Hommage à Andrée Chedid à Issy-les-Moulineaux

Ce fut une soirée unique touchée par la grâce des dieux. Une foule innombrable formée d'amis et d'admirateurs de Chedid, venus de près ou de loin, a participé à cette cérémonie.
Le nombre d'invités est impressionnant. Ils occupent les trois étages et le rez-de-jardin dans un bâtiment à l'architecture très moderne. Les murs sont conçus en matière transparente éliminant les frontières entre l'intérieur et l'extérieur, à l'instar de la conception de l'écriture «chedidienne» ouverte à l'autre dans un rapport sans frontières entre Orient/Occident. De grands écrans représentent Andrée Chedid au cours d'un entretien. Un grand portrait d'elle domine l'espace. On la voit accueillant les visiteurs dans une robe bleue, couleur qu'elle a toujours chérie. Elle est là, présente et défiant la mort.
Une visite à tous les étages de l'Espace Andrée Chedid précède le moment destiné aux discours. Les salles de ce lieu verdoyant, conçu par l'architecte Falocci, portent les titres des œuvres majeures de l'auteure. Le visiteur se retrouve dans l'espace nommé les «Saisons de passage », puis dans les salles « L'Enfant multiple», «L'Autre», «L'Échappée», «Entre Nil et Seine», etc. Une traversée de l'espace physique et de celui des mots offre des rencontres virtuelles avec Omar-Jo de L'Enfant multiple, Alice Godel (la mère de l'auteure) des Saisons de passage, Simm de L'Autre.
L'Espace Andrée Chedid s'adresse aux enfants, adolescents, parents et grands-parents: un endroit au service du dialogue, de l'écoute et des rencontres culturelles et audiovisuelles. Il s'occupe de toutes les générations, à l'image de la problématique de l'écriture de l'auteure. Un espace sociétal et culturel qui s'affirme comme lieu de métissage des savoirs et des champs disciplinaires.
Après la visite du bâtiment formé de trois étages, vient le temps des discours. Ont pris la parole: le député maire d'Issy-les-Moulineaux, André Santini, ainsi que Bruno Jarry, directeur de Clavim, Louis Chedid, son époux, et Patrice Hoffmann, directeur éditorial de Flammarion, maison d'éditions qui a accueilli et publié la majorité des œuvres de Chedid et qui vient de publier, en novembre 2013, une belle anthologie Poèmes autour de la majorité de ses recueils poétiques dans la collection «Mille & Une Pages» que j'ai eu l'honneur de préfacer. Matthieu Chedid, le petit-fils, alias M (son nom de scène), a charmé le public par les sons de sa guitare en chantant Je dis aime et Clowns (les paroles sont de la grand-mère à l'intention du petit-fils). Il y eut aussi une attention particulière à Thierry Lefèvre, maire adjoint et président du Clavim, qui a œuvré pour l'exécution de ce grand projet en recourant à des partenariats de la ville et des subventions du département de recherche.
Ce projet a été créé juste après le décès de la poétesse, en 2011. Il bénéficie d'une collaboration étroite entre Louis Chedid, des universitaires spécialistes de l'écrivaine, de l'IMEC (Institut mémoire de l'édition contemporaine) et du Printemps des poètes. Cet espace fait découvrir non seulement les facettes multiples de l'œuvre de Chedid, mais il se présente comme le pôle de la littérature et de la poésie francophones: un pont entre Orient et Occident. Un riche cocktail d'inauguration fut l'occasion de célébrer ce grand événement.
Vint ensuite la soirée littéraire qui a couronné cet hommage par une mise en scène de Ghislaine Dumont avec des lectures d'extraits du récit Lucy et du roman L'Autre par Hanane Belhouari, Philippe Quercy, Christine Combe, Malia Dubois et la participation exceptionnelle de Michael Lonsdade pour la lecture de la pièce Le Personnage.
Une soirée unique marquée de fortes émotions à l'occasion de l'inauguration de cet espace qui se positionne comme partenaire de la mission de «vivre ensemble». Une fierté pour nous Libanais de voir une écrivaine franco-égyptienne d'origine libanaise recevoir tous ces honneurs. Une femme qui a consacré au Liban – pays de ses aïeux – une grande place dans ses écrits, ses plus beaux chefs-d'œuvre.

Carmen BOUSTANI