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Accord vague au forceps et in extremis à Varsovie - Environnement

Accord vague, au forceps et in extremis à Varsovie

Le 19e Sommet du changement climatique s'est achevé samedi à Varsovie, en Pologne, avec plus d'un jour de retard, sur des avancées très modestes et une conscience de la difficulté de la tâche à venir.

Des manifestants portant des masques représentant Angela Merkel et Barack Obama, lors du Sommet sur le changement climatique, à Varsovie le 22 novembre 2013. REUTERS/Kacper Pempel

Personne n'attendait du Sommet de Varsovie plus que d'être une étape dans la route vers le sommet de Paris, en 2015, où les nations sont supposées adopter un accord global et contraignant pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), de manière à répondre aux estimations scientifiques et garder la hausse de la température de la Terre à moins de deux degrés (par rapport à l'ère préindustrielle). Mais la profondeur des dissensions et la dureté du face-à-face entre pays émergents et pays en développement montrent combien ces négociations deviennent plus ardues à mesure que le temps passe. « Est-ce que le chemin va être facile jusqu'à Paris ? Ceux qui ont vu ce qui s'est passé ici ces derniers jours savent que ce ne sera vraiment pas le cas ! » a lancé la commissaire européenne au Climat, Connie Hedegaard, à la presse après la conclusion de l'accord.


Il aura fallu plus de trente heures de négociations non-stop pour qu'un accord soit adopté à Varsovie, le samedi soir, plus de 24 heures plus tard que prévu, dans une atmosphère survoltée. Les observateurs ont noté que les négociateurs des quelque 190 pays sont passées très près d'un échec total et d'une clôture du sommet sans accord. La raison : les grands pays émergents, principalement la Chine et l'Inde, ne veulent pas qu'on leur impose des engagements similaires à ceux des pays développés, même s'ils figurent aujourd'hui en tête de liste des pollueurs (première place mondiale pour la Chine, quatrième pour l'Inde, après les États-Unis et l'Union européenne). Ces deux pays étaient considérés comme « en développement » quand les négociations sur le climat ont commencé dans les années 90 et exigent toujours que cette différenciation demeure pour l'accord de 2015, qui entrera en vigueur en 2020.


Les deux grands pays campaient donc sur leurs positions au nom de la « responsabilité historique » des pays développés. Un compromis a dû être trouvé pour faire passer l'accord, dont les termes sont les suivants : le texte appelle les États à préparer des « contributions sans préjuger de leur nature légale » pour 2015. Il est aussi demandé aux État de communiquer leurs contributions bien en avance du sommet de Paris à des fins d'évaluation. Les pays qui seront prêts pourront le faire dès le premier trimestre de 2015.


Outre les engagements de réduction des GES, la grande question discutée au cours du Sommet de Varsovie, et qui sera un pan essentiel de l'accord de 2015, est celle du financement des coûts d'adaptation et de compensations aux pays du Sud. Le texte demande aux pays développés de « continuer à mobiliser de l'argent public à des niveaux supérieurs à ceux de l'aide d'urgence décidée pour 2010-2012 (à Copenhague), soit de 10 milliards de dollars par an ». La première capitalisation du Fonds vert pour le climat « devra atteindre un niveau très significatif qui reflète les besoins et les défis que doivent relever les pays en développement pour faire face au changement climatique ». Les formules sont vagues et ne font aucune référence à une feuille de route vers les 100 milliards de dollars par an qui devraient être un des piliers du futur accord de 2015.


Les pertes et dommages (en d'autres termes les compensations pour les pays durement touchés par des catastrophes en relation avec le changement climatique après l'échec des mesures d'adaptation) ont été longuement discutés durant ce sommet, qui a fini par adopter un « mécanisme de Varsovie » sur cette question. Mais ce texte ne donne pas satisfaction aux pays en développement qui exigeaient un mécanisme totalement indépendant du processus d'adaptation. Là aussi, face aux dissensions, un compromis a été trouvé : selon le texte, le concept de pertes et dommages « dépendra, dans un premier temps, d'un mécanisme déjà existant traitant des questions d'adaptation », mais ce point sera « revu dans trois ans ».


Une avancée a cependant été notée au niveau de la protection des forêts, un processus appelé REDD+ (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts). Ce mécanisme a été complété à Varsovie après avoir été adopté à Cancún (2010). Il est appuyé par des promesses de paiement faites lors de ce sommet de l'ordre de 280 millions de dollars, par les États-Unis, la Norvège et la Grande-Bretagne.

 

« Un échec moral épouvantable pour les pays riches »
Résumant bien le résultat de ce sommet de 2013, Corinne Lepage, députée européenne membre de la délégation officielle du Parlement, a déclaré que « la feuille de route adoptée à Varsovie laisse tous les obstacles devant nous, et la France va devoir redoubler d'efforts pour espérer aboutir à un nouvel accord sur le climat en 2015 ». « Le Sommet de Varsovie n'a pas non plus apporté la clarté nécessaire sur la nature des engagements financiers des pays développés, et sans cela, il va être difficile de convaincre les pays en développement d'accepter de s'engager dans un nouveau régime juridique qui entraînerait des obligations pour eux aussi », a-t-elle ajouté.


Du côté de la société civile, dont les principales organisations avaient claqué la porte du sommet dès jeudi, les critiques ont fusé après la publication du texte de l'accord. Des critiques qui n'ont ménagé aucun des processus de négociations en marche, ni aucun des groupes de pays, autant les pays développés qu'émergents. « Il est important que les pays en développement réalisent qu'ils ne peuvent pas s'enterrer la tête dans le sable en se contentant de dire : vous êtes responsables du problème, on est juste en train de faire ce que vous avez fait avant nous », a déclaré à l'AFP le président de Greenpeace International, Kumi Naido. Il faut que les économies émergentes prennent « les responsabilités qui vont avec le nouveau pouvoir qu'elles ont », a-t-il ajouté.


Comme on peut l'imaginer, l'accord très flou sur les finances a été vivement attaqué par plusieurs organisations. « Les pays industrialisés riches ont honteusement bloqué le processus de financement, a dénoncé Meena Raman, experte en négociations à Third World Network. Ils ont bloqué toute référence à un chiffre spécifique sur le contrôle de pollution, notamment les 40 % auxquels appelle le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC). Ils ont également rejeté l'objectif de financement de 70 milliards de dollars d'ici à 2016. L'ajustement des chiffres pour la période d'avant 2020 était tout aussi importante, or des pays menés par les États-Unis ont refusé la référence à des chiffres particuliers concernant la réduction des GES et la finance. C'est un échec moral épouvantable des peuples les plus riches de l'histoire humaine. »
« Le Sommet de Varsovie n'a pas apporté une aide réelle aux peuples pauvres, a déclaré Brandon Wu, de Action Aid USA. Ces pays manquent à leurs obligations morales et légales envers ce qui est une question de vie ou de mort pour beaucoup de peuples pauvres. »


Sur les pertes et dommages, Harjeet Singh, de Action Aid International, a jugé que le « mécanisme adopté à Varsovie confirme à peine les engagements faits à Doha (sommet de 2012) ». « C'était le strict minimum auquel on pouvait s'attendre à Varsovie sur la question de pertes et dommages, et quelques pays riches comme les États-Unis ont gardé ce processus en otage jusqu'à la fin, poursuit-il. La structure actuelle du mécanisme en fait une partie du chapitre sur l'adaptation, ce qui ne tient pas compte du fait que le monde est allé au-delà de l'adaptation. Ce mécanisme est trop faible pour régler les impacts énormes déjà visibles du changement climatique. »

 

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