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Liban

L’incinération qui génère de l’électricité, une alternative contestée

L’environnementaliste Ajwad Ayache montrant la décharge du doigt. Photos Lebanon Eco Movement

Une des rares certitudes dont on dispose dans le dossier des déchets ménagers au Liban est celle-ci: la décharge de Naamé ne sera fermée qu’une fois une alternative trouvée pour les déchets de Beyrouth et du Mont-Liban. Une alternative qui ne serait pas une autre décharge, étant donné l’impossibilité, dorénavant, d’imposer une telle idée à une autre région (deux autres décharges contrôlées existent au Liban, l’une à Bsalim pour les gros objets inertes, construite dans une ancienne carrière, et l’autre à Zahlé depuis 1998, desservant la Békaa).
Le plan proposé par le gouvernement depuis 2010 est fondé sur la construction d’incinérateurs sur la côte, des usines qui seraient extrêmement sophistiquées, capables de générer de l’électricité. Une technologie appelée «Waste to Energy».
Bassam Sabbagh, du ministère de l’Environnement, n’en démord pas: avec la rareté des terrains disponibles au Liban, notamment sur la côte, l’incinération est la seule solution possible, selon lui.
Interrogé sur les mauvaises expériences passées au Liban, il assure que «les nouvelles technologies dont on parle n’ont rien à voir avec les incinérateurs qui avaient été installés dans les années 90, et dont les standards n’avaient même pas été respectés». Assurant avoir visité des incinérateurs en pleine ville aux Pays-Bas, il affirme que «les émanations de dioxine (cancérigène), dont on pourrait avoir peur sont minimales, de l’ordre de 0,02 nanogrammes». «Avec cette nouvelle technologie, on peut suivre l’état de l’incinérateur et des émanations en temps réel, à partir d’un bureau», ajoute-t-il.
Interrogé sur le coût élevé d’une telle technologie, Bassam Sabbagh déclare: «Il est vrai que la construction des incinérateurs, avec les usines de tri et compostage qui vont avec, coûtera près d’un milliard de dollars, que devra payer l’État. Mais cette technologie présente deux grands avantages: les cendres qui en découlent peuvent être employées pour améliorer la qualité du béton, et chacun de ces incinérateurs peut générer 150 à 200 mégawatts par heure.»
Il poursuit: «L’État produit actuellement le kilowatt/heure à 28 cents, et le vend à 12, d’où un déficit de 16 cents. Ces 150 mégawatts seront produits par le secteur privé à 10 cents le kilowatt/heure, et vendus au consommateur à 12. Cette économie de 18 cents représentera 200 millions de dollars par an. Tout compte fait, la tonne coûtera beaucoup moins que ce que nous payons actuellement à la société privée qui se charge du traitement.»
L’adoption de cette technologie ne fait pas l’unanimité au Liban. Paul Abi Rached, président du rassemblement d’ONG «Lebanon Eco Movement», émet des doutes sur la capacité de l’État à gérer une telle technologie complexe, qui peut devenir très polluante si elle n’est pas assez bien surveillée. «Quoi qu’on en dise, nous n’avons pas de laboratoires spécialisés pour mesurer les émanations, explique-t-il. D’autre part, même si nous incinérons les déchets, nous aurons toujours besoin d’une décharge pour les résidus, le problème ne sera donc qu’à moitié résolu. De plus, l’incinération des déchets en bloc nuira aux efforts de promotion du tri et du recyclage, le moyen le plus écologique pour traiter les déchets. Sans compter que les déchets qu’on incinère au lieu de les réutiliser ou de les recycler sont autant de ressources perdues. En fait, avec un bon système de réduction, tri, recyclage et compostage, une décharge comme Naamé n’aurait accueilli que des déchets inertes, et n’aurait par conséquent dégagé aucune des odeurs ou des gaz qui empoisonnent la vie des habitants aujourd’hui.»
À ces arguments, Bassam Sabbagh répond qu’une décharge pour l’enfouissement des déchets inertes résultant de l’incinération ne peut être comparée à une décharge qui accueille chaque jour plus d’une centaine de tonnes de déchets organiques, responsable des désagréments dont se plaignent les habitants. «Pour ce qui est du tri et du recyclage, il faut savoir que leur promotion peut se faire parallèlement au fonctionnement des incinérateurs, estime-t-il. Mais ce sont des choses qui prennent du temps. L’Allemagne et la Suède ont commencé leurs campagnes dans les années 70, et ces pays en sont toujours à des taux de 30 et de 40% de tri et recyclage au sein de leurs populations.»
Paul Abi Rached n’est pas de cet avis. «De nombreuses expériences menées au Liban ont prouvé qu’il est possible de convaincre la population de trier ses déchets et de les envoyer au recyclage, si tant est qu’on lui assure un système viable, dit-il. Étant donné notre situation économique, il s’agit là du système de traitement de déchets qui nous convient le plus. Pourquoi opter pour la technologie la plus compliquée et la plus onéreuse, dans un pays qui n’est pas connu pour son aptitude à l’entretien de ses installations et à la surveillance du déroulement des opérations?»

S.B.
Une des rares certitudes dont on dispose dans le dossier des déchets ménagers au Liban est celle-ci: la décharge de Naamé ne sera fermée qu’une fois une alternative trouvée pour les déchets de Beyrouth et du Mont-Liban. Une alternative qui ne serait pas une autre décharge, étant donné l’impossibilité, dorénavant, d’imposer une telle idée à une autre région (deux autres...

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