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Liban - Société

Épsilon, un pas pour la lutte contre l’épilepsie

Quelque 45 000 personnes souffrent d'épilepsie au Liban. Pourtant, cette maladie reste trop souvent taboue, et l'accès aux soins laisse parfois à désirer. C'est pour pallier ce manque que l'association Épsilon, dont le coup d'envoi est prévu ce soir, a été créée.

« Il y a des femmes qui le cachent à leur époux, des enfants qui ne parviennent pas à en parler avec leurs parents. Il y a toujours une gêne qui entoure l'épilepsie. » C'est par ces mots que Karine Abou Khaled, de l'Hôtel-Dieu, résume la situation dans laquelle se trouve la personne épileptique au Liban. Pour essayer d'aller vers plus de tolérance, elle et Ronald Moussa, neurochirurgien, ont eu l'idée de créer une association pour lutter contre cette maladie. Se joignent à eux un pédiatre, Samir Richard, un avocat, Michel Kadige, et une designer, Rita Moukarzel. Excepté le Comité libanais contre l'épilepsie (une branche de la Ligue mondiale contre l'épilepsie) qui a notamment œuvré à l'information dans les milieux scolaires avec une campagne en 2011, et une petite association basée dans le sud du pays, le terrain est vierge. « Si l'association est pionnière, c'est parce qu'elle traite tant l'aspect médical que l'aspect social », explique Rita Saab Moukarzel.
Parce que le premier pas à franchir, c'est effectivement le dépassement des idées reçues sur la maladie. L'épilepsie est trop souvent confondue avec des troubles psychiques, un handicap ou une maladie congénitale. C'est une maladie qui provoque des crises chez les personnes qui en souffrent. Une sorte « d'orage électrique » dans le cerveau. Un traitement pharmaceutique approprié suffit la plupart du temps. Toutefois, quand ce n'est pas le cas, la seule solution est la chirurgie. « Près de 30 % des malades auraient besoin d'une opération. Et pourtant, seules 20 personnes ont fait la démarche », déplore Ronald Moussa. Seule solution curative (les traitements pharmaceutiques contrôlent les crises sans supprimer la maladie), l'accès à la chirurgie pose deux problèmes majeurs : celui de l'information sur les possibilités et celui de la capacité des familles à financer un tel traitement. Ce sont les deux principaux axes de l'association : dédiaboliser cette maladie, tant dans la perception de la société que dans celle des malades, et faciliter l'accès aux soins.
D'autres difficultés se posent : la discrimination à l'embauche, ainsi que de nombreux problèmes vis-à-vis des assurances et plus généralement dans les relations sociales. Un cadre, O., souffre d'épilepsie, et n'en dit rien à ses employeurs : « Je ne peux pas, ils me licencieraient. » Il se cache et prend discrètement son traitement pendant ses pauses. « Êtes-vous épileptique ? » C'est une question qui lui a été posée de but en blanc pendant un entretien d'embauche. Outre les problèmes pour trouver un travail, c'est aussi le rapport avec les collègues qui n'est pas toujours facile pour lui. L'épilepsie reste trop souvent la cause plus ou moins directe d'angoisses, ou de comportements dépressifs, une autre difficulté à surmonter dans le monde du travail. C'est pour ces raisons qu'Épsilon se veut aussi active dans le domaine juridique. Il n'existe pas de mesures protectrices concernant les personnes souffrant d'épilepsie dans le code du travail. « Aller vers un principe de discrimination positive, avec des quotas, pourquoi pas? souligne Michel Kadige, avocat et membre fondateur. Bien sûr, tous les métiers ne sont pas accessibles aux personnes épileptiques, mais pour une majorité de professions, ce ne devrait pas être un problème. »

Le dossier médical dans le portefeuille
Si le coup d'envoi aura lieu lors du lancement officiel de l'association, ce soir, la première réalisation phare, c'est la carte Épsilon. Il faut s'imaginer une carte, de celles qu'on glisse dans son portefeuille entre la carte bancaire et une carte de fidélité quelconque. Violette, avec le logo Épsilon au recto. Verso : le numéro de la famille et du médecin personnel. Et surtout, il y a un port USB, avec le dossier médical qui sera mis à jour par le patient lui-même, les contre-indications (maladies connexes, allergies...) et toutes les informations nécessaires sur la maladie. « Cette carte fera gagner du temps, explique Rita Moukarzel, notamment pour l'administration d'un traitement qui ne provoque pas de réaction allergique, mais aussi pour contacter famille et médecin pour plus d'informations. »
Que ce soit dans la société libanaise ou au sein même de la sphère médicale, il reste du chemin à parcourir en ce qui concerne l'information sur l'épilepsie. Le cadre O. raconte encore : « Après une crise importante à l'âge de 14 ans, on m'a déconseillé de poursuivre mes études. » Par la suite, il reconnaît que mener une vie d'élève, de lycée puis d'étudiant en souffrant d'épilepsie était loin d'être aisé. Parce que les traitements le fatiguaient énormément, parce que le regard des autres évolue, parfois jusqu'au mépris, parce que la confiance en soi n'est plus au rendez-vous. D'un point de vue scolaire, il fallait plus de temps à O. pour effectuer ses examens. Un médecin a préparé un certificat l'autorisant à du temps supplémentaire. Cela n'a pas suffi : il n'a pu obtenir que cinq minutes à la fin de l'épreuve. « À l'université, j'ai fait une dépression, se souvient-il, on m'a placé en hôpital psychiatrique, avec des personnes souffrant de maladies mentales ou psychologiques. J'en suis ressorti plus mal que je n'y étais entré. » Karine Abou Khaled va dans le même sens : « Parfois, je me dis qu'il faudrait commencer par l'éducation de certains médecins. »
Pour contacter Épsilon : 03/582830. Courriel :
Épsilonlebanon@gmail.com

« Il y a des femmes qui le cachent à leur époux, des enfants qui ne parviennent pas à en parler avec leurs parents. Il y a toujours une gêne qui entoure l'épilepsie. » C'est par ces mots que Karine Abou Khaled, de l'Hôtel-Dieu, résume la situation dans laquelle se trouve la personne épileptique au Liban. Pour essayer d'aller vers plus de tolérance, elle et Ronald Moussa,...
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