Robert Belleret, ancien journaliste au Monde et auteur d’une biographie de référence sur Léo Ferré, a entrepris un méticuleux travail de vérification, s’appuyant notamment sur une centaine de lettres adressées par Piaf à son confident Jacques Bourgeat, restées jusque-là inexploitées. Au long d’une somme de plus de 700 pages, il tord le cou à quelques-unes des légendes les plus tenaces entourant l’idole, disparue le 10 octobre 1963. Des mensonges et demi-vérités véhiculés par son entourage, mais que Piaf a elle-même abondamment fait circuler, afin d’« autoalimenter son mythe », souligne l’auteur.
Ainsi, contrairement à ce qu’elle a toujours affirmé, Édith Gassion n’est pas née dans la rue le 19 décembre 1915, mais à l’hôpital Tenon, dans le 20e arrondissement de Paris. Fille d’une chanteuse et d’un contorsionniste, elle n’a sans doute pas été nourrie au vin rouge, ni frappée de cécité dans son enfance. L’auteur met aussi en doute le récit fait par Piaf selon lequel elle aurait fait passer de faux papiers à des prisonniers lors de ses visites à des camps en Allemagne pendant la guerre. Il évoque plutôt une chanteuse désinvolte, sans conscience politique, qui n’hésite pas à emménager en 1942 dans les locaux « bien chauffés » d’une maison close à deux pas du siège de la Gestapo.
L’auteur fait aussi la chronique détaillée de la vie amoureuse d’une « Don Juan au féminin », « briseuse de ménages » qui multiplie les conquêtes en culpabilisant : Marcel Cerdan, Yves Montand, Georges Moustaki, Eddie Constantine...
« Secrète et exhibitionniste »
À travers cette biographie, ce sont des facettes moins célébrées de Piaf que l’auteur cherche à mettre en lumière. Ses qualités d’auteur d’abord, qui la conduiront à écrire près de 90 chansons, dont La vie en rose et L’hymne à l’amour. Un talent d’écrivain d’autant plus remarquable que les lettres échangées avec Jacques Bourgeat montrent que Piaf a longtemps dû batailler avec les mots. La correspondance de la « Môme », qui n’a que brièvement fréquenté l’école, est au départ truffée de fautes d’orthographe et de syntaxe, avant de s’affirmer progressivement. Piaf la gouailleuse y confie faire des dictées, prendre des cours d’anglais et d’espagnol, évoque Socrate et Racine, rêve de courir les bouquinistes.
Piaf était « à la fois secrète et exhibitionniste, généreuse et calculatrice (...), dominée puis dominatrice par compensation, rouée sans pareille et franche du collier comme personne, résistant aux coups durs avec une rage et une force sidérantes, mais s’apitoyant toujours sur son sort », écrit Robert Belleret.
Les ingrédients d’un mythe qui sera à l’honneur cet automne avec une avalanche de documentaires, de livres, de concerts et une soirée d’hommage dans sa ville fétiche New York.
(Source : AFP)