Armes chimiques : la France accuse la Syrie et remonte les bretelles aux États-Unis

Le régime syrien a utilisé à 14 reprises des armes chimiques, notamment du chlore, depuis octobre, a affirmé hier à Washington le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.
« Nous avons au moins 14 éléments, qui montrent que dans les semaines récentes, des armes chimiques en plus petite quantité ont été utilisées, notamment du chlore », a déclaré M. Fabius, s'exprimant en anglais lors d'une conférence de presse. « Nous sommes en train de faire examiner les échantillons qui ont été prélevés », a-t-il précisé.

Simultanément, l'organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a aussi affirmé hier qu'il existait des preuves solides d'attaques au chlore, menées par le régime syrien dans trois villes à la mi-avril.

Laurent Fabius a néanmoins reconnu que « 92 % des armes chimiques (syriennes avaient été) détruites », sous l'égide de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) conformément à une résolution de l'ONU de l'automne dernier. Mais « nous avons beaucoup d'éléments qui nous amènent à penser qu'un certain nombre de ces armes chimiques ont été dissimulées », a accusé le ministre français.

(Reportage : Antoinette et Sobei, miraculés du Vieux Homs dévasté)

Obama aurait dû...
En visite officielle à Washington, et à la sortie de son entretien avec le secrétaire d'État John Kerry, Laurent Fabius est par ailleurs revenu sur les frappes contre la Syrie prévues l'été dernier par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni et qui avaient été abandonnées par le président Barack Obama à la dernière minute. « Nous le regrettons parce que nous pensons que ça aurait changé beaucoup de choses, à beaucoup d'égards, mais c'est un fait et nous n'allons pas reconstruire l'histoire », a-t-il affirmé devant la presse.
À l'époque, des diplomates français et américains n'avaient pas caché en privé que la décision soudaine de M. Obama de renoncer à une action militaire contre la Syrie avait provoqué l'irritation de Paris et des tiraillements entre les deux alliés.

Un haut fonctionnaire américain a aussitôt répliqué à la critique de Paris, vantant au contraire la destruction de la grande majorité de l'arsenal chimique syrien. « Rien ne prouve qu'une frappe nous aurait permis de supprimer cette quantité d'armes chimiques », a répondu ce responsable.

Autre fait marquant de cette journée, le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie Lakhdar Brahimi a démissionné, a annoncé hier le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. « C'est avec un profond regret que (...) j'ai décidé d'accepter la demande de M. Brahimi de quitter ses fonctions le 31 mai 2014 », a déclaré M. Ban à la presse en présence de M. Brahimi. M. Ban a précisé que le successeur de M. Brahimi n'avait pas encore été choisi.
M. Brahimi s'est dit « très triste de quitter son poste, et la Syrie, dans une si mauvaise situation » tandis que M. Ban fustigeait les deux camps en Syrie, le gouvernement et l'opposition armée, pour « avoir échoué » à mettre fin au conflit. M. Ban a rendu hommage aux efforts diplomatiques de M. Brahimi, notamment l'organisation des pourparlers de Genève, et à sa « grande patience et sa persévérance » malgré une mission qu'il a qualifiée de « presque impossible ».

(Reportage : « La Syrie restera l'antre des lions »)

Acte criminel
Pendant ce temps sur le terrain, aucun signe de répit des combats entre rebelles et forces du régime. Les troupes loyalistes bombardent depuis 42 jours les maisons et les quartiers de Maliha, à la périphérie de Damas, poussant les habitants à fuir. Outre les raids du régime, des accrochages ont été signalés dans différents parties de la ville. À Damas même, le régime a lourdement bombardé le quartier de Jaoubar. À Deir ez-Zor, des combats ont eu lieu entre des membres de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL, Daech) et des rebelles. À Alep, le régime a encore largué des barils d'explosifs visant quartiers résidentiels comme cité industrielle.
Toujours à Alep, et selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, les rebelles du Front al-Nosra, la branche syrienne d'el-Qaëda, ont stoppé la principale station de pompage de la ville depuis 10 jours, privant la population d'eau. Un acte criminel vivement condamné par l'Union des démocrates syriens (UDS). « Les jihadistes utilisent contre la population les mêmes méthodes que le régime de Bachar el-Assad », indique l'UDS.

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