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Moyen Orient et Monde - Libye

Un Libanais évacué de Libye témoigne : « Les milices islamistes ne représentent pas du tout le pays »

Depuis Athènes, un Libanais raconte ses derniers jours à Tripoli, en proie à des combats meurtriers.

Plusieurs ressortissants étrangers ont fui la Libye, en proie à des violences meurtrières. Hani Amara/Reuters

Théâtre de combats meurtriers incessants impliquant des milices armées, la Libye inquiète les capitales occidentales qui aimeraient bien voir leurs ressortissants quitter le territoire dans les plus brefs délais. Et c'est dans ce contexte tendu d'évacuations et de fuite d'étrangers, L'Orient-Le Jour est entré en contact avec un Libanais qui a vécu l'angoisse des affrontements sur place.

S'exprimant sous couvert d'anonymat depuis Athènes, le directeur d'une compagnie libanaise pour l'environnement et le pétrole implantée depuis près de trois ans à Tripoli raconte comment il a réussi à sortir de la Libye. Installé de façon permanente depuis plus d'un an dans la capitale même, l'homme avoue que c'est la première fois que les combats dégénèrent au point qu'il a fallu plier bagages.

Bien que la situation commençait à empirer de jour en jour à Tripoli, l'attaque sur l'aéroport qui a déclenché tout cela était presque une surprise. « C'est soudainement qu'ils ont commencé à attaquer l'aéroport. Heureusement que les locaux de nos bureaux étaient situés à une vingtaine de kilomètre de là. Cela a évité beaucoup de dégâts. »

(Lire aussi : A Beyrouth, les réfugiés irakiens surmontent leurs difficultés grâce au clergé libanais)

Face à cette escalade de violences, les gouvernements européens ont alors demandé à leurs ressortissants de quitter le territoire par tous les moyens possibles. Soit par la route, via la Tunisie voisine à 170 km de Tripoli, soit par air, via l'aéroport de Maitiga qui accueille encore des avions de lignes africains et libyens et qui desservent l'Égypte et la Tunisie, selon notre source. « Pour l'instant, cet aéroport est encore épargné par les conflits. Mais jusqu'à quand ? Nul ne le sait », indique l'homme d'une cinquantaine d'années, qui s'est retrouvé après plusieurs tentatives infructueuses et quelques jours d'une attente anxieuse dans un avion libyen affrété par le gouvernement maltais direction Malte. « Dans l'avion il y avait 70 % de Chinois. Je me suis retrouvé avec les employés de la compagnie Petrochina qui a évacué la totalité de son staff. »

Avant d'embarquer pour des terres plus sûres, le consultant en ingénierie a affirmé que sa vie se déroulait normalement. Le soir, il se permettait même un petit café dans le restaurant du coin, « toujours accompagné de Libyens », évidemment. Il note cependant une forte hausse du prix des denrées alimentaires et un manque important de carburant dans toute la capitale, ce qui l'a obligé à limiter presque à l'extrême ses déplacements. Pas de risques donc pour les citoyens ? Même si les combats se concentrent majoritairement autour de l'aéroport, le Libanais évoque des « risques directs », comme par exemple recevoir un obus non ciblé dans sa rue, et des « risques indirects », comme les kidnappings pour rançons ou raisons confessionnels. « Il y a une semaine, ils ont kidnappé un Philippin et lui ont tranché la tête », raconte-t-il.

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Précipiter les choses

En tant que directeur de compagnie, comment a-t-il assuré la sécurité de ses employés ?
« Heureusement pour nous, nous n'avions aucun étranger dans nos rangs. Mes employés sont tous Libyens, et je n'ai donc pas eu à gérer d'évacuation. La majorité d'entre eux se sont retirés dans leur village d'origine. Mais pour la compagnie ce n'était pas vraiment un problème. En période de ramadan, tout marche au ralenti et la ville était déjà pratiquement vide. Les combats n'ont fait que précipiter les choses. »
A-t-il lui-même, puisqu'il est étranger, subi des pressions, ou s'est-il senti menacé ? « En tant que Libanais, j'ai été très bien reçu ici. J'aurai peut-être été encore mieux accueilli si je n'étais pas chrétien, mais je ne peux pas dire que j'ai été persécuté ou menacé. »

Avant de raccrocher, le Libanais se permet une petite analyse politique. Il aborde les dernières élections législatives qui ont témoigné du réveil de la société civile. « La société civile en Libye est très croyante et pratiquante, mais est contre l'extrémisme sous toutes ses formes. Les milices islamistes qui troublent le pays ne représentent pas du tout la Libye ; bien au contraire, elles se basent sur des idées venues de l'étranger, et dans leurs rangs vous trouverez des Tchétchènes très puissants alliés à Ansar el-Sharia. » Et d'ajouter : « Les milices islamistes qui tiennent le terrain ont peur de la société civile. C'est justement parce qu'ils se savaient défaits politiquement que ces miliciens ont décidé de frapper l'aéroport », précise-t-il.

Son raisonnement connait d'ailleurs un écho chez les experts libyens pour qui ces combats participent d'une lutte d'influence entre courants politiques, après les législatives du 25 juin. Se voyant dépassé politiquement, les islamistes tentent désormais de marquer des points sur le plan militaire.


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