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Culture - Propos d’outre-tombe

Mozart : « Nul ne peut changer son destin »

Nabil Abou Dargham aime la fréquentation des beaux esprits dans tous les sens du terme. Dans ses « Propos d'outre-tombe », il imagine des entretiens avec des génies du passé... Passés de l'autre côté de la barrière. Dialogues avec des immortels de l'art, de la musique, de la littérature. C'est Mozart qui inaugure la série. À l'heure où le virtuose de Salzbourg aurait fêté son 258e anniversaire.

Wolfgang Amadeus Mozart.

Q: Wolfgang Amadeus Mozart, peut-on considérer que le 27 janvier 1756, l'année de votre naissance, un miracle de la musique est né à Salzbourg (Autriche) à 20 heures?
R: La notion de miracle devrait être relative. Je ne suis pas sûr, par exemple, qu'avec toutes les révolutions technologiques et techniques des temps présents on puisse parler de miracle de la musique. Mais je pourrais être considéré comme un compositeur de talent stupéfiant parce que, comme le dit Gœthe: «Il y a dans toutes les compositions de Mozart une force créatrice qui agit de génération en génération et qui ne semble pas devoir être tarie ou consommée de sitôt.» De toute manière, un miracle sans souffrance humaine existerait très difficilement. Sans la souffrance, personne n'aurait besoin de miracle. Dans le domaine de l'art, le miracle ou le travail miraculeux pourrait naître de la souffrance, de l'inquiétude ou même du désespoir.

Mais le 24 janvier 1761, vous avez cinq ans et vous apprenez votre première pièce au clavier. Et l'année suivante, vous composez votre premier morceau de musique. C'est tout de même miraculeux, non ?
Il y aura toujours des phénomènes inexplicables dans la vie et la mort des hommes et des nations...

Votre génie créateur a été formé au cours de vos voyages. Comment était votre jeunesse musicale ?
Pleine d'expériences. En 1762, l'année de mon premier menuet, mon père nous emmena, ma sœur Nanner – qui était elle aussi clairement douée – et moi aux cours de Vienne et de Munich où nous nous sommes produit comme virtuoses. L'année suivante nous a conduit à Paris dans les milieux artistiques mondains et à la cour. Après Paris, nous nous sommes rendus à Londres en 1764 où j'ai découvert la musique de Johann-Christian Bach, fils cadet du grand Johann-Sébastien Bach. J'admirais beaucoup la musique de Johann-Christian, et les symphonies que j'ai composées à Londres doivent beaucoup à son modèle. Mais son influence est encore plus prononcée dans les premiers concertos originaux pour piano écrits après mon retour à Salzbourg vers la fin de 1766. Ce fût notre grand voyage à travers l'Europe. En Italie, j'ai vécu des moments inoubliables, surtout quand le pape m'a remis les insignes de l'ordre de l'Éperon d'or.

Comment décriveriez- vous la vie musicale en Europe de votre temps ?
Ce sujet mérite une longue discussion. Mais je pourrais vous donner de brefs exemples. À Salzbourg, la musique jouait un rôle particulier et l'Orchestre archi-episcopal assumait des fonctions diverses, à la fois à l'église pour des offices religieux et à la cour comme musique de table, musique de chambre ou concerts. En Allemagne, depuis l'époque baroque jusqu'à mon temps, ce sont les cours qui étaient au centre de la vie musicale publique. Chacune d'elles était en soi un centre culturel indépendant. En Italie, la vie musicale était dominée par l'opéra.

Donc dans cet environnement, votre univers social était assez vaste et riche d'amitiés...
J'avais beaucoup de connaissances. Mais celles-ci sont toujours liées aux circonstances et à l'ensemble des principes et des règles régissant la société. Il vous arrive de considérer des personnes comme amis, puis vous êtes surpris de les voir se comporter en patrons. De toute manière, dans le domaine des arts c'est toujours pareil. Les artistes sont vus comme des artisans, des personnes à qui l'on commande du travail que nous ne pouvons jamais créer et exécuter. Rares sont ceux qui les considèrent et les traitent comme des valeurs humaines égales. Les amitiés sont toujours rares... trop rares.

Votre idée de l'amitié semble receler de l'inquiétude et de l'amertume. Est-ce le même sentiment que vous avez en affrontant la mort ?
La mort constitue le but final de la vie. C'est pourquoi il faut se familiariser avec cette véritable amie de l'homme. À ce point, elle devient non seulement moins effrayante, mais aussi très apaisante et très consolante. C'est la seule voie qui nous mène au bonheur de revoir les êtres chers dans un monde meilleur, pour ne plus jamais nous quitter. Mais honnêtement, c'est le sentiment qu'on éprouve quand il s'agit de la mort des autres, même celle des personnes qu'on aime. En affrontant notre propre mort, il est peut-être difficile de conserver cette sérénité. Elle serait remplacée par un mélange de paranoïa, de regrets et de frustrations. Parce qu'on pourrait finir avant d'avoir joui de notre talent. C'est merveilleusement amer. Mais on ne peut changer son destin.

Bibliographie
– Laffont-Bompiani, Dictionnaire biographique des auteurs ;
– Dictionnaire Mozart sous la direction de H. C. Robbins Landon, 1990, Éditions Jean-Claude Lattes pour la traduction française ;
– Amadeus, film (1984), dirigé par MiloŠ Forman, écrit par Peter Shaffer.

Q: Wolfgang Amadeus Mozart, peut-on considérer que le 27 janvier 1756, l'année de votre naissance, un miracle de la musique est né à Salzbourg (Autriche) à 20 heures?R: La notion de miracle devrait être relative. Je ne suis pas sûr, par exemple, qu'avec toutes les révolutions technologiques et techniques des temps présents on puisse parler de miracle de la musique. Mais je pourrais être considéré comme un compositeur de talent stupéfiant parce que, comme le dit Gœthe: «Il y a dans toutes les compositions de Mozart une force créatrice qui agit de génération en génération et qui ne semble pas devoir être tarie ou consommée de sitôt.» De toute manière, un miracle sans souffrance humaine existerait très difficilement. Sans la souffrance, personne n'aurait besoin de miracle. Dans le domaine de l'art, le miracle ou le...
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