« Au vu du contexte sécuritaire extrêmement tendu que nous vivons aujourd'hui, combiné à des défis économiques majeurs, le débat autour de la grille des salaires est hors propos », affirme le président de l'Association des commerçants de Beyrouth (ACB), Nicolas Chammas, dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour. Et pourtant, depuis trois ans, M. Chammas comme la majorité des représentants du secteur privé ne se sont pas prononcés radicalement contre ledit projet de loi dans l'absolu, mais n'ont cessé de mettre en garde des conséquences économiques « désastreuses », selon eux, s'il venait à être adopté tel que voulu par les syndicats.
Voilà des mois que les députés planchent sur les moyens de financer cette grille des salaires, qui coûterait à l'État environ 2 000 milliards de livres. À ce jour, seules 1 350 milliards de livres sont « théoriquement » assurées. Mais selon M. Chammas, il n'y a que 850 milliards qui le sont vraiment et qui équivalent à la hausse pour la cherté de vie, que les fonctionnaires touchent déjà depuis le 1er février 2012. « Les recettes que les députés imaginent pouvoir récupérer sont purement fictives car liées à la croissance, à l'investissement et à la consommation, qui sont en net recul depuis des mois et qui ne vont pas s'améliorer de sitôt », estime le président de l'ACB. « L'État prévoit de récupérer des recettes en taxant les immeubles verts, mais la construction de ces derniers n'a même pas commencé ! » cite-t-il en exemple.
Quelques solutions envisageables
Pour M. Chammas, des solutions existent, « mais il faut que les syndicats acceptent de faire des compromis et que l'État opte pour la mise en place de vraies réformes ». Ainsi, pour que la grille des salaires soit adoptée sans menacer l'économie nationale d'effondrement, il met en avant plusieurs solutions.
La première, réduire le montant total de la grille de 2 000 milliards à 1 750 milliards de livres et d'échelonner son paiement sur trois ans. Ensuite, il préconise une TVA unique à 1 %, « qui apporterait des recettes de 300 milliards de livres et qui de toute façon ne concerne pas les produits de première nécessité, les loyers, l'éducation ou la santé ».
M. Chammas déplore par ailleurs le financement par le biais d'une augmentation des impôts. « Il faut que l'État s'attable plutôt à réduire des dépenses courantes qui atteignent 22 000 milliards de livres », indique-t-il. « Ainsi, une réduction minime, ne serait-ce que de 2 %, grossirait les caisses de quelque 400 milliards de livres », ajoute-t-il. Cela pourrait se faire, selon lui, en mettant en place un partenariat public-privé pour gérer Électricité du Liban (EDL) par exemple, qui saigne les comptes publics de façon démesurée.
Enfin, le président de l'ACB insiste sur la nécessité pour l'État d'améliorer la collecte d'impôts. « L'économie parallèle représente environ 20 % du PIB, qui génère 10 000 milliards de livres de recettes fiscales », indique M. Chammas. « Ainsi, l'État perd environ 2 000 milliards de livres tous les ans. Si la collecte s'améliorait d'un cinquième, c'est automatiquement 400 milliards de livres supplémentaires disponibles », explique-t-il.
Mais avant de s'attarder sur ces points, M. Chammas souhaiterait que « la priorité absolue soit l'adoption du budget 2014 avec ses tenants et ses aboutissants, et non le vote de la grille des salaires qui vienne cannibaliser les recettes de l'État ». « La principale inquiétude du secteur privé reste liée à la peur de voir cette grille des salaires rompre les équilibres économiques et financiers, précaires, du pays », conclut-il. Des mots qu'il espère être pris en compte par les députés dans les jours qui viennent.