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Droits de la femme :les étudiants libanais s’expriment

Elle est pour lui une mère, une sœur, une cousine, une enseignante, une amie. Comment le jeune Libanais perçoit-il les droits de la femme dans son pays ? Qu'en pensent les étudiantes ? Que proposent-ils ? Éléments de réponses.

Myriam Damoury au cours de la marche organisée par le collectif féministe Kafa contre la violence conjugale, samedi passé.

« La femme doit être traitée en tant qu'égale de l'homme », assure Hussein Bassal, étudiant en droit à l'Université La Sagesse, avant de poursuivre : « La situation au Liban est très grave, surtout en ce qui concerne la violence conjugale. Tous les droits sont importants, mais ceux en rapport avec la violence sont primordiaux parce qu'ils se rapportent à la vie. Tuer sa femme froidement et rester impuni, c'est alarmant. Imaginons la situation inverse : l'homme acceptera-t-il d'être battu par sa femme ? »
Myriam Damoury, étudiante en journalisme, partage cet avis sur l'importance de l'égalité en droits. « La femme –
tout en menant une vie professionnelle comme l'homme –
donne naissance aux enfants, les élève, les éduque et s'occupe de la maison. Mais on la traite encore en 2014 comme étant inférieure à l'homme en lui interdisant de bénéficier de ses droits les plus élémentaires comme le droit à une citoyenneté complète, le droit à une représentation égale au gouvernement, le droit à une protection légale face aux violences familiales », s'exclame-t-elle.
Beaucoup de jeunes, à l'instar de Myriam et de Hussein, ne sont pas satisfaits de la situation de la femme libanaise. La biochimiste et étudiante en relations publiques, Clara el-Warrak, 21 ans, précise : « Aujourd'hui, au lieu de progresser en conférant aux femmes tous leurs droits, d'une manière complète, concrète et correcte, notre société, dite civilisée, régresse. On défavorise la femme, on la bat au point de la tuer, tout comme dans les sociétés barbares où elle était dépourvue de ses droits. »
Le sujet des violences domestiques a été le plus évoqué parmi les jeunes. Georges Saba, étudiant en 4e année de droit, explique : « La loi nationale contredit les conventions internationales et permet à l'homme de discipliner sa femme en se référant aux coutumes. » Le jeune bénévole dans l'association Insan qui défend les droits des femmes migrantes poursuit : « L'homme a toujours été considéré par la loi comme le tuteur de la femme. Si par exemple une femme battue se sauve avec son enfant de sa maison, la loi donne le droit au mari de lui arracher l'enfant sans prendre en considération le fait qu'il la battait. » Hussein Bassal réclame que « la proposition de loi de protection juridique face aux violences familiales soit approuvée très rapidement ; mais il paraît que le gouvernement a d'autres priorités ».
Qui, aux yeux des jeunes, est responsable de cette situation ?
Selon Jean-Paul Samaha, le législateur est influencé par une force suprême qui est celle des autorités religieuses. L'étudiant en droit explique : « Les pressions exercées par ces autorités sont graves, surtout que notre environnement arabe nous influence. Les associations féministes à l'instar de Kafa – qu'il faut soutenir financièrement et politiquement – font de leur mieux pour faire approuver la loi. Mais le gouvernement est léthargique et nonchalant. » Pour lui, les hommes qui tuent leurs femmes doivent être exécutés « puisqu'ils le font d'une manière préméditée ». Pamela Merheb, 19 ans, acquiesce : « Des sanctions sévères doivent être appliquées à ces assassins puisque leur acte n'affecte pas uniquement la femme, mais aussi les enfants et donc, à long terme, la société entière. » Clara el-Warrak, quant à elle, insiste : « La justice ne se limite pas à une déclaration des droits ; elle est aussi dans leur application. » « Le suivi des investigations dans les cas de violence est essentiel », assure-t-elle, avant de poursuivre : « La femme doit prendre la décision que, pour ses enfants, il lui faut supporter la violence. Au contraire, c'est pour ses enfants qu'elle doit se révolter. »
Les jeunes considèrent qu'ils peuvent jouer un rôle pour faire avancer les choses et pousser les députés à légiférer. Hussein suggère d'organiser des manifestations et des grèves ouvertes devant le Parlement. « Si ce n'est pas suffisant, on est prêt à se révolter en fermant les routes. Une telle cause le mérite », poursuit-il.

Discriminations multiples
Mazen Abou Hamdan est membre de l'association Chaml qui prône la laïcité, la réconciliation entre les sectes et la non-violence. Le jeune homme de 25 ans, diplômé en droits de l'homme, affirme : « Aujourd'hui, outre une loi de protection face à la violence familiale, le plus urgent est le code des statuts personnels, du divorce et de la garde des enfants. » Il raconte : « Parmi les cas que j'ai vus, celui d'un couple où le mari est décédé sans laisser de testament. Sa veuve n'a eu qu'un huitième de ses propriétés – sa famille à lui a hérité du reste –, même la maison où elle vivait n'était plus à elle. » Mazen estime que la femme libanaise est sous-représentée dans la sphère politique. « Les femmes, qui forment la moitié de la population, n'occupent que 2 % des sièges au Parlement. » Barbar Douaihy, 18 ans, acquiesce. « Bien que le pays compte de très nombreuses femmes qualifiées, il n' y a qu'une seule ministre dans le nouveau gouvernement », dénonce l'étudiant en droit. Les femmes elles-mêmes sont aussi responsables de cette situation, selon Élias Chaaya. L'étudiant en droit explique : « Les femmes ne se présentent pas comme candidates sérieuses aux élections et ne font pas de campagnes électorales, mais attendent qu'un homme ou un parti les prenne sur leurs listes. » Le jeune homme de 19 ans se prononce contre la mentalité orientale et espère que la nouvelle génération masculine acceptera l'égalité des deux sexes.

Oui à une citoyenneté complète
« Bien que le Liban ait ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, il a émis des réserves sur l'article 9 en rapport avec les droits des femmes de transmettre leur nationalité à leurs maris et leurs enfants », explique Georges Saba. Marie-José Azzi, activiste de 19 ans et membre de l'ONG internationale GNRD (Global Network for Rights and Development) qui s'intéresse aux droits de l'homme et des enfants, précise : « Au Liban, tout est politisé. La femme ne doit plus être l'otage du système politico-sectaire qui nous paralyse. Son droit à la nationalité est primordial. Mais tant que ce droit entrave les ambitions des politiciens, la loi ne sera pas approuvée et la femme restera dépourvue de ce droit élémentaire. » Que faire alors ? « Quand le peuple se joindra à ce combat, les politiciens ne pourront plus l'ignorer puisqu'ils comptent sur son vote. Mais l'idéal serait d'avoir au gouvernement de nouveaux politiciens plus tolérants et ouverts d'esprit s'agissant de la situation de la femme », propose Marie-José.

Sensibilisation de la population
« Dans notre société, on apprend aux femmes à être soumises à leur père, frère, cousin ou mari. On accepte que les filles pleurent alors qu'on l'interdit aux garçons. On oriente les femmes vers des métiers différents de ceux des hommes. C'est le système d'éducation et de socialisation qui doit changer pour avoir des générations de femmes conscientes de leurs droits », précise Mazen. Zeinab Mokdad, 21 ans, partage cet avis : « Aucune femme éduquée n'accepte d'être traitée d'une manière inférieure à l'homme. » Selon elle, des séminaires sont nécessaires pour sensibiliser les jeunes filles – surtout celles issues de familles conservatrices – sur leurs droits. « Il ne suffit pas d'en parler. Il faut promouvoir auprès de la jeunesse une conscience culturelle basée sur l'égalité. Sur le terrain et via Internet, le message touchera plus de monde. Ainsi, on peut garantir le soutien et la pression de la population nécessaires pour changer la situation actuelle », assure l'activiste.
Mazen Abou Hamdan conclut en appelant les médias et les associations féministes à dénoncer les députés et les hommes de religion qui se prononcent contre les lois en faveur des droits de la femme afin que l'opinion publique sache qui sont les responsables de ce retard dans la législation et les mette devant leurs responsabilités : « Mais il reste que la femme ne doit pas baisser les bras, qu'elle ait confiance en elle et qu'elle œuvre à décrocher ses droits au lieu d'attendre qu'on les lui confère. Nous serons à ses côtés dans cette bataille. »

« La femme doit être traitée en tant qu'égale de l'homme », assure Hussein Bassal, étudiant en droit à l'Université La Sagesse, avant de poursuivre : « La situation au Liban est très grave, surtout en ce qui concerne la violence conjugale. Tous les droits sont importants, mais ceux en rapport avec la violence sont primordiaux parce qu'ils se rapportent à la vie. Tuer sa femme...

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