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Moyen Orient et Monde - Ukraine

La Crimée demande son rattachement à la Russie

Kiev va dissoudre le Parlement de la république autonome ; Obama et l'UE sanctionnent Moscou.

Hier dans la nuit à Donetsk, des manifestants prorusses ont violemment affronté les policiers antiémeutes ukrainiens. La tension reste vive dans cette ville russophone de l’est de l’Ukraine, où le bâtiment de l’administration régionale a déjà changé de mains à plusieurs reprises. Depuis hier matin, le drapeau ukrainien flotte de nouveau au-dessus de l’immeuble. Konstantin Chernichkin / Reuters

Le Parlement de Crimée a fait hier un pas de plus vers la partition de l'Ukraine, en demandant au président Vladimir Poutine le rattachement de la péninsule à la Russie.
Les électeurs de Crimée, un territoire à majorité russophone stratégique pour Moscou, auront le choix, lors d'un référendum prévu le 16 mars, entre un rattachement à la Russie ou une autonomie nettement renforcée, a indiqué le député Grigori Ioffe. L'Assemblée de cette république autonome avait jusqu'à présent prévu l'organisation, le 30 mars, d'un référendum prévoyant simplement un renforcement de son autonomie. « C'est une énorme provocation contre l'Ukraine et c'est inconstitutionnel », a aussitôt vitupéré l'un des principaux responsables politiques ukrainiens, l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko. « Si vous autorisez la Russie à organiser, sous la menace, le 16 mars un référendum sur l'annexion de la Crimée, vous perdrez l'Ukraine et la stabilité dans l'ensemble du monde », a réagi pour sa part l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko. « Si un soutien à l'Ukraine n'intervient pas à temps, un véritable soutien, alors il sera difficile de prévoir les conséquences de cette inaction », a-t-elle poursuivi à l'adresse des Européens.
Dans la nuit, le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov a estimé que le référendum en Crimée était « une farce, un crime contre l'Ukraine commis par les militaires russes ». Conséquemment, a-t-il annoncé dans une adresse à la nation, le Parlement ukrainien va engager une procédure de dissolution du Parlement de Crimée.

 

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Plus tôt à Moscou, le Kremlin avait confirmé que M. Poutine avait bien reçu la demande et qu'il l'avait étudiée avec son Conseil de sécurité, mais aucun détail supplémentaire n'a été donné. De son côté, la chambre basse du Parlement russe (Douma) prendra position sur la demande de rattachement de la Crimée après les résultats de la consultation populaire dans la péninsule, et à laquelle le Parlement russe enverra des observateurs. En attendant, une délégation du Parlement de Crimée est attendue à Moscou ces jours-ci. Un député russe, Sergueï Mironov, a déjà déposé une proposition de loi à la Douma visant à faciliter le rattachement à la Russie d'un territoire d'un pays étranger. « Cette loi a été écrite pour la Crimée, je le dis ouvertement », a souligné M. Mironov.
En outre, la Russie a dénoncé hier le « cynisme » et « l'arrogance inadmissible » de Washington, au lendemain de critiques du département d'État US concernant la position de Vladimir Poutine dans le dossier ukrainien. « Nous n'allons pas nous abaisser à polémiquer sur une propagande de bas étage. (...) », a affirmé le ministère russe des Affaires étrangères. « Les États-Unis ne peuvent pas avoir le droit de faire la morale (...). Qu'en est-il (...) de l'intrusion en Irak sous des prétextes falsifiés ? » a interrogé le ministère.
À Washington même, le référendum en Crimée a été immédiatement dénoncé. « Les États-Unis estiment que toute décision sur la Crimée doit être prise par le gouvernement à Kiev », a indiqué un haut responsable américain. « Vous ne pouvez pas vous retrouver dans une situation dans laquelle le gouvernement légitime d'un pays est exclu du processus de décision concernant certaines parties de ce pays. Il s'agit clairement d'une violation du droit international », a-t-il ajouté.
Mais, surtout, le président Barack Obama, engagé dans le bras de fer le plus tendu entre Occidentaux et Russes depuis la chute de l'URSS, a annoncé une série de sanctions pour accentuer la pression sur Moscou. « Le département d'État met aujourd'hui en place des restrictions de visas sur un certain nombre de responsables et d'individus, reflétant une décision politique visant à refuser des visas à ceux responsables ou complices de menacer la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine », a annoncé la Maison-Blanche, sans préciser si les personnes visées étaient russes ou ukrainiennes, ou les deux. M. Obama a par ailleurs signé un décret qui autorise des gels d'avoirs, a poursuivi la Maison-Blanche. Il s'agit de la deuxième série de sanctions visant Moscou après l'annonce de la suspension de « tous les liens militaires » entre les États-Unis et la Russie. De plus, la Chambre des représentants a approuvé un projet de loi assurant une garantie de prêt d'un montant d'un milliard de dollars à Kiev.

 

(Commentaire : Crimée et Sudètes, même combat ?)

 

Kiev réagira, si...
À Bruxelles, le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a qualifié « d'illégitime » la décision du Parlement de Crimée. S'exprimant le matin après une rencontre avec les dirigeants de l'Union européenne, M. Iatseniouk a également jugé que le référendum n'avait « aucun fondement légal ». « Nous exhortons le gouvernement russe à ne pas soutenir ceux qui promeuvent le séparatisme en Crimée », a ajouté M. Iatseniouk. Il a de nouveau demandé à la Russie que les troupes déployées en Crimée « retournent dans leur caserne » et qu'un dialogue s'engage en vue « d'une solution pacifique » à la crise. Mais, a-t-il averti, « dans le cas où l'escalade se poursuivrait, le gouvernement et les autorités militaires ukrainiens réagiront comme le permet la Constitution ». « Nous sommes prêts à protéger notre pays », a-t-il insisté d'un ton grave. M. Iatseniouk a par ailleurs affirmé que l'Ukraine est déterminée et prête à signer « dès que possible » l'accord d'association avec l'UE que l'ancien président Viktor Ianoukovitch avait refusé de signer en novembre. À ce sujet, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a d'ailleurs annoncé hier soir que cela serait probablement fait avant les élections du 25 mai en Ukraine.


Les dirigeants européens étaient ainsi réunis hier pour un sommet extraordinaire consacré à l'Ukraine. « Ce n'est pas seulement une crise entre l'Ukraine et la Russie, c'est une crise en Europe », avait affirmé M. Iatseniouk avant la réunion. Au siège du Conseil européen, les dirigeants de l'UE se sont tous alarmés de la situation. « Nous devons envoyer un message très clair que ce qui se déroule est inacceptable et aura des conséquences », a martelé le Premier ministre britannique, David Cameron. Dans la nuit, l'UE a de fait jugé « illégale » la décision du Parlement de Crimée et pris des sanctions politiques contre la Russie. Les dirigeants européens ont ainsi décidé de suspendre les négociations sur les visas avec Moscou et menacé de prendre davantage de sanctions, notamment économiques, si la situation continuait à se détériorer en Ukraine. À l'issue du sommet à Bruxelles, M. Van Rompuy a annoncé que les dirigeants s'étaient accordé sur une stratégie progressive de sanctions, en trois étapes, pour contraindre la Russie à « négocier » une sortie de crise en Ukraine. En outre, l'UE a gelé les avoirs du président ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch, de la plupart de ses anciens ministres et de ses proches, accusés de détournements de fonds publics. « Les sanctions comportent également des dispositions facilitant le recouvrement des fonds gelés, une fois réunies certaines conditions », précise le document de l'UE.

 

(Analyse : « Le Kremlin ne va pas s'aventurer dans une guerre de grande ampleur contre l'Ukraine »)

 

Kerry-Lavrov, le fiasco...
Parallèlement, le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov et son homologue américain John Kerry ont eu pour la deuxième journée consécutive, à Rome, des entretiens sans toutefois parvenir à un accord. « Nous sommes convenus d'étudier encore les idées dont m'a fait part aujourd'hui John Kerry concernant des mesures concrètes à prendre », a simplement dit M. Lavrov. Selon des sources diplomatiques, M. Kerry a souligné l'importance que les États-Unis attachaient au fait que « les Russes parlent directement aux Ukrainiens ». Le secrétaire d'État a aussi insisté sur « l'importance d'autoriser des observateurs internationaux à se rendre en Crimée et dans l'est de l'Ukraine pour avoir une vision directe de la réalité sur le terrain ».


Au même moment sur le terrain, 40 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été bloqués par des hommes armés alors qu'ils entraient dans la péninsule de Crimée. Les 40 militaires non armés, issus de 21 pays membres de l'organisation, ont rebroussé chemin vers la ville de Kherson, où ils doivent décider de la suite de leur mission. De même, l'envoyé spécial de l'ONU en Crimée, Robert Serry, contraint d'interrompre brutalement sa mission après avoir été menacé par des hommes armés prorusses, a indiqué qu'il était peu probable qu'il retourne dans cette région.


Hors de Crimée, les tensions se font de plus en plus vives à Donetsk. Dans cette ville, la police ukrainienne a repris le contrôle du siège du gouvernement régional, qui avait été occupé par des militants prorusses, et arrêté des dizaines de personnes. D'autre part, un destroyer américain lance-missiles, l'USS Truxtun, est en route pour la mer Noire, a annoncé l'US Navy, précisant toutefois que ce déploiement avait été décidé avant le début de la crise en Ukraine.


Enfin, Interpol a annoncé qu'elle examinait une demande de notice rouge émise par les autorités de Kiev en vue de l'arrestation de l'ancien président Viktor Ianoukovitch pour abus de pouvoir et meurtres.

 

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