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Accord vague au forceps et in extremis à Varsovie - Interview

Pour 2015, Paris aspire à « un agenda positif », selon Pascal Canfin

Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre français des AE chargé du Développement et chef de la délégation française à Varsovie, évalue l'apport du Sommet de Varsovie dans la route vers l'accord global et contraignant qu'il est prévu de conclure à Paris en 2015, lors d'une interview réalisée peu avant la clôture du sommet en Pologne.

Pascal Canfin,ministre délégué auprès du ministre français des AE chargé du Développement et chef de la délégation française à Varsovie. Photo tirée du site diplomatie.gouv.fr

« L'Orient-Le Jour » – Quelle est votre estimation des négociations qui ont eu lieu à Varsovie ? Pavent-elles la voie à un accord à Paris ou, au contraire, constitueront-elles un obstacle ?
Pascal Canfin – Ce dont nous avons besoin à Varsovie, c'est d'une rampe de lancement. Cela signifie que les États doivent s'engager à mettre sur la table des engagements chiffrés de réduction de leurs émissions des gaz à effet de serre au plus tard à Paris et idéalement en 2014. Sinon, nous perdrons un an à nous demander si ces États le feront à Paris et nous ne pourrons pas préparer l'accord suffisamment bien. C'est le cœur de ce que nous devons faire ici pour préparer un succès potentiel à Paris. Aujourd'hui, quand je vois le texte (NDLR : découlant des négociations à Varsovie et qui devait comporter une sorte de feuille de route vers le futur accord), je ne le trouve pas assez clair, les choses doivent être plus précises et nous nous battons pour cela.*

Comment Paris compte-il procéder ces deux années qui viennent et au cours desquelles un sommet aura lieu à Lima ?
Nous aspirons à un leadership conjoint avec le Pérou, c'est-à-dire assumer une présidence avec eux, et eux avec nous ensuite. Si nous tirons dans des directions
différentes, nous n'y arriverons pas, voilà pourquoi nous voulons définir une vision partagée. Ensuite, nous discuterons d'une manière formelle et multiplierons les consultations informelles, de façon à proposer des solutions de compromis. C'est comme cela que nous concevons notre rôle de présidence : à l'écoute de l'ensemble des parties, mais en essayant de sentir ce qui peut faire l'objet de compromis. Si aucun État ne veut faire bouger les lignes sur les grands sujets qui seront au cœur de l'accord de Paris – financement, adaptation, etc. –, autant envoyer un e-mail à Paris plutôt qu'un négociateur ! Par ailleurs, nous voulons que Paris soit la conférence de l'ambition, des solutions. Si on échoue à Paris, on n'aura plus aucune chance de maintenir l'augmentation de la température de la terre au-dessous de deux degrés et d'éviter ce que la Banque mondiale appelle un « cataclysme ». Aujourd'hui, le vocabulaire utilisé dans les négociations est celui du partage des efforts, des responsabilités, du fardeau. Ça ne donne pas très envie, il faut parler de partage des solutions et des opportunités de façon à pouvoir lutter vraiment contre le changement climatique. Voilà pourquoi nous voulons un agenda positif.

Comment comptez-vous vous y prendre sachant que le partage des responsabilités est un des nœuds essentiels qui entravent ces négociations jusque-là ? Le comportement de l'Inde au cours de ce sommet, qui a œuvré pour rayer le mot « équité » de la déclaration finale, en est un exemple éclatant...
C'est l'un des nœuds effectivement, sachant que personne ne conteste le principe de responsabilité commune mais différenciée. Mais personne ne conteste non plus le fait que nous sommes dans un monde différent de celui de 1990. Il faut différencier entre les pays, mais autrement que cela a été fait dans le passé, en tenant compte des émissions actuelles, autant que celles qui ont eu lieu historiquement. J'ai le sentiment qu'en travaillant fortement sur cette question, on peut essayer de trouver un compromis, mais il faut que tous les États laissent de côté les déclarations de principe et considèrent les négociations dans leur ensemble. L'exemple de l'Inde est très significatif : ce pays nous demande de gérer nos émissions en tant que pays développés avant d'en faire de même. Mais quand on leur parle des moyens que leur gouvernement mettra en œuvre pour donner accès à l'énergie aux 500 millions d'Indiens qui en sont privés aujourd'hui, on se rend compte que c'est un vrai sujet pour eux. La porte s'ouvre alors. Leur choix de source d'énergie pour satisfaire ces besoins – fossile ou renouvelable – aura un impact énorme sur le changement climatique. Et c'est cela l'agenda positif des solutions et opportunités : parlons de votre problème et de sa solution tout en respectant les impératifs de limitation du réchauffement à deux degrés.

*Après la clôture du sommet, commentant la formule des « contributions sans préjuger de leur nature légale » (voir texte principal), M. Canfin a estimé qu'elle n'est pas « moins forte qu'un engagement ». « On a sauvé l'essentiel », a-t-il déclaré à l'AFP.

« L'Orient-Le Jour » – Quelle est votre estimation des négociations qui ont eu lieu à Varsovie ? Pavent-elles la voie à un accord à Paris ou, au contraire, constitueront-elles un obstacle ?Pascal Canfin – Ce dont nous avons besoin à Varsovie, c'est d'une rampe de lancement. Cela signifie que les États doivent s'engager à mettre sur la table des engagements chiffrés de...