offensive sur le nord de l'Irak. Alors que de nombreux adolescents prieraient pour voir exaucer d'intimes rêves amoureux, Ezdan n'a en tête que les exactions dont ont été victimes ces coreligionnaires chassés de chez eux, enlevés par les jihadistes ou assiégés sur une montagne sans eau ni nourriture. « Je suis venu prier pour que l'oppression cesse, que les yazidis puissent retourner chez eux à Sinjar », le bastion de la communauté dans le Nord irakien, explique ce garçon de 14 ans aux cheveux bouclés.

(Repère : Tout ce qu'il faut savoir sur l'Etat Islamique)


En compagnie de trois amis, Omar accomplit le pèlerinage que chaque croyant doit faire au moins une fois dans sa vie dans ce temple abritant la tombe du plus important saint yazidi, cheikh Adi, à 60 km au nord de Mossoul, la deuxième ville irakienne, désormais contrôlée par l'EI. Les quatre enfants évoluent dans la pénombre, respectant les nombreuses règles imposées par la sacralité du lieu : s'incliner devant la tombe d'un autre saint, cheikh Badr, en embrassant les tissus colorés qui recouvrent la sépulture ou encore ne pas poser le pied sur le seuil des portes. Ils descendent les marches d'un escalier interdit aux non-yazidis pour aller boire l'eau d'une source sacrée, tandis que résonnent dans le hall principal des prières désespérées. « Ô cheikh Adi, je t'en prie, libère-nous, libère le peuple de Sinjar », implore une vieille femme les cheveux recouverts d'un ample voile blanc.

« Le yazidisme survivra »

Depuis le 3 août, quelque 200 000 yazidis ont été chassés de chez eux, la plupart de la région de Sinjar qui abrite plusieurs lieux saints. « Si Dieu le veut, nous retournerons chez nous un jour, nous retournerons vers nos temples », espère Fadhel Khalaf, un jeune prêtre égrenant un collier de prière. « Nous avons été chassés de Sinjar, mais même si (les jihadistes) viennent jusqu'ici, je préfère mourir dans ce temple que quitter l'Irak », assure l'homme barbu assis sur un tapis de laine.

(Lire aussi : Syriens et Irakiens pris en otage entre « la tyrannie de l’ordre et la tyrannie du chaos »)


Dans le village voisin de Chaikhan, le fondateur du Centre culturel yazidi, Eido Baba Cheikh, déplore l'incompréhension qui entoure sa foi. Cette minorité kurdophone est connue pour adorer une divinité associée par les musulmans au diable et parfois représentée par un paon majestueux.Le yazidisme, selon Eido Baba Cheikh, est une religion monothéiste, même si le culte des anges y tient une place importante. « Nous croyons que toute chose, qu'elle soit bonne ou mauvaise, vient de Dieu, alors nous ne pensons pas que le chef des anges puisse être mauvais », explique-t-il à l'AFP. « Le yazidisme existe depuis la nuit des temps. Il existait avant l'islam », poursuit-il, précisant que la foi et les rituels ont été ravivés par cheikh Adi au XIIe siècle. « On ne sait pas exactement d'où il était originaire, mais certains disent qu'il était d'un village près de Baalbeck, dans l'est du Liban », ajoute ce quinquagénaire vêtu d'un costume-cravate foncé. « Les yazidis portent leur foi dans leur cœur, où que nous soyons, même si nous devons quitter l'Irak, le yazidisme survivra », assure-t-il, énumérant les persécutions dont a été victime sa communauté.


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