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Liban

L’autosécurité creuse le fossé entre le Hezbollah et les habitants de la banlieue sud, avertit Lokman Slim

Lokman Slim, éditeur et activiste au sein de la société civile, habite la banlieue sud.  Photo Maud Tessa Bernardeau

L’éditeur et activiste au sein de la société civile, Lokman Slim, a estimé que le Hezbollah tente de maintenir aujourd’hui sa domination sur la communauté chiite, et plus précisément sur la banlieue sud, par la rhétorique de l’autosécurité, en jouant, pour réveiller l’esprit de corps de sa communauté, sur la peur des voitures piégées et des takfiristes.
Dans un entretien accordé à Rayan Majed, pour le site NowLebanon, l’éditeur – un démocrate opposé au Hezbollah – dénonce la tendance à tomber dans l’écueil idéologique voulu par le Hezbollah, celui de réduire la banlieue sud au rang de bastion monochrome et monolithique du parti chiite.
Or, affirme-t-il, malgré le Hezbollah et l’absence d’un espace pluricommunautaire dans cette zone, il y a quand même « de grosses différences de classes sociales dans cette région ». « Il y a trois espaces au sein d’une même zone : une banlieue riche, près de l’hôtel Mariott, une banlieue médiane ou bourgeoise, de la route de l’AIB au quartier américain, et une troisième, plus pauvre, au sud. Le concept idéologique de banlieue sud a été créé en 1982 sur l’idée d’une seule banlieue, indépendante. Or, toute la propagande du Hezbollah est fondée sur l’idée selon laquelle toute la région ne formerait qu’un seul bloc monolithique, sans aspérités, ni sur le plan idéologique ni sur celui des relations entre les gens », affirme Lokman Slim.
« Mais il existe en fait, dans ce bloc que, de l’extérieur, on pourrait s’imaginer cohérent, plusieurs perspectives et plusieurs temps. Il y a, par exemple, les mesures sécuritaires préventives, ou encore l’obsession généralisée des voitures piégées qui se baladeraient dans la banlieue à la recherche d’un parking pour se garer, ou encore, dans l’espace et le temps, ce jet-lag des querelles entre le clan Zeayter et le clan Hjoul, avec l’armée qui tente de jouer entre eux le rôle de la Finul dans les ruelles de Laylaki », poursuit M. Slim. « Cela est surréaliste. Pour mettre fin aux querelles entre les familles, le Hezbollah a recours à l’armée en tant que partie neutre. Il ne veut pas se mêler pour ne pas s’attirer plus de problèmes encore. De plus, cette région n’est pas particulièrement importante pour le Hezbollah. Ces derniers se dissimulent derrière Amal, lequel renouvelle sa présence sur le terrain par le biais des mesures sécuritaires. Comme c’est le Hezbollah qui a inventé l’idée du ghetto, il permet actuellement l’existence d’un ghetto dans le ghetto, sur le modèle des poupées russes. Pour le parti, tant que ce conflit clanique est limité à trois ou quatre rues, il n’y a pas de problème », souligne-t-il.
Pour Lokman Slim, cela constitue « une preuve supplémentaire que la banlieue est en fait plusieurs et qu’il faudrait en parler désormais au pluriel. Dire le contraire, c’est consacrer la perception idéologique voulue par le Hezbollah. Le parti souhaite donner l’impression que la banlieue sud est, symboliquement, une seule rue, qui a besoin d’un seul leader incontournable auquel il est impossible de dire non ».
L’éditeur critique, au nom des mesures sécuritaires préventives, « les débordements des patrouilles à travers des balades sur l’ancienne route de Saïda, ou encore plus au sud vers l’ambassade du Koweït, ce qui permet à Amal de manifester sa présence sur le terrain » et « au duopole de se renouveler à travers ce processus, quand bien même c’est le Hezbollah qui garde la suprématie ». Il dénonce ainsi une véritable « matérialisation » de l’hypersécurité, qui n’a eu cesse de s’intensifier au cours des dernières semaines avec les attentats. Et l’autosécurité ne se limite pas aux barrages et aux remblais en métal, souligne-t-il, s’inquiétant d’une « sorte de planification, de réorientation de la circulation des gens ». « Plusieurs routes ont été coupées sous le prétexte de limiter les accès à la banlieue, qui a désormais des portes. Le ghetto est de plus en plus contrôlé et organisé », dit-il.
Selon lui, la population réagit plutôt mal à ces mesures. « Plusieurs personnes mettent des canettes de bières ou de whisky derrière leurs pare-brise », une manière de faire de la résistance culturelle passive et de montrer au Hezbollah « qu’ils ne ressemblent pas à ce modèle ».
Pour Lokman Slim, l’autosécurité assure donc aujourd’hui la même fonction que celle de la rhétorique sur la résistance, pour le Hezbollah. « Ainsi, même si les gens commencent à se poser des questions, ils acceptent néanmoins, au nom de l’esprit de corps et de la peur du Dracula takfiriste, de se soumettre à l’autosécurité. Mais lorsqu’il évaluera la situation en termes de gains et de pertes, le citoyen verra au bout du compte que cette sécurité qui prétend le protéger lui fait perdre beaucoup. Le véritable critère est économique, à ce niveau. Les commerçants qui ont besoin d’échanges commerciaux se plaignent », dit-il, évoquant des effets économiques désastreux.
Par ailleurs, selon lui, les incidents avec deux journalistes qui se sont produits la semaine dernière prouvent combien « ce modèle de sécurité totale que le Hezbollah tente d’imposer est difficile à appliquer ». « Cela approfondit le fossé entre le Hezbollah et les gens. Lorsque sa sécurité était spectrale, le Hezbollah réussissait. Mais depuis qu’elle est manifeste et que les citoyens sont soumis à des contrôles, la réaction des citoyens est négative. D’autant que ce genre de fouilles ne se déroule pas sans un climat de condescendance (...). C’est comme si le Hezbollah disait aux gens : “Ici, nous sommes l’État.” (...) Ce genre de pratiques ne provoqueront pas de réactions à court terme, mais davantage de rancœurs et de réactions négatives de la part des citoyens, ce qui est dangereux », affirme Lokman Slim.
Pour l’éditeur, il est évident que « la peur est créée et alimentée dans la banlieue sud », dans la mesure où, « depuis 2007, le Hezbollah prétend dans son discours que les chiites sont dans le collimateur ». « La peur est l’un des éléments essentiels de la domination du Hezbollah sur la communauté chiite. La protection qu’il souhaite imposer ne saurait être viable sans l’existence préalable de cette peur. La question se pose de savoir si cette autosécurité va se prolonger éternellement comme la résistance, au nom de dangers potentiels », indique-t-il.
Lokman Slim estime que « le Hezbollah est sur la sellette vis-à-vis de son public aujourd’hui ». « Lorsqu’il demande aux gens de renoncer à leurs enfants pour aller se battre en Syrie et à leur gagne-pain dans la banlieue, il est contraint de donner quelque chose en contrepartie à son public : ce sera plus d’agressions contre l’État, encore, par la force ou la pression, qui mèneront à plus d’effondrement au niveau des institutions de ce pays », ajoute-t-il.
L’éditeur et activiste au sein de la société civile, Lokman Slim, a estimé que le Hezbollah tente de maintenir aujourd’hui sa domination sur la communauté chiite, et plus précisément sur la banlieue sud, par la rhétorique de l’autosécurité, en jouant, pour réveiller l’esprit de corps de sa communauté, sur la peur des voitures piégées et des takfiristes.Dans un entretien...

commentaires (4)

la vérité est entre les deux...le Hezbollah "officiel " ne contrôle pas toutes ses "troupes".Et tout le monde le sait,HN ne contrôle même pas son entourage...à preuve les scandales alimentaires,pharmaceutiques,douaniers,et j'en passe....mais peut-on vraiment lui reprocher ,en tant que guide du Hezb,ce qui est et a été monnaie courante aux mains d'autres partis ,à d'autres époques?C'est l'éternelle cohorte des profiteurs,attachés aux partis dominants...évidemment,çà relativise la prétention ...prétentieuse,du Hezb à être le parti de l'"honnêteté"...prétention qui fait d'ailleurs bien rire de la part de n'importe quel parti libanais.Comme on dit,c'est celui qui tient le fusil qui commande...pur le moment,c'est le Hezb.Mais demain?

GEDEON Christian

14 h 38, le 23 septembre 2013

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Commentaires (4)

  • la vérité est entre les deux...le Hezbollah "officiel " ne contrôle pas toutes ses "troupes".Et tout le monde le sait,HN ne contrôle même pas son entourage...à preuve les scandales alimentaires,pharmaceutiques,douaniers,et j'en passe....mais peut-on vraiment lui reprocher ,en tant que guide du Hezb,ce qui est et a été monnaie courante aux mains d'autres partis ,à d'autres époques?C'est l'éternelle cohorte des profiteurs,attachés aux partis dominants...évidemment,çà relativise la prétention ...prétentieuse,du Hezb à être le parti de l'"honnêteté"...prétention qui fait d'ailleurs bien rire de la part de n'importe quel parti libanais.Comme on dit,c'est celui qui tient le fusil qui commande...pur le moment,c'est le Hezb.Mais demain?

    GEDEON Christian

    14 h 38, le 23 septembre 2013

  • C'est absolument faux... de la simple désinformation à l'état pure.. je puis tranquillement vous l'affirmer! J'ai vraiment l'impression que l'on veut faire entendre/lire à la majorité des lecteurs ce qu'ils souhaiterait entendre/lire; ce d'ailleurs pour cela que l'on se trompe souvent! Souhaiter qquechose, ce n'est pas forcement le rendre réel monsieur Lokman. Alors la vrai question ici c'est: Pourquoi et surtout pour qui??

    Ali Farhat

    10 h 42, le 23 septembre 2013

  • Le Hezb signe avec son combat en Syrie la fin de sa longue chevauchée. Un rêve politique mal appréhendé par Hassan Nasrallah car ses objectifs régionaux dépassaient de loin les moyens de les réaliser et surtout ses capacités à continuer à dominer la scène nationale et les exigences de sa base... Attention aux retombées, il faudra aux cadres du Hezb beaucoup de sagesse et d'humilité pour éviter des dégâts trop onéreux pour la communauté chiite et des conséquences négatives sur la gouvernance nationale en voie de reconstitution...!

    Salim Dahdah

    10 h 32, le 23 septembre 2013

  • Le Hezbollah est une calamité pour le Liban et tout particulièrement pour la communauté chiite si riche en diversité intellectuelle et qu'il tente d'uniformiser et d'étouffer sans répit, par son totalitarisme importé de l'Iran.

    Halim Abou Chacra

    05 h 39, le 23 septembre 2013

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