Le pape François fait coup double avec la canonisation conjointe de Jean XXIII et Jean-Paul II, prévue le 27 avril, qui réconcilie deux sensibilités et deux images de l'Église, le pape du concile faisant contrepoids au pape globe-trotter, conservateur et charismatique.
Quand en juillet dernier, François a annoncé qu'Angelo Giuseppe Roncalli et Karol Wojtyla seraient canonisés le même jour, il a surpris, suscitant à la fois applaudissements et critiques.
Personne n'attendait aussi vite la canonisation de Jean XXIII, l'homme qui avait lancé en 1962 le concile Vatican II marquant l'ouverture de l'Église au monde moderne, avant de mourir l'année suivante.
En revanche, tout le monde savait imminente la grande fête qui déclarerait saint le pape polonais immensément populaire mort en 2005. Certains s'en félicitaient, d'autres le regrettaient.
Pour devenir saint, l'attestation d'un miracle dû à son intercession est nécessaire. Pour Jean-Paul II, béatifié en 2011, c'est le cas d'une femme du Costa Rica. Mais pour Angelo Giuseppe Roncalli, béatifié en 2000, aucun miracle n'a été annoncé.
Pourquoi François a-t-il passé outre à cette obligation ? ont déploré les légalistes au Vatican. Le pape argentin a estimé que la réputation de sainteté de Jean XXIII s'impose sans avoir besoin de miracle, une façon de s'affranchir de longues procédures minutieuses.
Beaucoup de fans polonais du pape Wojtyla ont regretté que leur héros, qui a visité le monde entier en près de 27 ans de pontificat – alors que Jean XXIII a régné cinq ans et n'a pas voyagé –, n'ait pas une fête juste pour lui.
Les partisans du pape italien font observer que le processus de canonisation de Jean-Paul II a battu les records de vitesse, Benoît XVI ayant décidé de le lancer avant le délai de 5 ans prévu, après que la foule eut crié en 2005 aux obsèques « santo subito » (« saint maintenant »). Et ils ajoutent que la sainteté de leur pape, très aimé par les Italiens, s'est imposée d'elle-même à François.
Jorge Mario Bergoglio a manifesté plusieurs fois son admiration et son affinité particulière avec le pape de Bergame (nord de l'Italie), ancien nonce à la parole chaleureuse, simple, accessible de curé de campagne.
Il a aussi fait, mais moins souvent, l'éloge du grand pape « missionnaire », « prédicateur infatigable », le définissant comme « un nouveau saint Paul », qui avait voyagé dans tout le Proche-Orient pour porter la parole du Christ. François admire aussi Jean-Paul II, ses gestes envers les exclus, mais, hostile à tout triomphalisme, a cherché dans la double canonisation à tempérer les excès du culte de la personnalité qui l'entoure.
Flair politique
En canonisant Jean XXIII, François montre surtout son flair politique pour réunir une Église divisée, analysent les vaticanistes. Alors que Jean-Paul II a représenté une papauté qui s'affirmait dans le monde, prenant position sur tous les fronts, avec des positions conservatrices en réaction à un certain laxisme de l'après-concile, Jean XXIII a incarné l'ouverture au monde, un certain optimisme, la bienveillance pour la société contemporaine qu'avait voulu manifester Vatican II.
Deux mentalités, deux époques
Jean-Paul II se réclamait lui aussi fermement de Vatican II. Et, de son côté, Jean XXIII était loin d'être un libéral sur la doctrine, ressemblant beaucoup à cet égard à François.
La double canonisation apparaît comme une manière de réconcilier deux lectures différentes et complémentaires de l'ouverture au monde exprimée par Vatican II. Et aussi deux manières d'être pape : une façon charismatique, sûre d'elle et puissante, une façon plus accessible et simple.
La double canonisation réconcilie ainsi au sein de l'Église les tendances conservatrices et réformistes qui se sont fortement opposées pendant cinquante ans.
« François montre un esprit inclusif : il s'adresse aux camps rivaux dans le monde catholique qui voient Jean XXIII et Jean-Paul II comme leurs héros, respectivement libéraux et conservateurs », a relevé le vaticaniste John Allen.
Ironie de l'histoire : Jean-Paul II avait lui aussi fait coup double en béatifiant ensemble en 2000 Jean XXIII, pape élu conservateur et devenu libéral, et Pie IX, pape d'ouverture en 1846 devenu en 1878 le pontife conservateur par excellence dans son rejet des idées modernistes.
Les plus commentés
Le domino régional ne s’arrêtera pas en Syrie
Face à l’affaiblissement du Hezbollah, que compte faire l’opposition ?
Offensive rebelle en Syrie : le Hezbollah condamné à regarder de loin ?