Les États-Unis ont maintenu la pression hier sur les jihadistes de l'État islamique en lançant de nouvelles frappes dans le nord de l'Irak après l'onde de choc provoquée à travers le monde par la décapitation du journaliste américain James Foley. En effet, l'armée américaine a mené six nouvelles frappes contre des positions des insurgés aux environs du barrage stratégique de Mossoul, la deuxième plus grande ville du pays, repris dimanche à l'EI par les forces kurdes et irakiennes. Depuis le début des bombardements, le 8 août, 90 frappes aériennes ont été menées en Irak, selon le commandement américain chargé de la région.
Le discours mercredi de Barack Obama a marqué les esprits. Les analystes remarquent à ce propos qu'il choisit toujours ses mots avec soin. En affirmant que l'État islamique « n'a pas sa place au XXIe siècle », le président américain érige la lutte contre ces jihadistes ultraradicaux en priorité, mais soulève aussi des questions sur sa stratégie en Irak. En effet, pour Stephen Biddle, spécialiste des questions de défense au sein du Council on Foreign Relations, le succès des frappes initiales, deux ans et demi après le retrait des troupes américaines d'Irak, ne doit cependant pas masquer les difficultés à venir. « Dans ce type de guerre, les premières frappes ont toujours un effet immédiat, car elles permettent de détruire des cibles pas ou peu protégées », souligne-t-il. Mais une fois que les combattants s'adaptent, dispersent leurs équipements militaires et se mélangent à la population civile, la donne change profondément. « Cela ne signifie pas que les frappes deviennent inutiles, mais elles sont de moins en moins efficaces », explique-t-il, rappelant que les frappes aériennes bien plus importantes menées au milieu des années 2000, avec à l'époque des troupes au sol, n'avaient pas permis de mettre fin au conflit. De plus, si le Pentagone répète à l'envi que les objectifs sont clairement délimités, leur définition – aide humanitaire et protection des installations américaines et des Américains – laisse une marge d'interprétation importante. Ainsi, les militaires américains ont justifié les frappes menées pendant plusieurs jours aux abords du barrage de Mossoul par le risque qu'une éventuelle explosion du barrage aurait fait courir aux populations civiles en aval, potentiellement jusqu'à Bagdad. « La grande question est : jusqu'où le président Obama ira-t-il ? » demande Max Boot, du Council on Foreign Relations dans le magazine Commentary. « Au-delà de la protection des yazidis et de la reprise du barrage de Mossoul, nous avons besoin d'une stratégie pour annihiler l'EI », ajoute cet historien spécialisé dans les questions militaires, qui plaide pour l'envoi de 10 000 soldats et conseillers militaires, et le renforcement significatif des frappes aériennes. Selon un responsable américain, le Pentagone envisage d'envoyer quelque 300 soldats supplémentaires en Irak, ce qui porterait à environ 1 150 le nombre de soldats et de conseillers militaires présents dans le pays.
« Crimes sauvages »
De son côté, le président français François Hollande a appelé hier à une large mobilisation internationale. « Ce n'est pas simplement un groupe terroriste comme hélas on en a connu, dispersé, éparpillé, avec plusieurs chefs, c'est une entreprise terroriste qui a décidé d'asservir, d'annihiler, d'anéantir », a-t-il expliqué lors d'une visite à la Réunion, dans l'océan Indien. « Si le monde ne s'organise pas par rapport à ce groupe, il y aura d'autres images aussi effroyables », a-t-il poursuivi, rappelant sa proposition de prochaine conférence internationale « contre l'État islamique et surtout pour la sécurité en Irak ». Pour rappel, la vidéo diffusée sur Internet et intitulée « Message à l'Amérique » montre un homme s'exprimant en anglais avec un accent britannique, masqué et habillé de noir, qui semble couper la gorge de James Foley, enlevé en novembre 2012 en Syrie. Le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré qu'il était « de plus en plus probable » que le bourreau non identifié soit un Britannique. Pour le chef d'Interpol, Ronald Noble, cette implication probable d'un Britannique démontre « une nouvelle fois la nécessité d'une réponse multilatérale contre la menace de terreur de combattants radicalisés transnationaux » au Moyen-Orient.
Les images de l'exécution ont provoqué la révulsion et le début d'une mobilisation plus large des pays occidentaux et ont aussi choqué le pays musulman le plus peuplé du monde, l'Indonésie. En effet, le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, a jugé la violence des jihadistes « humiliante » pour les musulmans. De leurs côtés, Berlin et Rome se sont dit prêts à faire comme Washington et Paris, en livrant des armes aux forces kurdes pour les aider à repousser l'offensive jihadiste dans le nord de l'Irak. La présidence tunisienne a vivement condamné hier les « crimes sauvages » de l'EI, jugeant que cette organisation représentait « un danger pour tous les États de la région ». Le Qatar a également condamné hier la décapitation du journaliste américain, dénonçant « un crime contraire aux principes de l'islam ».
(Source : AFP)