La Russie a admis hier la « mention » de possibles mesures coercitives dans une résolution sur les armes chimiques syriennes, donnant l’espoir d’un compromis dans un nouveau bras de fer diplomatique avec les Occidentaux. Cette déclaration intervient au moment où la crise était au centre des débats de l’Assemblée générale de l’ONU. La Russie, alliée de Damas, et les Occidentaux butent depuis une semaine sur les termes d’une résolution à adopter pour la mise en œuvre du démantèlement de l’arsenal chimique syrien, et notamment sur son adoption sous chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui prévoit sanctions, voire recours à la force.
« Le chapitre VII ne peut être mentionné que comme un élément de l’éventail de mesures, si sont détectés (...) des faits comme le refus de coopération, la non-application des engagements, ou si quelqu’un, peu importe qui, a recours à l’arme chimique », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov devant la Douma (Chambre basse du Parlement). M. Riabkov a toutefois aussitôt souligné qu’il n’était toujours pour Moscou « pas question d’adopter une résolution au Conseil de sécurité sous chapitre VII ni d’application automatique de sanctions ou encore moins de recours à la force ».
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La résolution débattue doit être adoptée au Conseil de sécurité pour faire suite à l’adoption à Genève, le 14 septembre, d’un plan de démantèlement de l’arsenal chimique syrien. Les Occidentaux ont affirmé leur volonté de faire adopter une résolution « contraignante », ce qui serait le cas si elle était adoptée sous chapitre VII de la Charte de l’ONU. La Russie a martelé qu’il n’en était pas question, et que des mesures sous chapitre VII ne pourraient faire l’objet le cas échéant que d’une seconde résolution, à voter en cas de violations des engagements, et à condition que celles-ci soient dûment prouvées. M. Riabkov a émis l’espoir qu’un accord puisse être obtenu cette semaine, mais a accusé les Occidentaux, États-Unis en tête, de poursuivre d’autres buts que la mise en œuvre de l’accord de Genève. « S’ils essaient dans cette résolution d’inscrire des formules qui préjugent de l’avenir et imposent des scénarios, nous ne pouvons l’accepter », a-t-il déclaré.
« Aucun revirement »
De source diplomatique occidentale, on a suggéré que le compromis avec les Russes pouvait bien consister à adopter une résolution faisant mention du chapitre VII de la Charte de l’ONU, mais qui ne serait pas adoptée « sous » chapitre VII et ne comprendrait donc pas d’automatisme. Mais M. Riabkov a insisté sur le fait que les discussions entre la Russie et les États-Unis ne se déroulaient pas très bien, disant craindre que l’accord américano-russe sur les armes chimiques syriennes n’ait fait que retarder les frappes de Washington contre Damas. Alexandre Filonik, un expert de l’Institut russe des études orientales, a du reste estimé que les déclarations de M. Riabkov ne montraient aucun revirement de la Russie. « Je ne vois pas ce qui pourrait pousser la Russie à changer de position à l’avenir », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le vice-ministre russe a affirmé que les inspecteurs de l’ONU sur les armes chimiques allaient revenir en Syrie aujourd’hui. « Nous sommes satisfaits que nos appels insistants à faire revenir les inspecteurs de l’ONU aient été entendus », a-t-il déclaré. La Russie n’a cessé de réclamer que la mission d’inspecteurs, dont elle avait jugé partial le rapport sur l’attaque chimique du 21 août près de Damas, revienne en Syrie pour enquêter sur d’autres cas présumés de recours à des armes chimiques, dont elle accuse les rebelles.
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Les réfugiés
D’autre part, sur le plan humanitaire, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a appelé hier la France à faciliter l’arrivée sur son sol de Syriens, estimant que la crise de son système d’asile était « sans commune mesure » avec la situation prévalant chez les voisins de la Syrie. Depuis le début de l’année, la France a enregistré 850 demandes d’asile émanant de Syriens, a déclaré Philippe Leclerc, représentant du HCR en France. Ce chiffre est marginal au regard des 2,1 millions de réfugiés syriens, installés à 97 % dans les pays limitrophes (Liban, Jordanie, Irak, Turquie), a-t-il précisé. À ce titre, M. Leclerc a souligné que d’ici à la fin de l’année, un quart de la population du Liban serait formée de réfugiés.
De son côté, le pape François a appelé les gouvernements à se doter « d’instruments normatifs » pour protéger les immigrants qui « ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité », a annoncé le Vatican. Dans son premier message en vue de la Journée mondiale des migrants et des réfugiés (19 janvier prochain), François juge que les moyens de communication ont « une grande responsabilité » en cette époque de mondialisation accélérée. La réalité des migrations exige en outre « une coopération internationale ».
Enfin, trois Syriens sont accusés d’avoir violé en réunion une adolescente syrienne de 14 ans dans le camp de réfugiés de Zaatari, dans le nord de la Jordanie, a indiqué hier Amman. La police jordanienne a confirmé cette affaire, mais a refusé de donner le moindre détail.
Reportage
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