Rechercher
Rechercher

Dossiers Liban - Société

Le viol, arme « psychique » de destruction massive...

Si de nos jours tout le monde s'accorde à considérer le viol comme un acte traumatisant et destructeur, portant atteinte aux droits, à la dignité et à l'intégrité physique des victimes, force est de reconnaître que dans la réalité, tout se passe malheureusement très différemment. La loi du silence, le déni et l'abandon des victimes règnent encore en maîtres. L'immense majorité des viols ne sont ni connus ni dénoncés. La brigade des mœurs fait état de 71 cas d'agression sexuelles en 2013. Un chiffre largement sous-estimé en raison du nombre de victimes qui n'ont pas le courage de porter plainte.

Une des affiches de KAFA contre la violence domestique. Photo archives

Viol de femmes, viol d'enfants, viol conjugal. Il est temps que la société et les autorités responsables ouvrent les yeux sur « ce fléau », sur lequel certains n'osent pas mettre un nom.
Face à l'insécurité qui règne au quotidien, à l'évolution crescendo de la violence, les Libanais vivent avec la peur au ventre : agressions, enlèvements, meurtres, vols et viols sont commis en plein jour. Les viols, crimes crapuleux, concernent toute notre société. Depuis que le Liban a ouvert ses frontières à des centaines de milliers de réfugiés, ils ont augmenté.
La violence contre les femmes est l'une des violations des droits de l'homme les plus répandues dans le monde, mais elle reste l'un des crimes les moins poursuivis. C'est un mal qui affecte toutes les sociétés. Zeina, 23 ans, a été violée depuis 2 ans sous la contrainte d'un couteau, alors qu'elle s'adonnait à son jogging matinal : « Je courais. Fatiguée, j'ai ralenti ma course. Remarquant dans le chantier de construction d'à côté un homme très brun, bizarre et mal vêtu, mon intuition m'a dicté de rebrousser chemin, ce que je n'ai pas eu le temps de faire. Arrivé à ma hauteur, il s'est jeté sur moi, m'a soulevée et projetée au bas de la colline. C'est là qu'il m'a violée sous la contrainte d'un couteau. J'ai très vite compris que si je protestais ou criais, il me tuerait. Je l'ai tout de suite senti. La seule solution pour survivre était donc de l'amadouer pour déjouer ses plans et gagner du temps. J'ai, d'une certaine façon, négocié ma vie en le manipulant psychologiquement, en établissant une sorte de dialogue avec lui entre deux actes et en l'interrogeant sur sa vie. Après m'avoir "arraché" la promesse de le revoir et s'être assuré de mon numéro de portable, il m'a enfin libérée. J'ai frôlé la mort », se lamente encore Zeina.
« C'était le début de la descente en enfer, souligne-t-elle. Il m'a fallu des mois pour tenter de sortir de cette spirale infernale, pour pouvoir émerger. Tout espoir était mort. J'ai enchaîné les tentatives de suicide. Ma vie sexuelle s'est dégradée. Engouffrée dans un cycle d'autodestruction total, j'ai finalement réussi à mettre des mots sur ce qui m'est arrivé : j'ai été violée », raconte Zeina qui poursuit : « Peu importe que j'ai crié ou pas, que je me sois débattue ou non, on a abusé de moi, de mon corps, de ma force mentale. On m'a détruite. Je cherche maintenant à me construire. »
Ce drame résonne comme un signal d'alarme qui devrait pousser les responsables à redoubler d'efforts afin de prendre les mesures nécessaires pour éradiquer la violence gratuite envers l'intégrité physique et sexuelle des femmes.

L'enfance violée, volée
Dans le cadre de fausses idées très répandues, le viol est tout d'abord perçu comme le fait d'un agresseur inconnu issu d'un milieu défavorisé, le plus souvent de nuit, dans un parking, sur une femme sexuellement désirable. La victime est censée s'être débattue et avoir porté plainte aussitôt. Or on a tendance à oublier presque toutes les autres victimes du viol, de loin les plus nombreuses mais les plus occultées : les mineures, violées par un proche, un parent, un ami.
Ainsi, un enfant est violé, torturé, abusé toutes les trente secondes, et plus de trois millions disparaissent chaque année à travers le monde, selon l'Unicef. Nombreux sont les enfants qui indiquent avoir été confrontés, au moins une fois, à des images choquantes sur Internet, où des prédateurs sexuels rôdent en permanence, dans le but d'établir un contact avec les enfants, souligne encore un rapport des Nations unies.
Au Liban, le nombre d'enfants victimes d'abus sexuels est effarant. Il s'élevait il y a près de deux ans à 219 000, selon les sources d'ONG concernées. Pour ne citer que quelques exemples, des petites filles sont harcelées sexuellement par un responsable de l'éducation spirituelle à l'école, une autre subit des attouchements de la part de son frère aîné et une troisième est violée par son père à l'âge de 9 ans. Trois ans plus tard, cette même petite a compris que le « jeu secret » auquel elle s'adonnait avec son père n'en était pas un. Voici le témoignage, poignant, de Samar, 12 ans, qui va bouleverser plus d'un : « Pour une fois, ce soir-là, mon père me regardait avec le sourire aux lèvres. Il m'a invitée à m'asseoir à ses cotés, se souvient Samar, avec amertume. Il a passé un bras autour de ma taille et m'a attirée sur le canapé. Avide de sa tendresse, envahie par un sentiment de sécurité, j'étais si heureuse que son affection se réveille enfin. Confiante, je me suis blottie contre lui. Il caressait mes cheveux, tandis que son autre main se baladait sur mon dos, puis continuait jusqu'au haut de mes jambes. Soudain, mon corps s'est raidi. J'ai entendu des gémissements de petit animal s'échapper de ma gorge et se mêler aux soupirs de mon père. À l'instant même, mon sentiment de sécurité m'a quittée, à jamais, pour laisser la place à la peur, à l'égarement. Ne le dis pas à maman, m'a-t-il ordonné, c'est notre secret. »
« Je l'ai quand même dit à ma mère, indique Samar. Je me disais qu'elle m'aimait et qu'elle lui demanderait d'arrêter. Elle n'en a rien fait », a-t-elle ajouté. Un silence de mort, lourd de désespoir signifie la fin de cette terrible confession.
Les viols sont fréquents dans les univers censés être les plus protecteurs. Ceux-là mêmes où devraient régner amour, protection, sécurité, confiance, éducation. La loi du silence est imposée aux victimes, particulièrement à l'intérieur de la famille, car c'est à elles qu'incombe la charge de « préserver » la cohésion familiale, d'être « gentilles », obéissantes.

 

Viol de femmes, viol d'enfants, viol conjugal. Il est temps que la société et les autorités responsables ouvrent les yeux sur « ce fléau », sur lequel certains n'osent pas mettre un nom.Face à l'insécurité qui règne au quotidien, à l'évolution crescendo de la violence, les Libanais vivent avec la peur au ventre : agressions, enlèvements, meurtres, vols et viols sont commis en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut