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Culture - Rencontre

Walid Moussallem, nouveau directeur du CNSM, entre piano et livres de philo...

À cinquante-cinq ans, Walid Moussallem, originaire de Zahlé, est propulsé, par intérim, à la tête du Conservatoire national supérieur de musique avec ses deux volets d'orchestres occidental et oriental. Entretien pour parler, bien entendu, musique et administration, mais aussi pour découvrir un pianiste doublé d'un humaniste.

Walid Moussallem, un amant des touches d’ivoire, prend les rênes du CNSM. Photos Michel Sayegh

Costume sombre, chemise claire, cravate, cheveux sel et poivre sagement peignés, silhouette frêle, un français impeccable, Walid Moussallem est une figure bien connue des mélomanes. D'abord, pour ses concerts de piano, ensuite, pour sa direction de musique de chambre. Aujourd'hui, il prend les rênes du pouvoir d'une prestigieuse institution qui a plus de cinq mille élèves et de nombreux musiciens, authentique vivier d'instrumentistes professionnels, qui font la fierté du patrimoine musical libanais.
Une lourde tâche et responsabilité qui n'échappent guère au regard et à l'attention d'un homme méticuleux, ordonné et organisé, fin érudit, aussi épris du clavier que des livres. Docteur en philosophie politique de la Sorbonne (mention très honorable, précise-t-il un peu pince-sans-rire) il n'en est pas moins un amant des touches d'ivoire où il a appris au Conservatoire de Meudon l'art des gammes, des chromatismes et des nuances. Avec pour guides, entre autres, Billy Eidi, Julien Ridoré et des stages sous les férules de Pascal Roger et Abdel Rahman el-Bacha...
Côté hobby, on croise cet amoureux des œuvres de Beethoven en de grandes randonnées dans la nature, souvent en compagnie du Club des vieux sentiers, sans oublier de dire que c'est caméra au poing qu'il traverse paysages, coteaux et plaines car une de ses plus grandes passions demeure la photographie. Celle des paysages, justement, et des portraits.
Avec son diplôme supérieur de philo («une formation de l'esprit», souligne-t-il), cela reste sans nul doute un atout majeur pour savoir poser les bonnes questions. Et dans la gestion de ce remuant CNSM, cela semble d'une nécessité vitale. Tout en n'empêchant pas, pour ce polyglotte impénitent et doué, le goût de la lecture. Une lecture accentuée («pas de télé», dit-il en souriant!) car au-delà de Kant, Nietzsche, Spinoza, Derrida, Deleuze et Foucault, il y a aussi l'attachement à la littérature. De tous crins. Surtout espagnole, langue dont le musicien a acquis la maîtrise grâce à l'Institut Cervantès, assidûment fréquenté. Les Cent ans de solitude de Marquez, par exemple, a été l'objet d'un enchantement en sonorités ibériques originelles du roman...
Se positionnant en francophone chevronné, Moussallem n'en confesse pas moins être un «beethovenien» sans partage. Ce qui le touche chez le génie de Bonn, c'est sa force à évoquer la condition humaine: dans sa faiblesse comme dans sa révolte. «Cela va au-delà du mélodique», dit-il. Mais s'alignent aussi dans ses préférences les Goyescas de Granados, les Nocturnes de Chopin, les Préludes, les Fugues et les Partitas de Bach.
Fort de la confiance placée en lui, c'est l'administrateur et le musicien à la fois qui parlent: il y a urgence à faire œuvre de continuité, de pérennité. Mais aussi de rénovation. Tout en apportant la touche d'une griffe nouvelle. Et cela se place surtout sur le plan de l'enseignement sans pour autant négliger les deux orchestres. En apportant une innovation de poids: remplacer le solfège par la formation musicale qui affine l'oreille et booste l'expression corporelle.
On prend dès lors le temps pour sélectionner les étudiants dans le choix de l'instrument qui les accompagnera tout au long d'une carrière, voire d'une vie. Ce système de filtrage permettra l'éclosion d'instrumentistes plus diversifiés, plus avisés. Ainsi, il n'y aura pas de ruée sur le piano ou la guitare comme cela a toujours été le cas. Une distribution plus équilibrée est à opérer. Quant à l'organisation, la tendance est à l'amélioration, surtout la décentralisation. Avec un véritable bureau d'orientation. Les réunions avec les parents seront de rigueur comme dans toutes les écoles.
La programmation des orchestres est revisitée, renouvelée, renforcée. Avec des projets d'exportation de la musique qui se fait au Liban. Il en était grand temps! Avec un plan d'ouverture aux régions internes du pays, aux municipalités, aux ambassades étrangères. Et si Jordy Mora reste le principal chef d'orchestre invité, d'autres noms de musiciens sont déjà au haut de l'affiche et on cite les maestros Georgio Groci, Vladimir Syrenko, Juan Carlos Rivas, Emmanuel Siffert, Joanna Nachef, Daniele Rustioni, Peter Tiboris.
«La musique est toujours porteuse d'un message de paix, d'amour, de fraternité, de communication», conclut maestro Moussallem. On ne pouvait mieux dire. Et le CNSM reste une institution plus qu'honorable ou louable: elle donne aux élèves une discipline, une formation, une carrière. Et c'est avec rigueur, fermeté et amour que ces connaissances sont dispensées. Un peu de musique adoucit les mœurs, dit-on. Surtout pour un pays comme le nôtre qui en a tant besoin.
Le mot de la fin est à Dr Walid Moussallem. Fervent adepte d'une enrichissante solitude entre clavier et livres, et néanmoins grand bûcheur devant la tâche et la mission qui l'attendent, il cite sans sourciller et à bon escient ces quelques mots de Nietzsche: «Sans la musique la vie serait une erreur...».

Costume sombre, chemise claire, cravate, cheveux sel et poivre sagement peignés, silhouette frêle, un français impeccable, Walid Moussallem est une figure bien connue des mélomanes. D'abord, pour ses concerts de piano, ensuite, pour sa direction de musique de chambre. Aujourd'hui, il prend les rênes du pouvoir d'une prestigieuse institution qui a plus de cinq mille élèves et de nombreux...

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