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Liban

Samir Frangié et Jean-Pierre Perrin discutent sans tabous du conflit syrien

Jean-Pierre Perrin, Gisèle Khoury et Samir Frangié.  Photo Michel Sayegh

C’est autour du livre de Jean-Pierre Perrin, La mort est ma servante : Lettre à un ami assassiné, Syrie 2005-2013, que l’auteur de l’ouvrage et l’ancien député Samir Frangié se sont retrouvés au Salon du livre francophone pour débattre du conflit syrien, dans le cadre d’un panel modéré par notre consœur Gisèle Khoury. Dans son ouvrage, Jean-Pierre Perrin relate au journaliste assassiné en 2005, Samir Kassir, le printemps syrien auquel il n’a pas pu assister, lui qui avait prophétisé que la démocratie dans le monde arabe ne se ferait pas sans « printemps à Damas ».
« Le livre de Jean-Pierre Perrin est un témoignage sur le premier crime contre l’humanité commis en ce nouveau millénaire, un crime qui a fait jusque-là 200 000 morts et provoqué l’exode de 6 millions de personnes, plus du quart de la population, affirme Samir Frangié. Le tableau qu’il fait des massacres et de la torture est terrifiant, et suscite à chaque page une vague de compassion envers les victimes de ces massacres. À la lecture de cet ouvrage, souligne Samir Frangié, je me suis posé la question de savoir si nous n’étions pas, d’une certaine manière, responsables de “crime de non-assistance” à peuple en danger. Un massacre sans précédent au XXIe siècle a lieu depuis bientôt trois ans à quelques dizaines de kilomètres de nous. Cette impuissance, qu’elles qu’en soient les causes, est lourde à assumer et hypothèque notre avenir. Comment pourrons-nous expliquer aux nouvelles générations que personne n’a été en mesure d’agir ? Dans les génocides et les crimes contre l’humanité qui ont jalonné le siècle passé, on pouvait à la limite se prévaloir du fait qu’on ne savait pas. Aujourd’hui, une excuse du genre ne tient plus la route. Et que dire de ceux, parmi nous, qui continuent de soutenir ce régime politiquement et militairement ? Leur responsabilité n’est plus de l’ordre de la non-assistance, mais de celui de la participation au crime en cours. »
Et Samir Frangié d’ajouter : « La responsabilité de la communauté internationale, quant à elle, est beaucoup plus importante, car le régime syrien a longtemps bénéficié d’une complaisance étonnante qui a conduit les Américains, comme le raconte l’auteur, à “sous-traiter”, après le 11 septembre, la torture aux Syriens “parce que leur savoir, c’est-à-dire leur cruauté, était sans égal”. Comment peut-on justifier dans un même temps l’intervention militaire de l’Occident en Libye et sa non-intervention en Syrie ? Quel message la communauté internationale envoie-t-elle au monde arabo-musulman ? Ne fait-elle pas avec cette politique de deux poids, deux mesures, le jeu de l’extrémisme musulman, de la Tchéchénie au Mali ? »
M. Frangié a enfin estimé qu’« il est temps pour nous, libanais, qui avons connu les affres de la guerre, de réagir, de jeter les bases d’une nouvelle vision du Machreq arabe, un Machreq du vivre-ensemble à l’image de Samir Kassir, qui était tout à la fois libanais, palestinien, syrien, français et citoyen du monde ».
De son côté, Jean-Pierre Perrin a affirmé que « la torture en Syrie est inimaginable », la comparant à « une routine perverse et systématique ». « Les premières victimes de cette torture, les Frères musulmans, retombent dans ces pratiques et, pire encore, elles sont aujourd’hui filmées et diffusées sur Internet », a déploré M. Perrin qui a certifié que les journalistes en Syrie sont constamment poursuivis. Il a en outre noté « une montée en puissance des forces radicales et extrémistes », transformant le terrain syrien en « véritable capharnaüm guerrier, où l’on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi ». M. Frangié a alors estimé que « les islamistes d’Irak et de Syrie qui se font appeler Da’ech sont une invention du régime qui a fait sortir de prison tous ceux qu’il avait utilisés en Iraq et au Liban pour justifier la non-intervention étrangère, un jeu qu’il manie très bien ».
Samir Frangié a par ailleurs assuré qu’il est impossible au régime de se mettre sur pied de nouveau, appelant les Libanais et les Arabes à réfléchir sur la question : quelle Syrie veut-on ? Les propos de Samir Frangié ont été contredits par Jean-Pierre Perrin qui a affirmé ne pas reconnaître « les manières et la dynamique du régime Assad dans ces groupes islamistes répandus ». Il a de même espéré qu’il ne soit pas vrai que les grandes puissances aient l’intention de perpétuer le conflit syrien pour laisser les forces jihadistes s’entre-tuer.
En réponse à une question, voulant savoir si la Syrie se portait mieux avant la « révolution », Samir Frangié a déclaré que « la Syrie avant 2011 était un pays qui n’avait aucune possibilité d’exister ». « Ce qui se passe aujourd’hui est dramatique, mais c’est le prix à payer, celui du changement, a-t-il estimé. Nous ne nous portions pas mieux au Liban sous la tutelle syrienne, mais aujourd’hui nous avons nos problèmes. Cela est normal, nous sommes au moins les maîtres de nos destinées. Nous ne pouvons souhaiter que ce régime subsiste pour la simple raison que l’éducation sous sa dictature est gratuite. Elle l’était aussi en URSS ! Dans un pays aussi riche et diversifié que la Syrie, que tout un pays soit réduit à un parti, et que tout un parti soit réduit à un homme, c’est un drame! »

 

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