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À La Une - histoire

Août 1914 : le tocsin annonçant la guerre pétrifie la France

Porté par le sentiment, quasi-unanime, d'avoir à se défendre contre une agression, le pays entre en guerre avec détermination.

Plus de 3,5 millions de Français de 20 à 48 ans vont se retrouver en quelques semaines sur le front.

Quand, le dimanche 2 août 1914, le tocsin a sonné, "tout le monde s'est arrêté, pétrifié. On avait compris", raconte le jeune breton Louis Maufrais, alors étudiant en médecine. Surtout qu'au loin, d'autres cloches tintent à un rythme inhabituel, précipité, dans le silence de la campagne. Elles appellent à la mobilisation, décrétée la veille, faisant peur aux mieux informés, surprenant la plupart des paysans tout occupés à leurs moissons. Au son du tocsin, des hommes accourent parfois avec des seaux, pensant à des incendies.

Les paysans - près de la moitié des conscrits - s'inquiètent pour leurs terres et leurs troupeaux. En fait, les femmes se débrouilleront pour que le travail soit fait, avec un rendement aussi élevé que l'année précédente. Il en sera de même en 1915.
Dans les villes, où on a suivi en juillet l'angoissante montée de la crise, on a commencé à retirer de l'argent des banques et à stocker de la nourriture.

On assiste aussi à des manifestations patriotiques. Portée par le sentiment, quasi-unanime, d'avoir à se défendre contre une agression, la France entre en guerre avec détermination.
Le 2 août, le jeune Maurice Maréchal, futur grand violoncelliste, cité dans le livre "Paroles de poilus", résume le sentiment général : "J'ai pris la résolution d'agir en Français. (...) J'ai été à l'infirmerie, je serai du service armé et, si on touche à la France, je me battrai".

Le premier bombardement aérien
Le 3 août, le IIe Reich déclare la guerre à la France. Une heure avant la déclaration officielle, un avion allemand survole Lunéville, en Lorraine française, et largue 6 bombes sur la ville : c'est le premier bombardement aérien de la guerre. Il ne tue personne.

Le même jour, Louis Maufrais reçoit sa feuille de route. Il va bientôt grimper dans un tortillard en gare de Dol-de-Bretagne pour aller rejoindre son unité à Saint-Lo, non loin de là en Normandie. A l'époque, écrit-il dans son récit "J'étais médecin dans les tranchées", "nous nous faisions de la guerre une idée très sommaire, sans doute un peu puérile".

Certains départs donnent lieu à des manifestations festives où l'alcool coule à flot, mais les larmes ne sont jamais loin. Le plus souvent, les adieux se font dans le silence, avec la conviction de rentrer au bercail avant Noël.
"Mon père nous a embrassés et nous a dit +à bientôt+. Son départ n'était pas tragique du tout. On ne se rendait pas compte de ce qu'allait être cette guerre-là. On défendait la France", a raconté à l'AFP en 2014 Elisabeth Félix-Faure, 103 ans.

Comme Louis, Maurice ou le père d'Elisabeth, des dizaines de milliers de Français vont se débrouiller pour rejoindre leur régiment dans les meilleurs délais. Là, on leur remet tenue de guerre et paquetage : fusil de cinq kilos, baïonnette, étuis à munitions, gourdes, chaussettes, chemise de rechange, musettes remplies de vivres de réserve.

 

 

 

"A Berlin!"
Dans les grandes gares, des milliers de fantassins montent dans les trains gribouillés de craie par des fiers-à-bras : "A Berlin ! Mort aux Boches !". Sur les quais de la gare de l'Est, à Paris, les "Marseillaise" se succèdent presque sans interruption et on chante, surtout pour se rassurer : "On part couper les moustaches à Guillaume !" - l'empereur allemand.

En dépit de ces manifestations largement exploitées par la propagande de l'époque, les mobilisés firent "rarement" preuve d'enthousiasme, souligne l'historien Jean-Jacques Becker, un des premiers à s'être intéressé, à partir des années 60, à l'histoire des Français -plus que de la France- dans la Grande Guerre. "Contrairement à l'idée reçue, dit-il, ils ne sont pas partis à la guerre +la fleur au fusil+, insouciants et joyeux".

Plus de 3,5 millions de Français de 20 à 48 ans vont ainsi se retrouver en quelques semaines sur le front.
On réquisitionne aussi des animaux, essentiellement des chevaux essentiels pour déplacer une armée encore très peu motorisée.
La mobilisation est un succès: les insoumis ne sont qu'1%. Encadré par un gendarme, un instituteur ou un curé, "tout homme est enjoint de remplir son +devoir +", explique Jean-Jacques Becker.

"Le départ à la guerre a d'abord un caractère d'évidence", note l'historien André Loez qui rappelle que "des décennies de service militaire et de scolarisation obligatoires ont construit des habitudes d'obéissance qui assurent un conformisme social minimal".

Même les pacifistes d'hier sont saisis par le patriotisme ambiant. Le 2 août, dans son hebdomadaire "La guerre sociale", Gustave Hervé, antimilitariste virulent, demande au ministre de la Guerre d'être incorporé "par faveur spéciale, dans le premier régiment d'infanterie qui partira pour la frontière". Fin août, des pacifistes comme les socialistes Marcel Sembat et Jules Guesde rejoindront le gouvernement de René Viviani, répondant au mot d'ordre lancé le 4 par le président Raymond Poincaré: "Rien ne viendra briser devant l'ennemi l'union sacrée des Français".

 

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