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Culture - Scène

La grandeur des folies de Lina Khoury

La première de « Majnoun Yihki » a eu lieu jeudi soir. Une comédie noire et en musique, écrite et réalisée par Lina Khoury, qui évoque l’aliénation par les régimes totalitaires. Elle se tient tous les jeudis, vendredis, samedis et dimanches à 20h30 jusqu’au 17 novembre sur les planches du Madina.

Le psychiatre (Ziad Rahbani), la pasionaria (Nada Abou Farhat) et le fou bien pensant (Gabriel Yammine), trois caractères bien trempés. Photos Zeinoun Naboulsi

Il y a au moins trois raisons et certainement plus pour aller voir Majnoun Yihki. La première est que cette comédie marque l’entrée théâtrale beyrouthine (et quelle entrée! puisqu’elle met la barre haute). Puis, parce qu’on retrouve le travail de Lina Khoury qui brise à chaque fois les chaînes, casse les tabous en créant toujours la surprise. Enfin, parce que cette pièce marque le retour de Ziad Rahbani, le comédien, sur les planches. Cet artiste tant attendu qui, malgré ses éclipses, reste l’enfant chéri de Beyrouth. Preuve en est les applaudissements nourris auxquels il a eu droit dès qu’il a paru sur scène. Si on demande à la réalisatrice comment a-t-elle fait pour le convaincre de monter sur les planches, elle répond sans hésiter: «Je n’ai trouvé aucune difficulté à le faire. Je suis étonnée que tout le monde me pose cette question. Au contraire, Ziad était enthousiaste de jouer ce rôle que je lui ai proposé.»

Les fous bien pensants
Mais au fait, que nous raconte ce «majnoun» qui veut parler à tout prix? Qui veut élever sa voix. L’action démarre dans un décor de chaînes suspendues qui forment comme un huis clos. Trois caractères principaux et trois secondaires y évoluent durant une heure trente, ainsi qu’un orchestre dont la présence est plus qu’importante puisque sa musique signée Oussama el-Khatib et ses gestes saccadés et théâtraux rythment l’action.
Le lieu? Le monde arabe. Le temps? Le XXIe siècle. Le totalitarisme règne encore, l’aliénation des esprits aussi. Toute liberté est anéantie. On n’a pas le droit de parler, de donner son avis, sinon c’est la prison ou tout comme. Un hôpital psychiatrique où l’on vous bourre de médicaments, où l’on vous humilie, où l’on vous bat pour vous casser. L’individu ne peut sortir indemne de ce lieu qui ressemble à des limbes.
Magnifique Gabriel Yammine qui incarne un fou et, comme Jeanne d’Arc (au fond, n’avait-elle pas été traitée elle aussi de folle?), croit entendre ou entend constamment la musique d’un orchestre dans sa tête. Tout aussi superbe prestation pour Nada Abou Farhat, qui a séduit et étonné le public dans ce rôle de pasionaria prête à mourir pour ses idéaux et ne jamais flancher. La boule à zéro, l’allure décharnée, la comédienne est allée jusqu’au bout prouvant qu’elle était une sacrée actrice. Le trio se complète avec Ziad Rahbani en psychiatre qui semble avoir, lui, perdu la boule plus que les deux incarcérés qu’il traite et qu’il veut ramener dans le « bon chemin ». Un bon chemin, dit-on? Celui pavé par des supérieurs, des dictateurs. Celui qui n’admet pas qu’on sorte des sentiers battus. Mêlant borborygmes et langue de bois, l’artiste habite son personnage et maîtrise la scène avec le ton épuré qu’on lui connaît.
Les personnages secondaires ne sont pas non plus négligeables et entourent bien les caractères principaux. Ainsi, Andrée Nacouzi, Aline Salloum et Élie Kamal, en sa majesté le colonel, se tirent bien d’affaire.
Le texte est osé, voire bien dosé et bien remanié – puisque la réalisatrice avait déjà mis en scène cette pièce à la LAU – avec des pics de moments plus forts que d’autres (lorsque Nada Abou Farhat cite les noms des personnes par leurs initiales ou que Ziad Rahbani mêle les deux sexes. Tout le monde en prend pour son grade dans cette prison que l’artiste a installée sur scène et, au bout du compte, on sort en se demandant qui est le plus fou, l’interné ou le personnage de l’extérieur, dit normal ?
Il y a au moins trois raisons et certainement plus pour aller voir Majnoun Yihki. La première est que cette comédie marque l’entrée théâtrale beyrouthine (et quelle entrée! puisqu’elle met la barre haute). Puis, parce qu’on retrouve le travail de Lina Khoury qui brise à chaque fois les chaînes, casse les tabous en créant toujours la surprise. Enfin, parce que cette pièce marque le...
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