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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Une « petite fessée »... et le monde s’affole

Progressivement, comme une tumeur qui s’étend, qui prend possession de tout le corps, qui anesthésie la conscience, voilà que de part et d’autre des voix s’élèvent pour rappeler qu’il y a toujours un moindre mal, que les barbares sont toujours confrontés à de pires barbares et qu’à l’heure du choix il faut bien pactiser avec le diable, accepter ce qui, hier encore, était considéré comme un crime contre l’humanité.


Tel est le résultat de longues semaines d’atermoiements, de lamentables hésitations, le processus démocratique se transformant en alibi pour ne rien faire ou pour différer une décision qui affole déjà la communauté internationale, retardant du même coup l’ouverture de la boîte de Pandore savamment entretenue par un maître en la matière : Bachar el-Assad.


David Cameron déclare forfait, Obama demande conseil au Congrès et Hollande se soucie maintenant de connaître les conclusions des enquêteurs de l’ONU alors qu’il s’était forgé une certitude concernant l’usage de l’arme chimique par le régime syrien.


Des semaines de tergiversations et voilà où on en est aujourd’hui : des dirigeants de grandes puissances réduits à quémander l’autorisation d’administrer une leçon à un potentat génocidaire : « Juste une petite fessée » pour ne pas trop indisposer un Poutine intraitable et un Rohani qu’on veut bien croire enclin à des sentiments moins belliqueux.
Entre-temps, la machine à propagande baassiste tourne à plein régime, relayée par les médias occidentaux hostiles à une intervention militaire : les vrais monstres ne sont pas ceux que l’on croit et la chute de Bachar placerait la Syrie sous la coupe des jihadistes, « ceux-là mêmes qui veulent imposer la charia et qui menacent les chrétiens ». Dans le contexte actuel, les événements dans la localité de Maaloula ne peuvent être le produit du simple hasard et leur timing est plus que suspect.


Qui massacre plus, qui massacre moins ? Telle est l’équation qui pèse dans la balance, qui interpelle les bien-pensants et qui conditionne la frappe à venir. Qui est donc plus criminel : celui qui a déjà 100 000 morts sur la conscience, qui gaze sans états d’âme son propre peuple, ou les jihadistes surgis de nulle part, des tueurs souvent manipulés et utilisés par le régime syrien, au Liban comme en Irak, et qui ne représentent que la part congrue et pestiférée de la rébellion originelle, celle issue du peuple, de la Syrie profonde ?


Frappera, frappera pas ? Telle est aujourd’hui l’interrogation lancinante qui interpelle tout le Moyen-Orient, qui divise l’Occident, et à laquelle Barack Obama n’a pas donné de réponse définitive malgré ses déclarations musclées et l’impressionnante armada déployée en Méditerranée.


Mais redisons-le une fois de plus : ce n’est pas une « bonne petite fessée » qui modifiera l’équation en Syrie, ce ne sont pas des frappes « étroites » qui ramèneront Bachar el-Assad à la raison et le contraindront à se mettre à table, à emprunter la voie des négociations. En ne parlant que d’une opération à but limité, non dirigée contre la personne du président, aussi bien les États-Unis que la France ont réussi la gageure de rendre la Russie et l’Iran encore plus intransigeants, de donner des ailes au régime assadiste et de plonger la rébellion dans le désarroi.


Question crédibilité, Washington et Paris auraient pu mieux trouver ! Comment vont-ils maintenant s’en sortir sans perdre la face ? Toute la question est là. Comme pour Cameron, les Parlements des deux pays leur tendent la perche. Soit ils la saisissent et la messe sera probablement dite, soit ils passent outre et enfourchent alors le cheval de bataille. Une équipée qu’ils veulent tout à fait « hygiénique » mais qu’ils souhaitent annonciatrice, à terme, de négociations politiques décisives.


Dans les deux cas, c’est à une agonie prolongée que la Syrie exsangue serait condamnée et les scénarios cyniques auront alors été vérifiés : une guerre civile extensible à souhait, alimentée en engins de mort, poursuivant inlassablement son œuvre de destruction massive jusqu’aux pays environnants.
Le monde, lui, calfeutré dans son paisible cocon, ne s’en porterait que mieux...

 

 

 

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