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Moyen Orient et Monde - Égypte

« La présidence Sissi ne sera pas un retour au régime Moubarak. Ce sera pire ! »

L'armée au pouvoir sonne la fin de la révolution ; l'État sécuritaire est contesté en interne et par les USA.

Une affiche de campagne de Abdel Fattah al-Sissi couverte de peinture rouge. Mohammad Abd el-Ghany/Reuters

La semaine prochaine, l'élection très probable de Abdel Fattah al-Sissi devrait venir confirmer ce qui est presque devenu une tradition égyptienne : la mainmise de l'armée sur le pouvoir. En effet, même pendant les années révolutionnaires, celle-ci n'a jamais réellement perdu la main puisque c'est l'état-major qui a sifflé la fin de la récréation au bout de 18 jours de « révolution » en congédiant Moubarak, et c'est une junte qui a assuré l'intérim jusqu'à l'élection de Morsi. L'élection de Sissi refermerait ainsi une parenthèse incongrue dans l'histoire récente de l'Égypte, après avoir laissé l'« expérience démocratique » échouer dans les mains malhabiles et intéressées de Frères musulmans.

Le nouvel « homme fort » adoubé par le peuple égyptien a d'ailleurs répété à plusieurs reprises que l'heure n'était plus aux manifestations et à la « liberté d'expression », mais à la restauration de la sécurité et à la guerre contre les « terroristes » Frères musulmans. « L'Égypte ne peut pas connaître la vraie démocratie avant 20 ou 25 ans », a-t-il déclaré comme pour se justifier. Hier, il a appelé une dernière fois ses compatriotes à voter massivement pour montrer au monde entier qu'ils sont 40, 45 (millions) et même plus.

Répression

Ce tableau inquiète grandement les jeunes ex-révolutionnaires qui espéraient un avenir meilleur pour leur pays et redoutent aujourd'hui « une plus grande répression ». Alaa Abdel Fattah, figure de la révolte, assure à ce propos : « La présidence Sissi ne sera pas un retour au régime Moubarak. Ce sera pire ! » Alors même s'il pense comme tout le monde que l'élection est « jouée d'avance », il votera pour le leader de gauche Hamdeen Sabbahi. D'autres militants, comme le mouvement du 6-Avril, fer de lance de la révolte de 2011, récemment interdit et dont plusieurs responsables sont en prison pour avoir manifesté sans autorisation, appellent au boycott du scrutin présidentiel de lundi et mardi. « L'Égypte retrouve un président militaire », lance Amr Ali, à la tête du 6-Avril, « c'est le retour à l'ère de la répression », affirme-t-il, tout près de l'emblématique place Tahrir. Beaucoup de jeunes étaient opposés à M. Morsi et ses Frères musulmans, mais auraient voulu que son départ soit obtenu « de la main du peuple et pas de l'armée », grâce à des élections anticipées. Pour Mostafa al-Naggar, élu député indépendant après la révolte de 2011, les autorités cherchent ainsi à « écarter les révolutionnaires de la vie politique », alors qu'ils y avaient fait leur entrée à la faveur du printemps arabe.

 

Terrible bilan

Les États-Unis et l'Égypte ont ranimé leur alliance militaire stratégique, mais le couple est loin de renouer l'idylle qui a façonné la diplomatie américaine au Moyen-Orient pendant 35 ans, Washington brocardant Le Caire pour son terrible bilan en matière de droits de l'homme. Cette répression anti-islamiste a ulcéré l'administration américaine qui a réclamé l'annulation de peines capitales « insensées ». « La relation militaire sera affectée par les actions de l'Égypte (...) par le bilan de l'Égypte en matière de droits de l'homme et de libertés », a expliqué le chef d'état-major interarmées, Martin Dempsey.

Sur le terrain, le leader du groupe armé le plus meurtrier a été tué hier à l'aube. Plusieurs responsables ont confirmé la mort de Shadi el-Menei, considéré comme le chef d'Ansar Beit al-Maqdess (Partisans de Jérusalem), un groupe disant s'inspirer d'el-Qaëda et considéré par les experts comme le seule à même de déstabiliser l'Égypte. Selon certaines sources, Menei a été tué avec trois autres dirigeants du groupe quand les forces de sécurité ont ouvert le feu sur leur voiture alors qu'ils s'apprêtaient à lancer une attaque contre un gazoduc dans le centre du Sinaï. Le groupe déclaré « organisation terroriste » par l'Égypte, les États-Unis et le Royaume-Uni avait revendiqué à plusieurs reprises des attaques contre les forces de sécurité. Dans un incident séparé, un officier a été abattu et deux autres policiers blessés dans une attaque près de Rafah, dans le nord du Sinaï, selon des responsables de la sécurité.


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