Les jihadistes de l'EI (Etat islamique) ont-ils vraiment ordonné que toutes les femmes âgées de 11 à 46 ans en Irak subissent des mutilations génitales? Telle est la question qui se posait vendredi, de nombreux journalistes remettant en question l'annonce faite en ce sens par l'ONU jeudi.
"C'est une fatwa de l'EI, nous venons d'en être informés", a déclaré jeudi depuis l'Irak Jacqueline Badcock, numéro 2 de l'ONU en Irak, lors d'une videoconférence organisée à Genève.
Dès l'annonce de cette nouvelle, plusieurs correspondantes de presse anglophones au Moyen-Orient ont fait part de leurs doutes, via leurs comptes Twitter, sur cette "fatwa" évoquée par l'ONU. Selon elles, leurs contacts en Irak n'ont jamais entendu parler d'une telle "fatwa".
La responsable du bureau du Caire de la radio publique américaine NPR, Leila Fadel, a ainsi tweeté que des résidents de Mossoul, dont un docteur et un leader tribal, n'avaient jamais entendu parler de cette "fatwa".
#UN statement that #ISIS issued fatwa calling 4 FGM 4 girls is false residents of Mosul say includng a doctor, jourrnalist and tribal leader
— Leila Fadel (@LeilaFadel) July 24, 2014
Même commentaire de la part de Jenan Moussa, reporter au Proche-Orient pour Al Aan TV.
My contacts in #Mosul have NOT heard that "Islamic State" ordered FGM for all females in their city http://t.co/kQFWKwGeLf
— Jenan Moussa (@jenanmoussa) July 24, 2014
Charles Lister, de la Brookings Doha Center, note également que beaucoup d'informations contradictoires circulent sur ce sujet.
PTs: Without any evidence (so far, none), I’d say UN may have fallen victim to politically-motivated info from #Iraq. Doesn’t fit IS model.
— Charles Lister (@Charles_Lister) July 24, 2014
The Independent rapportait aussi, de son côté, que Shiraz Maher, chercheuse au King's College de Londres et spécialiste du Moyen-Orient avait étudié une reproduction de ce qui était censé être la fatwa ordonnant des mutilations génitales, et avait conclu, avant l'annonce de l'ONU, qu'il s'agissait d'un faux, probablement diffusé par des groupes opposés à l'Etat islamique.
Interrogé par l'AFP un porte-parole de l'ONU à Genève a indiqué que des "vérifications" étaient en cours en Irak, et qu'en attendant leurs résultats, "rien n'était changé".
Mme Badcock a organisé jeudi une vidéoconférence sur la situation en Irak pour la presse à Genève, après avoir informé les Etats membres de l'ONU. Elle a également indiqué n'avoir pas de précisions sur le nombre de femmes concernées. Elle a néanmoins cité une estimation du Fonds des Nations unies pour la population, selon lequel "4 millions de filles et de femmes pourraient être affectées". Les mutilations génitales étaient jusqu'à présent peu fréquentes en Irak et ne concernaient que "quelques régions isolées".
La responsable de l'ONU a par ailleurs indiqué qu'il ne restait plus "qu'une vingtaine de familles chrétiennes à Mossoul", soutenues par des ONG, notamment Caritas. Certaines de ces familles se sont converties à l'islam, les autres ont préféré payer l'amende imposée par l'EI, a-t-elle indiqué.
Il n'en demeure pas moins que l'Etat islamique est l'auteur revendiqué de multiples exactions (exécutions de soldats, crucifixions d'opposants, arrestations arbitarires, persécutions de minorités...), aussi bien en Irak qu'en Syrie.
Lire aussi
« En empêchant le plaisir des femmes, on est sûr qu'elles n'iront pas voir ailleurs »
Tourisme et lune de miel dans le "califat" islamique d'Irak et de Syrie
"C'est une fatwa de l'EI, nous venons d'en être informés", a déclaré jeudi depuis l'Irak Jacqueline...